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PROSTITUTION, CHARLANISME, DROGUE... À PARIS : Les Marocains de la rue
Publié dans La Gazette du Maroc le 15 - 12 - 2007

Le Maroc exporte les différents dérivés des phosphates, les agrumes, des véhicules fabriqués sous licence et beaucoup d'autres bonnes choses. Ce que beaucoup de nos compatriotes refusent d'admettre, c'est bien le fait que, par le biais de centaines de milliers de MRE, régulièrement ou irrégulièrement installés en Europe, nous exportons également l'informel sous toutes ses formes, même les plus illégales : Prostitution, mendicité, vente à la sauvette, charlatanisme, drogue, faux papiers…etc. À Paris, des milliers de Marocains vivent de ces «métiers» à haut risque. Reportage.
Ceux qui aspirent à l'émigration clandestine vers l'Eldorado européen ne peuvent compter sur un emploi digne sur le sol du vieux continent. Après la première étape, où la mafia des «zattatas» leur aura extorqué des sommes conséquentes, les mafias de l'informel et de l'illégal sévissant en Europe les fera travailler, une fois arrivés, dans toutes sortes de business informels et, souvent, illégaux.
Zineb officie à l'intersection entre le boulevard Ney et l'avenue de la Porte de Clignancourt. Elle a choisi de vouer sa vie à la prostitution. Pour les «Arabes», elle s'appelle Fatine et pour les «Gawris», elle est brésilienne. Arrivée en France il y a une douzaine d'années, elle a bénéficié du «savoir-faire» de sa propre tante qui l'a jetée dans l'arène du commerce de la chair. «Durant plusieurs années, j'ai travaillé pour ma tante qui encaissait, ne cesse-t-elle de me dire, l'argent qu'elle a payé pour mon immigration en France. Ensuite, je fus «prise en charge» par mon cousin Hamid, son propre fils. Il a fallu qu'il écope de trois ans de prison pour proxénétisme aggravé pour que je puisse enfin me libérer de la tutelle de ces gens sans foi ni loi», me confie-t-elle. Ni la police, ni le sida ne lui font peur aujourd'hui. Elle a ouvert un compte dans une banque marocaine de Paris, l'alimentant deux fois par semaine. «J'y verse entre cinq cents et huit cents euros par semaine. Dès que j'aurais payé la maison que j'ai acquise l'année dernière à Khouribga, et que j'aurais mis de côté un petit pactole, je rentrerais pour ouvrir un salon de coiffure quelque part au Maroc», ajouta-t-elle. Sur la cinquantaine de filles qui exercent le plus vieux métier du monde autour du XVIIIème arrondissement de Paris, au moins une vingtaine sont originaires du Maroc. Certes, la concurrence est de plus en plus rude : les filles d'Europe de l'Est et les blacks, notamment congolaises, font du dumping. Mais, la demande est dopée par le nombre considérable des «sans papiers» qui s'offrent le luxe d'une passe à 20 euros, voire même parfois à 15 euros. La guerre des places est quotidienne. Ni le froid, ni la pluie, ni même les rondes de police ne dissuadent les filles d'exposer les jambes et la poitrine dénudées. Dès la tombée de la nuit, l'activité s'intensifie. Parfois, les passes sont accomplies dans les cages d'escaliers des immeubles environnants ou même à ciel ouvert, au détour d'une rue mal éclairée. Seuls les touristes africains et arabes ont droit au studio, partagé par trois ou quatre filles. À Paris, les Marocaines trônent à la tête du palmarès de la prostitution depuis de longues années. Avant la chute du Mur de Berlin, elles partageaient la première place avec les Zaïroises. Malgré la concurrence des slaves, elles gardent, par leur nombre, un rang «honorable», selon les statistiques de la Préfecture de police de Paris. «Les Marocaines se distinguent par leur résistance à l'appétit des proxénètes. Dès lors qu'il n'y a pas, dans leur cas, d'exploitation ou de traite, nous ne pouvons pas grand chose contre elles. D'ailleurs, la majorité d'entre elles paient leurs impôts», nous déclare un officier de la «Mondaine», ancien collaborateur du fameux commissaire Jobic.
