L'économie américaine est toujours chancelante, mais la Réserve Fédérale a préféré maintenir les taux à leur niveau actuel. Cependant, les risques d'une récession font planer l'éventualité d'une révision du prix du loyer de l'argent. Traitez Ben Bernanke de facile et vous risquez de recevoir une gifle. Le directeur de la réserve fédérale et ses collègues ont laissé inchangé le taux directeur des Etats-Unis à 5,25 % après s'être réunis mardi 7 août. Ceux qui font les taux américains ont laissé entendre qu'ils pouvaient réduire les taux à tout moment. La FED a reconnu que les marchés financiers avaient été volatiles, les conditions de crédit se sont resserrées et l'inflation «s'était accrue modestement». Mais elle a reconnu que l'économie devrait continuer à afficher une croissance modérée, quoique les risques de chute soient plus élevés, et que l'inflation demeure le principal souci des politiques. Avant le rapport, les marchés financiers avaient fortement misé sur la réduction des taux vers la fin de l'année et une deuxième baisse en mars avait été prévue. Mais l'espoir de voir la FED virer vers une politique monétaire neutre, préparant le terrain pour une baisse à la fin de cette année, semble définitivement perdu. En affirmant que la politique monétaire répondrait aux contraintes de l'environnement économique, la Fed semble contredire toutes les idées qui voudraient qu'elle réduise ses interventions afin de redonner confiance aux marchés. Mais si les bourrasques des marchés de capitaux ne méritent pas une réponse en termes de politique monétaire, les inquiétudes sur la croissance pourraient de nouveau fausser l'équilibre. L'économie américaine est hésitante. Au deuxième trimestre, une récession dans le secteur de la promotion immobilière a réduit d'un point de pourcentage le taux de croissance économique sur l'année. Le stock des propriétés immobilières invendues (à l'exclusion des neufs), près de son plus haut des 15 dernières années, peut s'accroître si les coûts croissants du service de la dette continuent d'asphyxier les ménages propriétaires, les poussant à la défaillance. Les prix commencent à baisser lentement. Plus inquiétants encore, les effets d'une demande plus faible de logement peuvent s'étendre. La dépense des consommateurs a haussé d'un taux de 1,3% sur un an glissant au deuxième trimestre, la plus faible augmentation depuis la fin 2005. Les statistiques de l'activité économique laissent voir une baisse de la croissance en juillet, en particulier dans le secteur des services. L'affaiblissement de la croissance affecte actuellement le marché du travail aussi. La hausse du chômage, le mois dernier, était significative, affirme Jan. Hatzius de Goldman Sachs, parce que c'était entièrement le résultat des pertes d'emplois et non celui de l'afflux des chercheurs d'emploi dans le marché du travail ou encore une augmentation des travailleurs ayant démissionné volontairement. Turbulence sur les marchés Si une demande se fait hésitante, la pression sur les prix est susceptible d'être soulagée également, de sorte que les banques centrales peuvent baisser les taux d'intérêt sans crainte de doper l'inflation. Cependant, ce que peut craindre la FED, c'est que les mauvaises nouvelles pour l'économie durant les semaines passées peuvent ne pas nécessairement être de bonnes nouvelles pour l'inflation. Les chiffres modérément encourageants pour le PIB du deuxième trimestre, publiés en fin du mois dernier, ont été éclipsés par des révisions en baisse substantielles par rapport à la période précédente. À leur tour, ces révisions ont aidé à abaisser la croissance de productivité et rehausser les coûts salariaux de la main-d'œuvre. La FED peut s'avancer petit à petit vers une politique monétaire neutre, mais d'autres banques centrales cherchent toujours à soulever les taux d'intérêts pour doper la croissance et faire infléchir l'inflation. Le 2 août, la Banque Centrale Européenne a signalé qu'elle est prête à augmenter les taux d'intérêt en septembre. Peu de temps après la réunion de la FED, la Banque centrale d'Australie a augmenté ses taux à leur plus hauts niveaux depuis une décennie. La Banque de l'Angleterre a laissé entendre qu'elle peut intervenir de nouveau encore après cinq augmentations de taux durant l'année écoulée. Et la banque du Japon devrait probablement relever ses taux encore plus tard ce mois. Tout ceci est un rappel que la croissance est forte à l'extérieur des Etats-Unis. Les économies des marchés émergents croissent rapidement et se sont par elle-même assurées contre les caprices du marché grâce à des excédents de compte courant et des réservations de devise énormes. Ce sont les Etats-Unis qui sont les plus vulnérables à une réduction des mouvements mondiaux de capitaux, qui expliquent la faiblesse actuelle du dollar. La FED est, avec raison d'ailleurs, peu disposée à signaler des baisses de taux au premier signe de turbulence sur les marchés. Un établissement qui a été critiqué pour ne pas avoir serré plus agressivement pendant l'envolée du marché des logements ne devrait pas vouloir encourager les excessives prises de risque actuellement. L'inflation, si elle fait augmenter les taux d'intérêt, est sans doute le plus grand souci pour une économie surendettée, bien que le souci concernant l'impact de la crise de la promotion immobilière se développe. La crise économique de plus en plus grandissante pourrait, bien entendu, signifier que les baisses des taux d'intérêts se révéleront nécessaires afin d'atténuer la récession. Mais pour le moment, Bernanke a raison de se faire désirer. Traduction : Mar Bassine Ndiaye