Une touriste, qui passait ses vacances au Maroc durant le mois de mai 2007, avait déclaré au quotidien portugais Correio da manha, avoir aperçu Madeleine, connue sous le nom de «Maddie» McCann, dans une station-service au sud de Marrakech, enlevée le 3 mai au Portugal. C'est ce témoignage de la touriste norvégienne, Marie Olli, qui a aiguillonné les services de sécurité marocains sur les traces d'un homme de 45 ans, qui pourrait être Allemand ou Britannique. Mais contrairement aux informations véhiculées par la touriste, qui a déclaré avoir reconnu la petite Maddie McCann à Marrakech, le 22 mai dernier, cette reconnaissance n'a pas pu avoir lieu près de l'hôtel Ibis, pas loin de la station de train de la ville rouge, mais sur la sortie Sud vers la route de Casablanca. Une déclaration à un journal portugais sur une éventuelle présence, même pour un bref temps, à Marrakech, et la piste marocaine est logiquement ouverte. Mieux, le déplacement des parents de Maddie, disparue au Sud du Portugal, le 3 mai 2007, vient donner plus de crédit à la thèse provoquée par le témoignage, somme toute, important de la Norvégienne. Et à l'issue des rencontres avec les responsables de la sûreté au Maroc, les parents ont été rassurés sur deux points : d'abord, ce témoignage est pris au sérieux, ensuite, l'enquête marocaine est ouverte et pour de bon. Lors d'une conférence de presse tenue à Rabat, suite aux entretiens avec les responsables marocains, Gerry McCann, le père de Madeleine a affirmé que «Le ministre de l'Intérieur nous a assuré que les autorités feraient tout leur possible pour nous aider à retrouver Madeleine et qu'elles coopèreraient internationalement avec les autres services de sécurité…Kate et moi sommes convaincus, après avoir rencontré des responsables marocains et des ONG, que si Madeleine se trouvait au Maroc, elle sera retrouvée». Et si l'enquête piétine au Portugal, et même ailleurs, où plusieurs témoignages font état de nouvelles fausses-vraies informations sur Maddie, au Maroc, les investigations font preuve de beaucoup de professionnalisme. Bruits de fond Quand le père de la petite Madeleine affirme que : «Nous sommes venus au Maroc pour demander l'aide de la population, car, en dépit d'une vaste enquête ces dernières semaines, nous sommes toujours dans l'incertitude sur l'identité du ou des ravisseurs, leurs motivations et leur destination», c'est aussi pour marquer l'impasse dans laquelle se trouve toute l'affaire Maddie sur une échelle internationale. Et la piste marocaine apporte sinon de l'espoir pour la famille, du moins, permet de constater qu'il faut mesurer l'importance de toutes les pistes. Surtout que celle venant du Portugal, faisant état de soupçons sur un homme divorcé qui vit depuis plusieurs années dans une villa proche du lieu de l'enlèvement, la Casa Liliana, avec sa mère de 79 ans à Praia da Luz, au Sud du Portugal, n'ont abouti à rien. Pas plus que l'interrogatoire de ce couple de touristes allemands, qui a tourné court. Sans parler des témoignages venant de Belgique et de Grèce, comme si le ravisseur se déplaçait en jet privé survolant l'Europe et l'Afrique du Nord à sa guise. Autrement dit, l'enquête marocaine permet à tout le monde de mettre les pieds sur terre et de réfléchir un moment, au pourquoi du comment. Imbroglio à trois Du Portugal au Maroc, c'est le chemin le plus court pour un ravisseur. En toute logique, la police marocaine, en a donc déduit, que suite aux déclarations de la touriste norvégienne, la petite Maddie, aurait pu effectivement se trouver sur le sol marocain, mais pour une brève période, juste de passage, parce que c'est le point le plus proche du Portugal. Mais, il y a plus : si le ravisseur a pris la direction du Maroc, il y a de fortes chances qu'il soit entré par la voie maritime, donc à bord d'un Ferry, par le détroit de Gibraltar. «Pourtant, selon