Le gouvernement vient d'annuler l'application de la loi en vigueur Il doit proposer au Parlement l'adoption d'une nouvelle loi qui va reporter l'application de l'actuelle. Cependant, les assureurs accusent le gouvernement de ne pas présenter de solutions immédiates en échange de l'annulation de l'augmentation de 132%. Les entrepreneurs, eux, sont relativement satisfaits de la décision du gouvernement et attendent avec impatience l'amendement de la loi actuelle. Fini le bras de fer entre les compagnies d'assurance et les entreprises. Après plusieurs semaines marquées par de fortes tensions entre les deux parties au sujet de l'augmentation de 132%, jugée excessive, des tarifs d'assurance sur les accidents de travail, le gouvernement a finalement apaisé les ardeurs des entrepreneurs dont une grande partie a affiché une résistance des plus farouches à la nouvelle loi. Réunion après réunion, parfois tenues dans une ambiance fébrile, le gouvernement a finalement rendu son verdict. En effet, il a décidé d'introduire au Parlement une proposition de loi reportant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l'accident du travail au 1er janvier 2004. Ce report permettra, selon Hassan Chami, le patron des patrons, de revoir les dispositions de la loi actuelle qui était entrée en vigueur le 19 novembre pour y apporter les modifications nécessaires. Si les patrons des entreprises sont soulagés par cette décision qui conforte leurs positions hostiles à une telle augmentation des tarifs, les assureurs, eux, ne sont pas contents. Et pour cause, ils estiment que les autorités compétentes, en l'occurrence le gouvernement, n'ont pas proposé de solutions immédiates. La longue période d'attente qu'ils vont marquer dans la perspective d'un amendement profond de la loi n'arrange pas dans une moindre mesure les intérêts commerciaux et financiers des assureurs. “La branche des accidents du travail est structurellement déficitaire”, s'inquiète un professionnel du secteur qui va jusqu'à soupçonner les pouvoirs publics d'avoir l'intention de rejeter toute responsabilité quant aux sinistres qui peuvent frapper, le cas échéant, les employés des entreprises. Ce refus d'endosser la responsabilité est révélateur d'un mécontentement profond. “Mais, il y a de quoi l'être”, explique le même professionnel. Contacté pour les besoins d'une précédente édition, Thami M'barki, patron de la direction des assurances au sein du ministère des Finances et de la privatisation, avait déclaré qu'il soutenait la position des assureurs. Lui-même n'a pas nié que cette branche est l'une des filières les plus ruinées du secteur des assurances. Seulement, “résoudre ce problème en imposant une augmentation de 132% est un acte critiquable voire condamnable”, estime un chef d'une PME dont les employés, dit-il, sont tous couverts par une assurance consacrée aux accidents du travail. Le Lobbying patronal conduit par la toute puissante CGEM a mené tambour battant des négociations avec les pouvoirs publics. Contre toute attente et croyant que le lobbying des assureurs allait l'emporter sur les entrepreneurs, le report de l'application de la loi est décrété. Non seulement, le patronat a obtenu la garantie d'un report, mais aussi et surtout, la garantie d'une refonte de la loi. Objectif : rendre cette loi conforme à la réalité de l'assurance au Maroc mais également aux conditions dans lesquelles surviennent les accidents du travail. Selon Abdelhak Sedrati, président de la commission sociale de la CGEM ajoute, “il faut rendre les dispositions de cette loi plus adaptées à la réalité”. Une réalité, dit-il, marquée par une énorme fraude qui touche aujourd'hui l'indemnisation par les compagnies d'assurance des accidents du travail. Comment se fait-il, s'interroge Sedrati, que celui qui souffre d'une simple entorse au pied reçoit 20.000 à 25.000 dirhams, l'équivalent de ce que peut toucher quelqu'un qui serait frappé d'une invalidité totale ? Même si la question est d'un ton relativement exagéré, “la comparaison est possible”, ajoute-t-il. De ce fait, ce responsable au sein de la corporation patronale prône une démocratisation du montant des indemnités avancées aux sinistrés. Une telle démarche conduirait, ipso facto, à une révision raisonnable des tarifs d'assurance, et non à la révision exponentielle telle qu'elle a été imposée par les compagnies d'assurance réunies autour de leur fédération professionnelle pour défendre à l'unisson leurs intérêts. Mais, ces compagnies n'ont fait qu'appliquer une loi initialement votée au Parlement avec ses deux chambres. Flach-back. Prête en 1996, mais reportée à 1998, année de la mise en place du gouvernement de l'alternance, cette loi n'a finalement été votée qu'au milieu de l'année 2002. Se basant sur cette nouvelle loi, les assureurs ont récemment procédé sans la consultation des entreprises, plutôt non-obligatoire, à une révision des tarifs d'assurance sur les accidents du travail. Cette révision pourtant conforme à la loi est basée sur des études actuarielles réalisées en bonne et due forme par les techniciens des compagnies. Hormis ce caractère légal de la décision, le chiffre est effarant : l'augmentation est de 132%. “Faramineux” s'exclame un chef d'entreprise. Dans le sillage de l'arbitrage du gouvernement, les entreprises vont devoir reconduire les contrats d'assurance en dehors de cette augmentation. Ce que refusent les compagnies d'assurance qui exhortent ces mêmes entreprises à résilier ces contrats faute de solutions immédiates. Affaire à suivre…