Il est un autre commerce florissant qui fait vivre des centaines de Maghrébins, essentiellement Marocains. À la sortie du métro Barbès-Rochechouart, à même les escaliers et sur tout le pourtour de la station, des dizaines de jeunes gens hurlent le nom d'une marque de cigarettes fabriquée par la multinationale Philip Morris. Vendu à 5,30 euros au bureau de tabac, le paquet de cigarettes est proposé pour 3 euros. 2,5 euros si l'on achète une cartouche. Les autorités semblent s'accommoder de ce business, le préférant vraisemblablement à celui de la drogue. Un moindre mal qui arrange contrebandiers et policiers. Jeans et baskets de rigueur, les vendeurs à la sauvette font également dans le business des objets volés : portables, montres, bijoux…etc. Certes, le «tbazniss» constitue une vieille tradition des Maghrébins du XVIIIème arrondissement et de la quasi-totalité des banlieues de l'Île-de-France.
Mafia du cannabis
Mais la nouvelle génération de «baznassas» est plus audacieuse. Elle fait peu de cas des règlements et des lois de la République. «Tous les artifices de la lutte contre l'exclusion, de la fameuse «intégration» ont échoué. Nous n'avons pas le choix. Soit les sales boulots mal payés, souvent humiliants, soit la «débrouille». Pas de travail, pas de logement, pas de respect, alors tu vas à la jungle pour survivre», me dit Karim, un Marocain né à Mantes la jolie. «En banlieue, ils ne se rappellent de nous qu'à l'occasion des émeutes. Ils ouvrent le robinet des aides durant un ou deux mois, puis ils nous oublient», ajoute-t-il. Karim a donc quitté le domicile familial, lassé d'une «morale à deux vitesses» qui, dit-il, «permet à l'armada des travailleurs sociaux (éducateurs, médiateurs, élus et associatifs) de se goinfrer de subventions, alors que les principaux intéressés vivotent aux crochets des structures para-municipales».
Le deal de la drogue est florissant dans ces zones devenues de non droit. Le haschich est vendu à 10 euros le minuscule morceau. Au mois de Ramadan, il caracole à 20. Le pire est que la mafia de ce business utilise les pré-ados et les ados pour fourguer la came. «Ces salauds commencent par en offrir aux petits jusqu'à l'accoutumance. Ces derniers, pour assurer leur propre approvisionnement, se voient obligés de travailler pour les trafiquants», affirme Jean-Pierre M. éducateur spécialisé en Seine-Saint-Denis. La mafia du cannabis est tenace. Redoutablement triangulaire, comptant sur des complicités Marocaines, Espagnoles et Françaises, elle mute, se rajeunit, se métamorphose constamment. Elle véhicule des milliards de chiffre d'affaires. Son argent est recyclé dans l'immobilier tant en Europe qu'au Maghreb. Sur toute l'étendue du centre commercial «Le Galion», à Aulnay-sous-Bois, des mineurs proposent la came «à bout portant», sans la moindre crainte des forces de police. «Aussitôt interpellé, le dealer adolescent est aussitôt relâché par le juge. À quoi sert-il alors de continuer à jouer ce jeu du chat et de la souris ? J'espère que la réforme engagée par Rachida Dati dans ce sens aboutira pour qu'enfin les forces de l'ordre puissent être sérieusement suivies par les tribunaux», nous confie un commissaire de la DDPU de Bobigny.
Dans les quartiers dits «défavorisés», des «métiers» nouveaux sont inventés constamment. Ainsi, les marchés de banlieues qui, deux ou trois fois par semaine, voient déferler des dizaines de milliers de Maghrébins, offrent-ils une large panoplie d'activités nouvelles. La vente des CD, DVD, brochures et autres MP3 voués au charabia intégriste est florissante. Le déficit identitaire des jeunes générations issues de l'immigration constitue l'atout majeur des marchands de propagande obscurantiste. Des sociétés d'édition improvisées, parfois même déclarées et ayant pignon sur rue, éditent des millions de livres et de supports médias à la gloire de l'islamisme politique. Le simplisme et la démagogie meurtrière habitent cette funeste littérature. N'aspirant qu'à la tranquillité publique, les autorités laissent faire. Pourtant, certaines échoppes brillent par le hurlement des lecteurs CD qui débitent une terminologie raciste, antisémite et anti-occidentaliste nauséabonde. À dire que ces «médiathèques» de la haine sont sciemment tolérées en contrepartie d'une paix fugace dans les banlieues. Certains maires n'hésitent d'ailleurs pas à financer en catimini les activités politiques sous le couvert du culte et de la liberté de la foi. À Clichy-sous-Bois, là où des émeutes sanglantes eurent lieu il y a deux ans, la municipalité a franchi le pas de consacrer des horaires spécifiques aux femmes dûment voilées. D'autres communes ont suivi, toujours au nom de la paix sociale. Dans ces cercles féminins prétendument spirituels, le business de l'immigration clandestine, notamment au moyen des mariages blancs, et le commerce triangulaire de l'or entre la Turquie, la France et le Maghreb fleurissent. Ici, la «foi» se dresse contre la loi.