nos investigations, aucune caméra, ni au port de Tanger ni sur les bateaux en provenance d'Espagne, n'a trace de la petite fille, kidnappée au Portugal», a confié à LGM, un responsable de la sûreté, proche du dossier de Maddie. L'autre supposition serait un vol direct vers Marrakech, mais c'est la thèse la plus improbable, selon la même source : «C'est risqué de prendre un vol vers le Maroc, du Portugal ou d'Espagne. Nous sommes presque convaincus que si la fillette est entrée au Maroc, cela a été fait dans une voiture, par les voies maritimes.» L'autre point important, c'est la nature du témoignage de la touriste norvégienne, Marie Olli. Les investigations faites autour de l'Hôtel Ibis qui jouxte la gare ferroviaire de Marrakech, démontrent, au moins jusqu'à cet instant, qu'il n'y a pas d'indices probants. Autant dire qu'un amalgame s'est glissé dans la localisation du lieu où la touriste en question dit avoir reconnu la petite Maddie. On peut aujourd'hui penser, que l'endroit de la rencontre avec le ravisseur et la petite fille, se situe plus bas vers l'autoroute qui mène à Casablanca. Une grande station-service y fait office d'escale pour les usagers de la route. Le ravisseur aurait pu s'y arrêter pour mettre de l'essence, faire quelques achats et autres commodités. C'est là qu'il aurait été vu par la Norvégienne qui en a donné un signalement qui se recoupe avec celui recueilli dans deux autres pays, des semaines plus tard, à savoir, en Grèce et en Belgique. Dédales et autres improbabilités Pour atteindre Marrakech par la route, il faut passer par la côte atlantique jusqu'à Rabat ou Casablanca, avant de prendre la nouvelle autoroute qui mène à Marrakech. Selon l'enquête de la police, qui prend en compte les témoignages de la Norvégienne, c'est le seul itinéraire possible, à moins que le ravisseur n'ait d'autres complices, ce que l'on ne peut pas affirmer. Mais s'il a été vu avec la petite Madeleine à Marrakech, c'est qu'il a pris la route comme tout le monde. Mais pourquoi Marrakech ? La question prend tout son sens quand on décortique le raisonnement de cet inspecteur qui a collaboré à l'enquête : «Marrakech, en cette saison, grouille de monde. Le ravisseur devait savoir qu'il pouvait passer inaperçu pour quelque temps, avant de partir vers un autre pays. Mais s'il a vraiment été à Marrakech, il ne peut pas non plus partir à l'étranger par la route. Ce qui nous ramène à l'hypothèse d'un vol de Marrakech, par avion, vers un pays européen ou autre». Cela voudrait-il dire que l'aéroport de Marrakech est poreux et pourrait laisser filer un voleur d'enfants ? Non, mais le kidnappeur aurait bien pu avoir des complices, «au moins un sur place, qui aurait pris en charge la fillette, pour sortir du pays.» Mais encore une fois, aucune caméra de surveillance de l'aéroport de Marrakech, n'a pu révéler le passage de la petite Maddie, dont les photos ont fait le tour du Maroc. Contacté à Tanger, un agent des Douanes marocaines, sur le pied de guerre depuis que la police nationale s'est saisie du dossier et de l'éventualité de trouver Maddie au Maroc, nous a déclaré que plusieurs investigations ont été faites dans le port de Tanger, où l'on a procédé à plusieurs interrogatoires et de nombreux passagers ont été entendus, marocains et européens, mais cela n'a abouti à rien, car personne n'a reconnu la petite fille, ni affirmé l'avoir vue en compagnie d'un homme ou d'une femme. Pas plus que les caméras du port, qui n'ont rien révélé non plus. Cela ne veut pas dire que la piste tangéroise n'est pas plausible. «Il a pu passer comme beaucoup de gens, sauf que personne n'a fait attention à lui, ni à la petite fille». Une probabilité comme une autre, qui peut déboucher sur plus de détails, si la piste de Marrakech s'avérait véridique. Il serait irréfléchi d'écarter un bref séjour du ravisseur et de la petite