La décision hybride du Conseil national répond à plusieurs considérations. Pour le moment les apparatchiks évitent le débat de fond. C'est le verre à moitié vide à moitié plein. Le Conseil national de l'USFP, Parlement du parti, a opté pour un congrès ordinaire préparé de manière extraordinaire. La décision elle-même a été prise dans des conditions inhabituelles. En effet, le vote est intervenu en pleine séance, avant même d'épuiser la moitié des intervenants inscrits. Le choix entre congrès extraordinaire et ordinaire paraissait le seul point important pour une direction qui n'a pas de réponse aux questions politiques posées. Le caractère du congrès n'est cependant pas anodin. Un congrès extraordinaire doit reprendre les mêmes congressistes que le dernier congrès et le débat finalement est circonscrit à ceux-ci. Si Elyazghi le réclamait, c'est parce qu'il pensait sans doute, que maintenir les mêmes bases électorales que celles du 7ème congrès, lui faciliterait les manœuvres. La majorité des militants ont donc refusé un congrès qui empêcherait le débat politique. Seulement un congrès ordinaire, cela signifiait des procédures complexes qui renvoyaient la date de sa tenue aux calendes grecques, surtout en face des divisions actuelles. Le Conseil national a donc tranché pour un congrès ordinaire, mais préparé autrement. Le Conseil national a tenu à ce que ce congrès soit «qualitatif». Il a retenu la proposition de plusieurs cadres du parti, de réduire le nombre de congressistes. Ils ne seront que 1300. Pour ceux qui l'avaient proposé, il s'agit de réunir les conditions d'un vrai débat politique, profond, de haut niveau, permettant l'émergence une nouvelle ligne politique et d'une direction à même de l'assumer. Les apparatchiks y voient une occasion de limiter les «forces à encadrer». La politique en suspens Néanmoins, à l'USFP, tout reste à régler. La crise ouverte par le départ de Me Elyazghi n'est pas résolue, loin s'en faut. La tentative de la réduire à un litige entre les membres du bureau politique a tourné court. Les bases se sont engouffrées dans la brèche et réclament un recentrage politique. C'est ce qui explique l'incapacité des dirigeants à imposer leurs points de vue et leur louvoiement actuel. Le congrès se saisira fatalement des questions posées. La direction n'ayant pas de réponse, il est possible qu'elle vole en éclats. La première question concerne les dix années de gestion gouvernementale et leur bilan politique. Pour les militants si «l'alternance consensuelle» avait un sens, la nomination de Jettou l'en a vidé. Après le 7 septembre, ils réclament un nouveau positionnement. Les plus abouties des plates-formes en circulation sont pour le retrait de la Koutla, la réunification de la famille Tihadie et le regroupement de la gauche après la redéfinition d'un programme social-démocrate autour de valeurs clairement définies. Ce débat-là, l'USFP n'en fera pas l'économie parce qu'il est posé à l'intérieur du parti, dans son environnement naturel et au sein de la société. La direction a beau dire que l'USFP restera au gouvernement, tout le monde prépare son départ, que le mouvement d'El Himma pourrait d'ailleurs précipiter. L'une des caractéristiques de la période, c'est que ni Elyazghi, ni ceux qui l'ont renversé n'ont la maîtrise du parti, toutes les tentatives de récupération de l'appareil ont échoué, jusqu'ici. Celui qui saura ouvrir une perspective politique pourra tenir le congrès ou tout au moins forcer l'appareil à effectuer un virage à gauche. D'ici la tenue du congrès, les enjeux cristalliseront les alliances et dégageront leurs propres cadres. C'est la règle en politique, les appareils ne règnent que dans le calme plat et c'est le tumulte !