L'action du HCP piloté par Ahmed Lahlimi Alami conduit sa réflexion prospective, sous le Haut Patronage de SA Majesté le Roi, dans le but de confectionner un modèle exhaustif de planification stratégique pour le développement économique et social du Royaume. Les actes du Forum sur l'Environnement stratégique et économique montrent une grande qualité de contribution du Haut Commissariat au Plan, qui s'est mû en une autorité de compétence incontournable en matière de prévisions socioéconomiques et une source d'information très prisée par les décideurs, les chercheurs et les partenaires mondiaux les plus huppés, BM et FMI en tête. Nous voici avec quelques premières grandes hypothèses que nous devrons prendre en compte pour construire nos scénarios, la centralité de l'Euro-Méditerranée, le nécessaire renforcement de l'Union maghrébine, la recherche de la compétitivité à partir de nos avantages comparatifs, les potentialités des nouvelles technologies et de l'économie du savoir, l'indispensable valorisation de nos ressources humaines», tel est le constat produit d'emblée par le Haut Commissaire au Plan au Forum «Prospective Maroc 2030» consacré à la thématique des «Sources actuelles et potentielles de l'économie marocaine». La lente mutation de l'industrie Comme au Maroc, semble-t-il, «gouverner, c'est toujours pleuvoir», du Conseil général en développement agricole, Mohamed Aït Kadi considère qu'en «dépit des progrès, l'agriculture marocaine est aujourd'hui confrontée à de nombreux défis qui posent une exigence de changement, d'innovation et de réforme», en énumérant ces défis, qui ont trait à la croissance économique, la lutte contre la pauvreté rurale, les risques naturels et la sécheresse récurrente ou quasi-structurelle, ainsi que le défi de la durabilité avec la problématique centrale de l'eau, «motif d'inquiétude pour l'avenir». Et quel profilage fondamental pour une agriculture moderne et plus performante dans l'avenir ? Notre spécialiste répond que «cette agriculture sera différente de celle d'aujourd'hui. Elle aura à valoriser les opportunités d'ouverture en se spécialisant dans les filières de production pour lesquelles elle a un avantage comparatif». Autrement dit, et sans menacer l'essentiel de l'agriculture familiale, celle de demain aura dépassé la dichotomie duale opposant secteur moderne et secteur traditionnel pour s'investir dans une vision stratégique plus globale, intégrée, plurielle dans laquelle «tous les territoires et tous les producteurs agricoles auront leur place dans un ensemble valorisant. L'agriculture marocaine a un futur, un futur qui doit être voulu, un futur qui doit être construit», insiste le protagoniste. Et qu'en est-il du secteur secondaire ? L'économiste universitaire Larabi Jaïdi en dresse un constat sans complaisance lorsqu'il s'attache à expliquer les limites de la performance économique marocaine par le constat d'une «mutation très lente du tissu industriel, définie d'après un certain nombre de critères, que ce soit le poids relatif de l'industrie par rapport au PIB ou la revalorisation du tissu industriel dans le PIB, qui est due beaucoup plus à des facteurs exogènes qu'à la dynamique propre du secteur. Cette distorsion structurelle freine la réalisation de la croissance soutenue du tissu industriel». Les déséquilibres relevés intéressent le poids de l'informel, à hauteur de 20 à 30% de la valeur ajoutée, dans le secteur secondaire, l'inégal développement des unités de production avec une prédominance pour la fabrication des biens de consommation représentant 50% de la valeur ajoutée globale industrielle ainsi que la faible répartition territoriale des structures économiques. Sur ce dernier point, le président de la Fondation Abderrahim Bouabid pour les sciences et la culture souligne l'aggravation du phénomène de concentration industrielle cette dernière décennie, marquée par un accroissement des sociétés créées à Casablanca, un recul de Tanger, Fès et Meknès et un quasi-isolement de la région de l'Oriental. Les pré-requis indispensables pour favoriser un développement endogène et régionalement plus équilibré du secteur secondaire se traduisent par la nécessité d'améliorer l'environnement économique en termes d'infrastructures, de réglementation et de réformes structurelles et de mise à niveau sociale. Croissance économique et développement humain Comme il est fortement recommandé aux décideurs d'opter pour une stratégie résolument offensive, comme cela semble être le cas avec le Plan Emergence, qui institue une nouvelle stratégie industrielle, privilégiant les secteurs porteurs et tablant sur la création de plus de 400 000 emplois et d'un PIB additionnel de plus de 90 milliards DH à terme. Le professeur universitaire Noureddine El Aoufi se fit l'avocat d'une amélioration des indicateurs du développement humain en inversant la logique d'une croissance économique dont les ressorts devraient être tenus par la valorisation des ressources humaines, des compétences et le développement de la connaissance. L'économiste a surtout plaidé pour une reconfiguration des agents économiques et des entreprises, dont la dynamique de performance devrait être tirée par «l'intégration des nouvelles normes de travail dans un contexte d'échange international marqué par l'avantage comparatif qualitatif, la responsabilité sociale de l'entreprise en privilégiant le respect de l'éthique comme un critère de gestion et un facteur de discrimination compétitive». En conclusion des travaux du Forum animé par Ahmed Lahlimi, il ressort que l'impératif du développement économique repose sur la mobilisation des potentiels locaux et des services publics. Et sous cet angle, la gouvernance locale s'avère être la trame du développement mondialisé. Sans gouvernance locale, sans commune, sans système éducatif et sanitaire et sans un ensemble de services fournis par les PME qui permettent à une économie locale de bien fonctionner, le Maroc ne pourra pas générer des flux d'investissement suffisants à sa croissance durable. Le Haut Commissaire en avait fait sentir l'importance et l'urgence, lui qui avait piloté les séminaires et concertations partenariales de tous les acteurs nationaux, aboutissant à la Charte nationale des PME lorsqu'il était ministre dans le gouvernement Youssoufi. «J'ai aussi retenu l'idée forte de la compétitivité fondée sur des grappes de petites et moyennes entreprises. Cette formule pourrait être la nôtre car nous avons plus de chance de bien développer de telles entreprises en les associant à des serveurs de taille européenne ou mondiale, qu'en défendant un petit capitalisme familial obsolète».