D'autres font de la foi un business tout aussi lucratif. Il s'agit de l'armada des fquihs. Faiseurs de talismans, devins, «scribothérapeutes»…etc, certains d'entre eux sont devenus notoires. Haj Salem Lakhdar (voir notre encadré) en fait partie et il en est bien fier. Il officie en Europe depuis trois décennies. Il s'est posé à Barbès depuis une vingtaine d'années. «Ma baraka est mondialement reconnue», prétend-il. La technique de son concurrent Ahmed S. qui s'est autoproclamé «chrif», collant un superbe «Moulay» à prénom, est imparable : il dévisage sa cible avant de l'apostropher. «Une personne de taille moyenne, basanée de peau, ni gros ni maigre, vous a jeté un sort. Vous avez intérêt à vous défendre rapidement», commence-t-il par lancer. Si cela n'accroche pas, il force la dose : «D'ailleurs, vous vous sentez très mal. La chance vous a abandonné ces derniers temps…etc.» Une fois sur trois, la cible -principalement les femmes- succombent au discours apeurant. Le travail au corps peut alors commencer?: une lecture sur les lignes de la main ou, lorsque la proie est traînée dans le salon de thé le plus proche, dans le marc de café.
Instrumentalisation frauduleuse
De fil en aiguille, «l'ordonnance» tombe. La facture aussi?: achat d'ingrédients rares, talisman à confectionner durant de longues nuits de prières, déplacement chez la cliente pour désamorcer le mauvais sort jeté par l'adversité… etc. Cela exige donc des frais conséquents. On devine aisément l'ampleur de l'escroquerie… En vérité, c'est la mendicité qui constitue le fort de certains de nos compatriotes de France. Ils y excellent et dépassent de loin la concurrence des Roumains et des manouches d'Europe. Certains vont jusqu'à débiter des «hizbs» coraniques entiers pour provoquer la pitié des passants. Mahjoub est un as en la matière. Faux aveugle, il psalmodie le Coran avec une voix prenante qu'aucun tympan ne peut ignorer. Originaire de Khémis Zemamra, il a séjourné quelques années en Italie avant de se fixer à Paris, au cœur de la station de métro Strasbourg-Saint-Denis. Là, sur la ligne 4, où l'on traverse les gares du Nord et de l'Est, il a trouvé refuge dans un coin très passant, exposé aux courants d'air. Revenu quotidien moyen: 80 euros. En réalité, le secteur de la mendicité est quasiment monopolisé par les femmes. Hijab blanc et djellaba de rigueur, ces femmes pratiquent une mendicité qui obéit à des rites ingénieux. «Fissabillah?!», «Ala wajhallah !»…répètent-elles d'une voix étouffée par les faux sanglots, tête baissée et main tendue. Certaines vont, comme au Maroc, jusqu'à se faire accompagner par un bébé ou un enfant. Sans vergogne, sans la moindre pitié pour le gamin. Pourtant les dispositifs sociaux français, de l'assistante sociale à la DDASS, protègent l'enfance au point de criminaliser vigoureusement son instrumentalisation frauduleuse, fut-ce par les parents. Surtout par les parents. Mais la force publique est lasse. Le taux de récidive est vertigineux. La caractéristique principale de la mendicité des Maghrébins à Paris est qu'elle s'exerce exclusivement dans les espaces à forte domination maghrébine. Ailleurs, dans les quartiers chic (7ème, 8ème, 16ème arrondissements par exemple), ce sont les «gens du voyage» d'extraction Est-européenne qui sévissent. Les mendiants marocains ont tout simplement importé les méthodes marocaines : culpabilisation au nom d'Allah, apitoiement par l'invocation de la miséricorde, «coranisation» de la quête…etc. En vérité, ces pratiques n'honorent pas le Royaume qui, courageusement, s'emploie à éradiquer le sous-développement avec courage. L'image du pays est ainsi souillée par des comportements délictueux que les autorités, l'opinion et les élites françaises considèrent comme une fausse note majeure. «La lutte contre ces pratiques doit fédérer les efforts des deux pays. Les autorités marocaines doivent faire des propositions concrètes avant que celles de la France ne soient acculées, sous la pression de l'opinion publique, à prendre des mesures coercitives autant douloureuses qu'unilatérales», nous déclare un haut responsable de la Place Beauvau.