Maddie à Marrakech. «Un témoignage est toujours important et il faut le prendre au pied de la lettre, quitte à réaliser par la suite qu'il ne mène nulle part». Et c'est ce qui a été fait. Et il faut aussi ajouter, que certaines personnes de ladite station-service, ont été entendues par les services de la police marocaine. Il n'y a pas un seul employé, qui dit avoir remarqué cette fillette. Pourtant, le jour où Marie Olli, la touriste norvégienne, dit l'avoir reconnue, la boutique de la station-service était pleine. Des usagers de la route qui faisaient leurs achats, les employés, au moins trois, plus deux personnes à la caisse. Bien entendu, il faut demander aux caissiers s'ils ont vu ou se souviennent d'avoir vu un homme, de type européen avec une petite fillette en pyjama bleu. Toutes les réponses sont uniformes. Tellement évasives aussi que cela éveille quelques soupçons : la politique de ni vu ni connu est souvent de mise par les employés qui craignent des représailles avec les services de police, ou juste des problèmes avec leurs employeurs. Alors motus et bouche cousue. Pourtant, dans d'autres endroits, les langues se délient. Comme ce type chargé de mettre de l'essence dans les véhicules dans une autre station-service, celle qui est proche de l'hôtel Ibis, qui nous a affirmé avoir eu vent des investigations de la police dans l'autre station-service sur la grande route vers Casablanca. Il y aurait eu deux témoignages contradictoires : «Un jeune a dit qu'il a vu une petite fille de trois ou quatre ans, assise à l'arrière d'une voiture, un 4X4 de type JEEP, très sale, avec un homme de 50 ans, qui pourrait être son père, et qui a pris la route en direction de Casablanca». Aucun détail sur le pyjama bleu ni sur les traits de la petite Maddie, encore moins sur le bonhomme qui a été décrit, selon le même témoin, comme un Européen, qui a les cheveux blonds. Jeux de pistes Un autre garçon de la station-service, a affirmé à ses amis, qu'il aurait dit à la police, avoir vu une première fois dans la journée, une voiture immatriculée en Allemagne, avec à bord, une fillette avec un monsieur qui «pourrait être son père». Et la deuxième fois, une autre voiture, elle aussi immatriculée en Allemagne, avec à bord, deux hommes devant et une petite fille blonde, à l'arrière. Confronté aux photos de la petite Maddie, aucun n'a pu affirmer qu'il s'agissait de la fillette vue avec les dits Européens dans le 4X4 ou les deux autres véhicules. Ce qui reste curieux, ce sont les interrogations des employés de l'hôtel Ibis que nous avons questionnés. Il leur semble bizarre que la touriste Norvégienne n'ait pas alerté la police, puisqu'elle affirme avoir reconnu la petite fille, surtout «qu'elle a eu des soupçons sur l'homme qui l'accompagnait», qui lui avait répondu que «soon» elle pouvait revoir sa maman. Comme il est curieux de signaler une station-service à la place d'une autre. Parce que si l'homme a été vu avec Maddie près de l'Hôtel Ibis, c'est que peut être, il était de passage du côté de la station-service qui est juste à proximité, ou qu'il se dirigeait vers la gare de train pour partir dans une autre ville. Une hypothèse qui n'a pas échappé aux services de police, qui ne la rejettent pas en bloc, mais qui sont convaincus que le ravisseur devait avoir un véhicule pour ses déplacements : «à moins d'être fou pour faire les gares et les ports avec une fillette kidnappée sur les bras». Quoi qu'il en soit la piste marocaine, malgré les nouveaux témoignages venus d'Europe, n'est pas fermée, ni mise de côté. Les recherches continuent et pas uniquement à Marrakech, mais aussi dans des villes comme Casablanca ou Tanger. Toutes les éventualités sont à prendre en ligne de compte. Mais ce que l'on peut affirmer, c'est qu'à présent, il n'y a pas eu d'autres traces de la probable présence de Maddie à Marrakech ou ailleurs.