Sur les ondes de radio FM, l'ex-ministre de la communication, Nabil Benabdellah, a appelé la gauche à un grand débat et estimé que la démocratie est en danger. "Le faible taux de participation, interpelle l'ensemble de la classe politique et des institutions». Dans la bouche de Nabil Benabdallah ce n'est pas une lapalissade visant à noyer le problème. Invité de l'émission «Barlaman Al Moustamiines», il a brossé un diagnostic des plus sévères de la gauche marocaine. «Il faut reconstruire un projet de gauche, nous devons le faire ensemble et avec la société». Il est très critique vis à vis de la manière dont les partis ont géré leur participation au gouvernement , même s'il ne conteste pas le bien fondé de ce choix. Pour lui, «la gauche marocaine ne crée plus de sens», il étend d'ailleurs ce constat de stérilité à l'ensemble de l'élite : «le pays ne crée plus d'idées de concept et il faut s'attacher à comprendre les causes de cette stérilité». Il refuse de se cacher derrière les résultats électoraux «les élus du PPS sont rarement des militants de longue date, les membres du BP ont été battus, ne pas prendre acte de cette réalité serait une folie». Il restitue cependant le vrai débat : «Il ne s'agit pas d'isoler un ou deux points pour expliquer la réalité, la crise est existentielle et la gauche doit repenser à la fois son identité et son action». Nabil Benabdallah tire la sonnette d'alarme «sans la participation populaire, la démocratie est en danger, la faiblesse de la gauche est inquiétante et si elle ne trouve pas les voies de l'unité autour d'un nouveau projet, elle risque de disparaître». Et la Koutla dans tout ça ? «Je suis convaincu que ce cadre est encore utile, malheureusement depuis 1998, il ne fonctionne que de manière formelle, en vérité la Koutla a été vidée de son contenu». Nabil Benabdallah n'a éludé aucune question, y compris celle du débat interne de l'USFP et de la possibilité que celui-ci quitte le gouvernement. «Cette perspective existe, dans ce cas le PPS pourra difficilement rester, mais le choix, de l'opposition ne signifie pas un retour en arrière ou la résurgence des tensions». Et même si tu partais… Pour lui le plus gênant dans la constitution du gouvernement c'est le non respect de l'autonomie des partis «dans leur grande majorité les personnalités «imposées» sont effectivement des compétences». La presse et l'audiovisuel ont constitué le sujet favori des auditeurs. Sur la qualité de contenu des deux chaînes, il a tenu à témoigner : «il n'y a aucun verrou caché, c'est un problème d'initiative», il a même cité le cas d'un débat sur le Sahara où l'un des intervenants ne cachait pas ses sympathies séparatistes : «les compétences existent, la liberté aussi». Sur les radios libres, il porte un jugement très positif «c'est un véritable espace de liberté, les sujets traités sans tabou par les auditeurs constituent un exercice de démocratie». Plus nuancé, il l'a été sur la presse écrite. «Je suis de ceux qui pensent que la presse a un rôle pédagogique à jouer dans un pays comme le nôtre, malheureusement une dérive a eu lieu, pour des raisons commerciales, certains préfèrent s'intéresser à la vie privée des gens plutôt qu'à leur action et aux problèmes des personnes plutôt qu'aux débats d'idées». Il a rappelé que le projet de code de la presse était très libéral, en comparant avec la situation en France et en Espagne. «Il y a un véritable acquis : la liberté, les lignes rouges n'existent plus». Il reconnaît de la nécessité d'une législation sur le droit à l'information parce que «si les journalistes n'ont pas accès à l'information, ils vont privilégier la rumeur». La question de la chaîne Amazigh a été soulevée par plusieurs auditeurs. Sur cette question, Nabil Benabdallah a martelé sa conviction «cette chaîne doit absolument voir le jour parce qu'il faut assurer la visibilité à notre diversité, mais il faut lui donner les moyens de sa mission pour qu'elle ne soit pas un gadget». Pendant 90 minutes, le dirigeant PPS, égal à lui même, a exploré la crise de la gauche avec son franc parler habituel, un vrai régal.