Quand l'immigration devient un enjeu de taille dans les élections en Espagne… Comment définir précisément une coutume espagnole? Lors des élections qui se sont tenues le 9 mars en Espagne, cette question s'est située au coeur des débats. Mariano Rajoy, leader du Parti populaire (PP) de l'opposition, veut que tous les immigrants s'engagent à respecter les coutumes espagnoles. Cela a donné lieu à de nombreuses plaisanteries à propos des fameuses siestes, des courses de taureaux et des danses dans des robes à pois : trois coutumes nationales. Mais cela a rappelé surtout que l'enjeu de ces élections n'est pas tant la crise économique causée par l'inflation galopante et l'éclatement de la bulle immobilière. Ce que M. Rajoy veut, c'est que les immigrants signent un «contrat d'intégration» en bonne et dûe forme. Celui-ci les obligerait légalement à apprendre l'espagnol, à travailler dur pour s'intégrer… et à retourner chez eux s'ils restent trop longtemps au chômage ou s'ils commettent un crime. José Luis Rodríguez Zapatero, le Premier ministre socialiste, n'a pas manqué de tourner cette proposition en dérision. En Espagne, la part de population née à l'étranger a été multipliée par cinq pour atteindre les 10 % ces sept dernières années, mais il prétend que cela n'a causé que très peu de problèmes. Rajoy a profité d'un débat télévisé face à Zapatero, pour l'accuser d'encourager l'arrivée d'une avalanche d'immigrants. Le socialiste a rétorqué qu'un cœur xénophobe battait au PP, et celui-ci de répondre que tout ce qu'il désire, c'est remettre de l'ordre dans un système en proie au chaos. Un grand nombre de socialistes semblent apprécier que M. Rajoy ait choisi de jouer la carte de l'immigration. Le gouvernement Zapatero consacre beaucoup de temps aux questions sociales, domaine dans lequel il se sent à l'aise. Il a légalisé le mariage homosexuel, facilité la procédure de divorce, introduit une loi sur la parité hommes-femmes et affaibli l'influence de l'Eglise catholique sur l'enseignement. La plupart de ces mesures ont été bien accueillies; le parti PP de l'opposition a laissé les socialistes s'enorgueillir d'être un gentil parti qui combat les forces réactionnaires. Cependant, il y a quelques mois, le PP a décidé de changer de cap pour regagner le pouvoir qu'il a perdu en 2004. Le ralentissement de la croissance, l'augmentation du chômage et l'inflation flirtant avec les 4,3 %, le PP a commencé à mettre en doute les compétences du gouvernement en matière d'économie. Rajoy s'est rallié le soutien de Manuel Pizarro, homme d'affaires et ancien vice-président de la Bourse de Madrid, bien qu'il ait subi un revers cinglant lors d'un débat télévisé face au ministre des Finances, Pedro Solbes. Les plans pour l'immigration proposés par Rajoy, offrent aux socialistes l'opportunité de détourner le débat du thème de l'économie et de clamer haut et fort, une fois de plus, qu'eux sont plus positifs, plus soucieux des aspects sociaux et plus tolérants, faisant passer le PP pour des négatifs colériques. Alfredo Pérez Rubalcaba, ministre de l'Intérieur, a affirmé qu'après s'être caché plusieurs mois derrière un masque de modération, M. Rajoy a enfin montré son vrai visage d'homme «autoritaire et antisocial». Mais les électeurs pourraient ne pas tirer les mêmes conclusions. Selon un sondage réalisé par El Païs avant le débat, 56 % des Espagnols sont favorables au contrat d'immigration proposé par Rajoy. Le PP cible les électeurs appartenant à la classe ouvrière qui votent traditionnellement socialiste. Ce sont souvent les premiers à s'inquiéter de l'impact de l'immigration sur leurs quartiers ou les écoles locales, ainsi que les premiers à perdre leur travail en période de récession économique. Ce que souhaite Rajoy, c'est que ces électeurs changent de camp ou restent chez eux ce jour-là. Alors, M. Zapatero pourrait en déduire que le simple fait de paraître gentil ne suffit pas.