La réflexion « Prospective Maroc 2030 » conduite par le Haut Commissaire au Plan, l'étude portant sur la transition démographique, montre le contraste entre deux mondes à tendance de développement contradictoire, le Nord riche avec une évolution de population limitée et contrôlée, et le Sud confronté à une démographie galopante source de déséquilibres économiques et sociaux importants. Le Maroc urbain est menacé par le chômage et la pauvreté. «Tout en subissant les effets d'une situation régionale contraignante, à savoir, une Europe vieillissante en perte d'effectifs, portée de plus en plus à privilégier une politique d'immigration sélective d'une part, et une Afrique pauvre et en explosion démographique d'autre part, le Maroc continuerait à subir le poids du comportement historique de sa population, malgré le long chemin qu'il aurait parcouru sur la voie de sa transition démographique», tel est le constat établi pat le Haut Commissaire au Plan, Ahmed Lahlimi Alami. Le Maroc passera de 30 millions d'habitants en 2005 à 38 millions d'âmes en 2030, soit une progression de 300 000 habitants en moyenne chaque année. Ainsi, la majorité des Marocains résideront dans les villes à cet horizon au lieu de la moitié actuellement, ce qui constitue une menace aggravante pour l'extension de la pauvreté dans nos villes. Foi de Lahlimi qui persiste et signe : «L'effectif de la population rurale restant quasi stable autour de 13,5 millions, l'évolution démographique marocaine serait principalement urbaine, en raison essentiellement de l'exode rural et de l'urbanisation des zones rurales. Nuptialité tardive contre forte divortialité Ainsi, les villes marocaines abriteraient en 2030, 64% des habitants du pays, au lieu de 55% en 2004, soit 24,4 millions contre 16,4 millions, d'où le risque d'une pauvreté urbaine plus accentuée». Deux autres constats forcent l'intérêt des chercheurs spécialisés en sciences de la population et des flux migratoires : l'évolution des villes et des campagnes, dans ces trois décennies, n'épargnent pas un vieillissement de la population accompagnée d'une baisse de la part des jeunes dans la pyramide des âges. L'espérance de vie qui passerait de 72 à 77 ans, accélèrera le vieillissement de la société marocaine qui concernerait 5,8 millions de marocains âgés de 60 ans et plus, contre 2,4 millions actuellement. Aussi, l'effectif des jeunes jusqu'à 15 ans baisserait de 8 millions en 2005 à 7 millions en 2030 et leur poids démographique diminuerait de 30% à 21%. Ces phénomènes s'expliquent, en grande partie, par une nuptialité de plus en plus tardive, comme le relèvent les experts participant au séminaire de la réflexion prospective?: «Sur le plan de la nuptialité, le recul de l'âge au premier mariage durant les dernières décennies figure parmi les changements les plus remarquables dans la société marocaine. Les femmes et les hommes se marient à des âges de plus en plus tardifs. Ce recul est apparu à la faveur de la modernisation de la société engendrée par la scolarisation et l'urbanisme, mais aussi de l'effet des difficultés d'insertion sociale et économique, principalement l'emploi et le logement ». En tout cas, le diagnostic est vite fait : le mariage précoce n'est plus la règle qui dominait avant, lorsqu'on dénombrait 1 femme sur 50 qui restait célibataire. En effet, en 2004, 15 femmes sur 50 sont célibataires, un pourcentage accentué en milieu urbain avec un taux de 20 pour 50. Sans compter que la structure même du mariage a été «ébranlée» avec des unions plus fondées sur le libre choix des couples, que sur les coutumes familiales. En tout cas, l'âge moyen au premier mariage a marqué une hausse remarquable pour passer de 17 ans pour les femmes et 24 ans pour les hommes en 1960 à, respectivement, 26,3 ans et 31,2 ans en 2004. Ces données sont compliquées par une propension plus marquée sur le divorce des dernières années. En effet, l'on note une moyenne de 40% des divorces exprimés dans une même année sur la totalité des mariages conclus, ce qui ferait, d'aucuns n'hésitent pas à le souligner, que le Maroc battrait un record mondial en la matière. Quant à la problématique migratoire, elle sera encore à l'ordre du jour dans les vingt prochaines années avec une Europe mal soutenue par une pyramide des âges vieillissante, qui aurait davantage recours au ballon d'oxygène» de l'immigration. En effet, les estimations calculées par les spécialistes sur 4 pays du Vieux continent à forte tradition d'importation de main-d'œuvre, abondent dans cette logique. Sinon, comment feraient l'Allemagne, la France, l'Angleterre et l'Italie, pour ne citer que ceux-là, pour combler leurs besoins en main-d'œuvre immigrée, évaluée à 700 000 par an contre 230 000 aujourd'hui ?