63 % des inscrits, ne se sont pas rendus aux urnes. C'est un record pour le Maroc et un chiffre qui incite sinon à l'inquiétude, du moins à la réflexion. Les 33 partis en lice n'ont pas mobilisé l'électorat. La première conséquence touche à la crédibilité des élus, ils le sont avec des scores très faibles qui dépassent rarement les 2 % des inscrits. L'On ne peut cependant absoudre le mode de scrutin. Le vote au Maroc reste « personnalisé » dans une très large mesure. Les circonscriptions actuelles, trop étendues, atténuent les rapports directs. Les candidats d'ailleurs concentrent leurs efforts sur une partie de la circonscription où ils considèrent avoir un potentiel important. Les espoirs fondés sur le mode de scrutin de liste pour renforcer le rôle des partis se sont révélés vains. La mobilisation a fortement diminué et les notables jouent toujours un rôle important. L'autre élément important, concerne la campagne elle-même. Elle a été terne et peu de candidats ont fait du porte-à-porte ou ont recherché le contact direct. La faiblesse des structures partisanes a handicapé de manière irréversible les candidats sur le soutien partisan. Politiquement, le discours négativiste, en vogue chez une certaine presse, est largement repris par la population. Celle-ci entretient d'ailleurs une confusion entre les législatives et les élections locales et juge le parlementaire sur des sujets qui ne sont pas de sa compétence. Le discours négativiste, chez la population, ne concerne que les partis politiques. Ainsi, perçu comme «le candidat du Roi», Fouad Ali Al-Himma a été plébiscité avec un taux de participation record. On ne peut tenter de comprendre les ressorts de l'abstention, sans relever cette nuance. Nous sommes donc face à une sanction de l'action partisane qui n'est ni un refus de la démocratie, ni un rejet du système dans son ensemble. Les partis politiques payent cash, l'inflation indécente des sigles, leur quasi-absence en dehors des périodes électorales. Sur un plan plus politique, c'est son indigence que la classe politique paye. Elle a été incapable de clarifier les enjeux, les choix de société, les clivages. Les programmes se ressemblent parce qu'il ne s'agit que de relevés comptables. Des questions cruciales non consensuelles ont été occultées. Ainsi, ce qui aurait permis de faire le distinguo entre conservateurs et modernistes et qui a trait au lien entre politique et religion, à la question de l'amazighité et de l'identité plurielle en général, le rôle de la femme, les libertés individuelles, le contenu de l'enseignement, le rôle économique de l'Etat, n'a pas eu de place lors de la campagne électorale. Ce sont les enjeux qui mobilisent, pas les spots télévisés prêchant le civisme. Celui-ci au vote est d'ailleurs contestable parce que l'abstention est en elle-même un choix politique. À ce niveau de participation, le message est clair : les Marocains pensent mériter une meilleure classe politique et une meilleure représentation. La mise à niveau des partis, la disparition des boutiques inconsistantes est plus que jamais à l'ordre du jour. Vont-ils démissionner ? Les électeurs ont sanctionné plusieurs hauts responsables. Ainsi quatre ministres n'ont pu décrocher leur ticket pour le nouveau Parlement. Il s'agit de Nezha Chekrouni et Mohamed El Achaâri, tous deux battus dans la région de Meknès, du ministre de l'Energie Boutaleb et enfin de Nabil Ben Abdellah, battu, malgré une campagne tonitruante dans une circonscription difficile. La majorité, ayant de fortes chances d'être reconduite, la question du respect de la volonté populaire se posera. Il est d'usage, dans les démocraties, que les battus du suffrage universel n'accèdent pas aux responsabilités ministérielles, par respect du vote. Par ailleurs, des chefs de partis ont été battus. Selon certaines sources, Moulay Ismaïl Alaoui qui n'a pu sauver le siège de Taounate, songerait à «rendre le tablier». Les membres du Bureau politique du PPS devront s'employer pour l'en empêcher. Mohamed Elyazghi ne s'est pas présenté, mais des voix de l'intérieur de l'USFP lui imputent, ainsi qu'à Driss Lachgar, la responsabilité de la gestion de la campagne et des candidatures, qui a abouti à un très net recul du parti au moment où ses alliés de la Koutla ont gagné une dizaine de sièges chacun. Là aussi, la tradition dans les démocraties, est la sanction des responsables en cas de résultats négatifs. Les mœurs politiques adopteront-elles ces règles démocratiques ? La percée du PPS Pour la première fois de son histoire, le PPS aura son groupe parlementaire à lui seul et sans recours à un appoint quelconque. Les anciens communistes ont conquis 17 sièges. Ce résultat est l'une des surprises du Scrutin, puisque le PPS double son score. Ce qui lui assure une entrée dans le club des «grands partis», avec accès au financement public à la clé. Cependant, cette percée est à nuancer. Les cadores du parti, Ismail Alaoui, Nabil Ben Abdellah, Abdelouahed Souhail, Zaki etc… ont été laminés. Dès lors, s'agit-il d'une percée du parti dans l'opinion publique ou uniquement d'un choix de candidats réussi ? En tout état de cause, le PPS est l'un des vainqueurs du scrutin. Les résultats lui permettront d'avoir un groupe parlementaire avec les avantages qu'il confère, d'accéder au financement public et surtout, de négocier plus de postes ministériels. À l'inverse de l'USFP qui est en mauvaise posture pour négocier.