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INTERVIEW AVEC ARTHUR MAS, PRESIDENT DE CONVERGENCIA I UNIó : «Le Sahara, Sebta et Mellilia vont continuer à déterminer la relation entre le Maroc et l'Espagne»
Arthur Mas i Gavarró est depuis 2001 le président de la Fédération des partis Convergencia i Unió, ainsi que le Secrétaire général de Convergencia Democrática de Catalunya (libéral nationaliste). Il resta longtemps dans l'ombre du président Jordi Pujol, en tant que Conseiller en Cap (premier conseiller) de la Generalitat (le gouvernement autonome catalan) entre le 17 janvier 2001 et le 18 décembre 2003. Aujourd'hui, même si Convergencia i Unio est le premier parti politique de la Catalogne, Arthur Mas est depuis le 27 mai 2004 le chef de l'opposition. Le leader catalan qui est parfaitement francophone est un passionné de la littérature française. Ce «nationaliste tolérant et moderne», comme il aime à se décrire ne cache pas le grand intérêt qu'il porte au Maroc, un «pays stratégique?» avec qui la Catalogne doit avoir des relations étroites et privilégiées. D'ailleurs, et sur le plan purement personnel, Mas passe au royaume des séjours fréquents avec sa famille. Dans l'entretien qu'il nous a accordé, il s'engage à refaire du Maroc une de ses principales priorités si jamais son parti revenait aux affaires, à la tête de la Generalitat. Un scénario qui reste, au demeurant, fort probable. La Gazette du Maroc : Le Maroc a toujours eu des rapports privilégiés avec M. Jordi Pujol, votre prédécesseur à la tête de Convergencia i Unió. Comment voyez-vous la relation actuelle entre Rabat et le gouvernement catalan ? Comment devraient évoluer les relations bilatérales entre Barcelone et Rabat ? Arthur Mas : Les rapports entre le gouvernement marocain et les gouvernements dirigés par notre parti, la CiU, étaient toujours excellents. C'est cela-même qui nous a permis d'ailleurs de développer d'importants projets communs. Dans le cadre de ces bonnes relations, le gouvernement Catalan avait ouvert auparavant un bureau à Casablanca qui accomplissait un excellent travail commercial, culturel et social… L'actuel gouvernement Catalan, subissant des pressions venant de Madrid (du gouvernement central), a fermé ce bureau. C'était une grave erreur. Nous croyons à Convergencia i Unio que les relations entre le Maroc et la Catalogne doivent être prioritaires et imprégnées d'une véritable coopération. Aujourd'hui, les relations hispano-marocaines passent par des moments très difficiles. A quoi imputez-vous cet état de choses ? Qu'est-ce qui doit être fait pour sortir de cette impasse ? À l'instar de la Catalogne, l'Espagne devrait essayer d'établir des relations privilégiées avec le Maroc. Aujourd'hui, il est clair que la relation entre l'Espagne et le Maroc ne passe pas par ses meilleurs moments. A quoi je l'attribue ? J'ai bien peur qu'il s'agisse plutôt de certaines volontés archaïques et d'atavismes qui devraient être déjà dépassées. En tout cas, il est clair que le Sahara, Sebta et Mellilia vont continuer à déterminer la relation entre les deux pays. Et dans le dossier du Sahara, on estime que l'attitude du président Zapatero n'a pas été la plus adéquate. Il se comporte comme dans d'autres sujets politiques espagnols, en adoptant une politique erratique et sans objectifs clairs. On ne peut pas se rendre à Rabat et à Alger et faire des déclarations contradictoires. Par rapport au dossier de Sebta et Mellilia, nous le regardons depuis le prisme Catalan. Nous ne croyons pas que la solution pour les deux villes est de mettre à chaque fois un plus grand drapeau espagnol sur les édifices de la ville. Le Maroc est un des rares pays «arabes» à avoir accompli une évolution démocratique conséquente. Quel regard portez-vous sur cette évolution ? J'ai l'impression, malgré le fait que l'on doive toujours continuer à s'améliorer, que le Maroc dispose déjà d'une démocratie pluraliste très peu connue dans le monde arabo-islamique. Maintenant, il faut savoir si les changements qui sont en train de se réaliser seront suffisants. Est-ce que l'actuelle structure institutionnelle sera capable de résister aux tensions importantes auxquelles la société marocaine est soumise ? On doit beaucoup travailler et ceux qui, comme moi, croient à un futur démocratique pour le Maroc doivent appuyer ce processus. Si nous n'arrivons pas à bien assembler nos aspirations partagées pour la consolidation des acquis, les conséquences négatives peuvent nous arriver jusqu'à l'autre rive de la Méditerranée. Et ce scénario, moi je n'en veux pas. Le Maroc vient de présenter un plan d'autonomie pour le Sahara. Est-ce que celui-ci pourra être la solution au dossier du Sahara? Nous nous félicitons qu'après tant d'années de blocage, le Royaume du Maroc et le Front Polisario soient actuellement en train de négocier. Nous, comme toute la communauté internationale, nous devons garder le silence. Nous devons pousser pour qu'un accord soit trouvé pour régler la délicate situation humanitaire et pour débloquer le développement de toute la région. La Catalogne est un bon modèle de régionalisation, un modèle qui suscite beaucoup d'intérêt parmi les Marocains. Est-ce qu'il pourrait être un modèle transposable à un pays comme le Maroc ? Nous savons que notre modèle est vu avec beaucoup d'intérêt. Il faut éviter cependant des translations automatiques et des parallélismes simplificateurs. Nous sommes devant des situations très différentes. Néanmoins, si notre exemple, bien étudié, dans un contexte approprié, peut servir, je m'en réjouis. J'offre toute ma collaboration en tant que président d'un parti qui a assumé le leadership dans tout le processus pour l'avènement – au moment de la transition – et pour le changement – plus récemment – du statut de l'autonomie catalane. La présence d'intérêts économiques catalans au Maroc est très importante et en constante augmentation. Comment pourrait-on promouvoir les relations économiques entre la Catalogne et le Maroc ? Le principal levier qui ouvre la porte de l'économie est la politique. Des bonnes relations politiques entre le Maroc et la Catalogne susciteraient encore plus d'échanges économiques. Et au niveau culturel, qu'est-ce que vous proposez pour renforcer les liens existants entre les deux pays ? Pour nous, le plus important est d'ouvrir à nouveau le bureau du gouvernement Catalan à Casablanca. Depuis ce bureau-là il se réalisait un travail appréciable au niveau culturel, notamment le rapprochement entre les deux peuples, marocain et catalan. Plusieurs voix se sont soulevées récemment contre le processus de Barcelone, un processus, disent-elles, «brisé». Le président français, Nicolas Sarkozy, a exposé son projet d'Union Méditerranéenne. Quelle est votre opinion sur cette proposition ? Le processus de Barcelone n'est pas brisé. Il est en marche, bien dessiné et orienté. On doit lui donner tout simplement les ressources nécessaires et la priorité qui est naturellement la sienne. Nous sommes en train de réclamer que l'UE, depuis des années, de plus en plus orientée vers l'Europe de l'Est, donne la primauté au Processus de Barcelone. À plusieurs occasions j'ai dit que, s'il s'agit de reléguer aux archives le processus de Barcelone, nous serions contre le projet de Sarkozy. Barcelone impliquait tous les pays européens, du Nord au Sud, dans le développement de la Méditerranée et du Maghreb. Le projet français, il me semble, n'implique que l'entourage Méditerranéen. Pour nous, c'est une erreur. DNES à Barcelone