Surpopulation, corruption, manque d'hygiène... Il aura fallu que les catastrophes se produisent et se suivent dans certaines prisons marocaines, pour que les responsables daignent ouvrir les dossiers de ces établissements où sévissent tous les maux et dont la mission s'est complètement éloignée de son principal objectif. Après le scandale de la prison de Sidi Moussa à El Jadida, les responsables ont repris conscience de l'ampleur des dégâts. C'est alors que la réforme du système pénitentiaire marocain épouse désormais une approche globale et requiert l'élaboration d'une stratégie cohérente qui tient compte de tous les volets qui constituent le système. Ainsi, cette réforme doit se concentrer sur la politique pénale en général tout en accentuant l'analyse sur les causes économiques, sociales et culturelles de la criminalité, d'autant plus que le taux de récidive est en constant accroissement. Dans ce cadre, la réforme doit aboutir, également, à la révision de la politique de la détention préventive des rapports entre le parquet et la police judiciaire, de la constitution du corps des magistrats d'exécution et du conseil du parquet auquel avait fait allusion précédemment l'ex-ministre de la justice. C'est dire toute la consistance du chantier que doit inaugurer l'actuel ministre de la justice Mohamed Bouzoubaâ qui est appelé, avant tout, à mettre en œuvre les différents projets de réforme qui demeurent prisonniers de l'Administration. Cependant, et au vu de l'urgence, c'est la réforme du système pénitentiaire qui doit bénéficier de la priorité si le gouvernement veut bien éviter que d'autres catastrophes, encore plus graves, ne se produisent. Cette réforme doit s'articuler autour d'une nouvelle vision associant les composantes de la société civile à la recherche des solutions appropriées dans l'objectif de transformer les prisons en espaces productifs à même de contribuer efficacement à la réussite de l'insertion sociale et culturelle des détenus. Bien évidemment, toute réforme de ce type nécessite des budgets suffisants. C'est pourquoi, le programme gouvernemental doit être en mesure d'accorder à ce domaine une attention particulière, d'autant plus que les raisons de la démobilisation sont apparentes, puisque le système compte un déficit flagrant en ressources humaines compétentes que ce soit au niveau du parquet qu'à celui des fonctionnaires et agents de la direction centrale des pénitenciers. Mais, en attendant l'élaboration et la mise en œuvre de la réforme, les prisons marocaines affichent un spectacle désolant et indigne d'un pays qui se tourne vers la modernité. Ainsi et selon un rapport établi par la direction des pénitenciers et de la réinsertion, il ressort que les prisons marocaines ont accueilli en 2001 88.874 détenus dont 18.831 écopant d'une peine privative de la liberté, 4.991 détenus dans le cadre de la détention préventive et 15.467 détenus ayant bénéficié de décisions annulant la détention. Parmi cette dernière catégorie, 3.205 ont bénéficié de l'innocence, 154 d'un non-lieu, 8.256 d'un sursis de peine, 485 de peine d'amendes et 2.495 de liberté provisoire. Surpopulation Dans le même ordre, les prisons abritaient en 2001, 57.308 détenus encadrés par 5.835 agents et fonctionnaires. Parmi ces détenus, 10.365 sont condamnés pour des délits d'escroquerie, d'usage de faux et de falsifications de documents, 7.688 condamnés pour des délits liés au trafic des stupéfiants et alcools, 6.344 condamnés pour agressions corporelles et 2.248 pour des délits d'atteinte aux moeurs. D'un autre côté et au vu des résultats des différentes commissions d'inspection, 131 mesures disciplinaires ont été retenues contre les agents et fonctionnaires des prisons, alors que 4.274 mesures ont été prises contre des détenus. Ces commissions d'inspection ont permis, également de saisir 527 téléphones mobiles, 332.769,10 dhs et dévoilé 1.923 cas de détention de stupéfiants. Dans la segmentation par tranche d'âge des détenus, il apparaît que la catégorie de jeunes dont l'âge varie entre 24 et 29 ans, totalise 7.337 et ceux dont l'âge varie entre 24 et 34 ans sont au nombre de 11.258. En outre 59,48% sont célibataires, 31,17% mariés, 7,27% sont divorcés et 2,8% veufs. D'autre part, les budgets alloués aux prisons s'élèvent à 3.092.581,00 dhs dont 1.990.651,00 au fonctionnement et 1.101.930,00 dhs à l'équipement. Mais paradoxalement, les sommes dépensées par les familles des détenus pour leur entretien dépassent le budget étatique. Ainsi, 2.391.552 personnes ont visité les détenus leur fournissant 1.379.184 paniers dont le coût peut s'élever à 1.001.5.00,00 dhs. Bien entendu, tous les détenus ne sont pas satisfaits de leur condition, puisque 37 d'entre eux ont réussi à s'évader, dont 32 ont été réincarcérés, alors que 5 détenus courent toujours dans la nature et 350 détenus ont décrété la grève de la faim dont 236 pour protester contre les décisions judiciaires et 76 contre les conditions de détention. Mais il faut relever que la plus grande majorité des détenus écope d'une peine variant entre 2 mois et 2 ans, suivie d'une autre catégorie dont les peines varient entre 2 ans et 5 ans. Tous ces détenus sont pris en charge médicalement par seulement 128 médecins dont 72 conventionnés et 164 infirmiers. Mais dans ce tableau terne, le rapport indique que 58,96% des candidats pour l'obtention du certificat d'études ont réussi leur examen pour l'exercice 2000-2001.