Haj Salem Lakhdar
Le fquih de barbès
Il a émigré de sa Kalâat Seraghna natale il y a trente-cinq ans. Après avoir « nomadé » dans plusieurs pays européens, il s'est fixé à Paris. Il est devenu une figure emblématique de ce quartier typiquement arabo-africain. C'est là que les Maghrébins et les Africains, arrivés plus tard, viennent des quatre coins de l'Île-de-France, et au-delà, pour se ressourcer et faire leurs emplettes, du thé au fenugrec. Même si le quartier a bien changé depuis quelques années et qu'une requalification urbaine musclée ait été initiée par Alain Juppé, élu du XVIII dans les années 80 et l'ait mis à niveau, il demeure le fief arabe et black par excellence. Haj Salem y est devenu un personnage aussi familier que le Rabbin Haïm Pinto à la rue des Rosiers. Notre fquih ne travaille qu'à l'air libre. Le domicile, c'est pour la préparation « à tête reposée » des amulettes et autres talismans. Dans son cartable, il a rangé « Qorâat al anbia » (la loterie des prophètes), « Attibb wal hikma » (Médecine et sagesse), un encrier et, en guise de plume, un morceau de roseau dont la pointe est taillée en V. De temps à autre, il s'abrite quelques minutes chez Juan, le cafetier espagnol tant chéri par les Maghrébins. Là, au chaud, il lui arrive de commander un café et, plus souvent, de demander un verre d'eau. Respecté par tous, il lui arrive aussi de blaguer avec les clients habituels du comptoir. Extrêmement discret sur ses revenus, il ne cesse de lancer un superbe « Louange à Allah ! ». « Ce que je fais s'apparente à l'adoration de Dieu puisque je m'emploie à soulager ses créatures de leurs maux », dit-il. « Pourquoi exercer cette activité en France et non au Maroc ? », demandai-je. La réponse est coranique : « Dieu est avec vous là où vous vous trouvez ». Grâce à cette activité, il a pu acquérir quelques biens au bled où il séjourne plusieurs fois dans l'année. Questionnés sur la moralité de Haj Salem, les Marocains du quartier louent sa gentillesse et sa droiture, considérant son business comme un gagne-pain « halal ». Du moment qu'il ne fabule pas et qu'il n'escroque personne. « C'est Allah qui guérit, qui enrichit et qui gratifie ses créatures de ses bienfaits. Moi je ne fais que l'implorer grâce à la baraka que me procurent les Noms sacrés d'Allah. Je ne promets que cela à mes clients. Rien d'autre ». Paie-t-il des impôts ? Que non, pardi ! « Quel est l'imbécile qui oserait taxer la miséricorde divine ? », s'indigne-t-il. Touche-t-il une allocation quelconque ? Un RMI ? Une indemnité de chômage ? Un minimum vieillesse ? Motus et bouche cousue. « Chacun est né avec son rezq. Allah est le seul vrai bienfaiteur ! »
La tribu des «ara» (donne-moi)
Il est une tribu d'adeptes de « ara » (donne-moi) qui sévit partout dans les quartiers habités majoritairement par les Maghrébins. Pedro les appelle ainsi tant ils le harcèlent de demandes de toutes sortes : un verre d'eau, une pièce pour compléter le prix d'un ticket de métro ou de RER, le jeton pour ouvrir la porte des toilettes, une cigarette, quelques verres à crédit et tant d'autres choses. « Autant les blacks font fonctionner en autarcie, entre eux, le système communautaire de solidarité, autant les Maghrébins ne se gênent guère de demander n'importe quoi à n'importe qui. C'est lassant à la fin. Je les aime bien, puisque je suis même pour moitié Maghrébin, mais entendre le mot « ara » toute la journée finit par me taper sur les nerfs », affirme Pedro. Son patron tempère le discours : « Oh, ils ne sont pas méchants ! ». « Ce n'est pas toi qu'ils dérangent à longueur de journée! », rétorque Pedro.


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