Quartier de la Porte d'Anfa à Casablanca; parmi les enseignes prestigieuses, on trouve une banderole : « Forum de la culture. 1er Salon international des arts plastiques de Casablanca.1er-15 avril 2008» Placé à l'entrée de l'espace d'Anfa, le bout de tissu mesure plusieurs mètres, comme une insistance, une injonction, un appel lancé au milieu de cet antre de la consommation qu'est Anfa : «Venez ! Entrez ! Nous existons ! La culture est là, à portée de main, surtout à portée des yeux, puisque c'est de peinture qu'il s'agit». Le visiteur qui entre n'aperçoit pas immédiatement le petit atelier situé sur la droite, c'est pourtant là que travaillent Daly Bouzelmad et son mari Claude Haraut, dit «Bob» ; Tous deux sont artistes-peintres, «mais pas seulement !» me lance énergiquement Daly, femme à caractère s'il en est ; «Vous connaissez les berbères, ils sont droits ! Pour moi un artiste doit posséder deux choses : des principes et un comportement (arlak)». Et c'est vrai que Daly a plus d'une corde dans son arc : présidente de l'association Forum Création, elle est aussi commissaire général de ce 1er Salon des arts plastiques. Pour la peinture, c'est une autodidacte, «Mon école, c'est mon mari» se plaît-elle à répéter. Lui, «Bob» a fait les Beaux-Arts en France, il est également sociétaire de l'Académie européenne des arts graphiques. Style classique et académique ? Vous n'y êtes pas. Bob a justement refusé d'enseigner en France car l'idée d'avoir à imposer un style à qui que ce soit lui fait horreur. Ils se sont rencontrés voilà 9 ans. Tous deux peignent : figuratif, semi-figuratif, contemporain, rien ne leur fait peur. Mais Daly Bouzelmad tient à me montrer des tableaux à elle, «je pratique la technique de la transparence» me dit-elle en toute simplicité pendant que nous parcourons ses tableaux (elle travaille beaucoup sur la femme) : le tableau est abordé par le fond et l'arrière-plan, puis, progressivement, par un dégradé de couleurs, l'artiste en arrive à la silhouette au premier plan, un portrait d'une femme berbère par exemple, le résultat est saisissant. Retour à l'atelier. «Depuis 7 ou 8 ans, il y a une évolution dans la peinture marocaine ; avant les jeunes peintres se contentaient de recopier leurs aînés, aujourd'hui il y a une véritable recherche picturale». dixit Bob. Daly, elle, tient à ce festival : promouvoir l'art marocain, d'accord. Mais encore, qui sont ces jeunes peintres qui vont exposer leurs œuvres ? Daly arbore ses habits de commissaire du Salon : «Il y aura une sélection préalable. Les œuvres envoyées seront visualisées par un jury présidé par l'illustre peintre marocain Abdellatif Zine, les meilleures seront retenues pour l'exposition ; il y aura aussi des sculptures». Et de me parler de Sanae Arraquas, jeune peintre de 18 ans, de Casablanca. C'est un peu leur enfant chérie, on le sent à leur joie d'en parler. Elle a été l'élève de Daly Bouzelmad, a commencé par des reproductions de Picasso, puis s'est forgée son propre style, semi-figuratif. Sanae Arraquas a un style tout en nuances ; par un subtil travail de couleurs et de formes, elle arrive à ce résultat rare : montrer sans dévoiler. Des portraits de femmes nues, mais le détail n'est pas visible, une puissance de suggestion exceptionnelle… Il y a aussi Youssef Hachchane, qui travaille sur de la peau, Rachida Chokri, cette retraitée du port de Casablanca, qui fait de remarquables portraits, Najat Khatib, qui intègre la calligraphie à ses tableaux, avec des lettres arabes qu'on prendrait pour des êtres humains… «Il y aura aussi de la sculpture, n'oubliez pas d'en parler…». N'oubliez pas d'y aller… Salon international des arts plastiques de Casablanca, espace Porte d'anfa, Casablanca. Du 1er au 15 avril 2008. Abdou Benyacine