La ville de Ksar El Kébir est depuis le week-end dernier sous les feux de l'actualité. Samedi 19 novembre dernier, un homosexuel notoire de la ville avait organisé dans une maison traditionnelle au quartier Diwan une cérémonie de mariage avec tout le rituel traditionnel marocain. Depuis ce temps, la ville est secouée par une vague de protestations qui risquent de prendre une autre tournure. Selon des témoins qui ont assisté à la cérémonie du mariage homo, un veau noir a été égorgé et des rituels étranges ont été célébrés. Filmé par des caméras de téléphones portables, le cérémonial du mariage homo a vite fait le tour de la ville. Le lendemain, des manifestations ont éclaté dans la ville pour dénoncer le mutisme des autorités de la ville sur ce genre de pratiques. À l'initiative de l'association islamiste proche du MUR (Mouvement Unité et reforme) et d'Al Adl Wal Ihssan, des milliers de personnes avaient manifesté devant la maison où avait été célébré le mariage du couple homosexuel. Le principal acteur de cette affaire, un dénommé Fouad, est un vendeur sans autorisation d'alcool notoire (guerrab). Sa piaule, où il s'adonne à son trafic en toute impunité a été saccagée par les manifestants, de même que la boutique d'un bijoutier de la ville, soupçonné par les protestataires d'être derrière le financement de la cérémonie de mariage homo et de faire partie du milieu des homos de la ville. Certains parlent d'une cinquantaine de personnes de Ksar El Kébir et de Tanger qui se rencontrent régulièrement entre eux et organisent des soirées homos. Cependant, la semaine dernière, après l'éclatement des manifestations, le milieu des homos de la petite ville de ksar El kébir a fait profil bas face à une vague de protestations sans précédent. A rappeler que l'article 489 du code pénal précise le caractère illégal de l'homosexualité au Maroc, il stipule??: «est puni d'un emprisonnement de six mois à trois ans et d'une amende allant de 120 à 1.000 DH, à moins que le fait ne constitue une infraction plus grave, quiconque commet un acte impudique ou contre-nature avec un individu de son sexe». Manifestations anti-homosexuels Cette affaire a défrayé la chronique. Depuis une semaine, la ville a vécu au rythme des protestations anti-homosexuels. Des échauffourées ont même éclaté entre les manifestants et les forces de l'ordre après la prière du vendredi. Affolé par les protestations et craignant un lynchage en plein public, l'organisateur du mariage homo, c'est rendu au commissariat de police de la ville le samedi dernier pour être à l'abri de toute agression. Fouad avait préféré passé la nuit au poste au lieu d'être lynché par la foule où il y avait bien sûr des barbus excités. La colère des manifestants a été accentuée après avoir su que la police avait relâché la maquilleuse (négafa) qui s'est occupée du mariage tout en lui demandant de ne pas divulguer les images de la cérémonie. Selon les dernières informations, le parquet de la ville a ouvert une enquête judiciaire après la médiatisation de l'affaire qui commence à prendre une autre tournure. En effet, le 26 novembre dernier, le procureur du Roi, près du Tribunal de première instance de Ksar El Kébir, a décidé de déférer devant la justice les personnes impliquées dans l'organisation de la fête du mariage, tenue dans la soirée du 19 novembre. Le communiqué du parquet parle «d'un groupe de personnes dont certaines ont été présentées comme des perverties sexuelles». Le parquet de Ksar El Kébir, avait ordonné à la police judiciaire un complément d'enquête sur cette affaire et de procéder à la saisie de tout ce qui est de nature à révéler la nature de cette fête et à l'arrestation de tous ceux qui sont impliqués dans des actes contraires à la loi. Les investigations de la police transmises au parquet ont révélé qu'il s'agissait d'une «soirée gnanoua» avec ses rituels connus, organisée par un délinquant ayant des antécédents judiciaires, les 18 et 19 novembre, et à laquelle il a invité nombre d'individus, dont certains s'habillaient en femmes. D'après les investigations de la police, l'organisateur de la fête entendait «réaliser une vision» dans laquelle une femme leur aurait demandé de s'habiller comme elle et d'offrir un présent au saint «Sayed Al Madloum». Youtube, par qui le scandale arrive C'est en tout cas la version officielle de l'affaire, donc pas de mariage homo pour le parquet. Selon une source locale, la ville de Ksar El Kébir est connue pour être une ville conservatrice. Plusieurs associations islamistes ont leur bastion dans la ville, comme l'association Unité et Réforme que dirigeait Ahmed Raissouni, originaire lui-même de Ksar El Kébir. Selon la même source «C'est la première fois qu'on a pu voir un mariage homosexuel, il y avait plus de 50 invités de plusieurs villes du pays, la fête a duré jusqu'aux premières heures du matin». Dès que les images vidéo du mariage ont commencé à circuler dans la ville et sur Internet sur le site Youtube, des milliers de jeunes sont sortis dans la ville après la prière du vendredi pour manifester. Selon un habitant de Ksar El kébir, des manifestants avaient cherché à lyncher le couple homosexuel. C'est l'intervention de la police arrivée sur place qui a évité le drame. Un bijoutier de la ville (dhaybi ) accusé de soutenir financièrement le mariage et le couple, a été également visé, et sans l'intervention de la police, il aurait été tué. Ce n'est pas la première fois qu'une telle affaire éclate au grand jour au Maroc. Au mois de juin 2004, la police de Tétouan avait arrêté une quarantaine de personnes pour «délinquance sexuelle» avant de les libérer. Ce qui a été vivement critiqué à l'époque.