De l'avis de ses collègues -et même de ses détracteurs- El Jem dispose de ce talent inné de pouvoir arracher facilement le rire au public, tant à travers l'allure burlesque de son personnage qu'à travers ses répliques amusantes qu'il improvise le plus souvent sur scène, se donnant ainsi cette rare et courageuse liberté de “sortir du texte” ! Fidèle au poste, si l'on ose dire, il est resté au sein de la «Firqate el masrah el watani» affiliée au Théâtre National Mohammed V, où il a fait ses premières armes et dont il a rejoint les rangs au début des années 70. Surnommé aujourd'hui le «Adil Imam marocain», El Jem continue de faire rire à travers des rôles qu'il se taille lui-même sur mesure en écrivant ses pièces. Très avare en entretiens avec la presse, il s'est tout de même résolu à sortir de sa réserve et nous livrer des réponses, sans détour, questions posées en vrac et... à bâtons-rompus. La Gazette du Maroc : Mohamed El Jem d'aujourd'hui a-t-il un reproche à faire à Mohamed El Jem d'il y a une trentaine d'années ? Mohamed El Jem : Celui de n'être plus aussi jeune et aussi solide physiquement qu'à l'époque ! (rires). À propos de physique, pratiquez-vous un sport bien défini ? La marche. Il n'y a pas mieux que la marche. Elle fait marcher tout le reste. En plus, elle est gratuite ! Gratuite ! Cela signifie-t-il que vous êtes radin ? Pas du tout ! Adressez-vous à mes amis, ils sauront vous édifier sur ce point. Plus sérieusement et plus généreusement encore, après «Errajoulou elladi» et «El mer'atou ellati», votre prochaine pièce aura-t-elle pour titre «Ettiflou elladi», du moins pour rester toujours dans un contexte familial ? Puisque c'est vous qui le dites, je vais y songer sérieusement ! Au moins, pour agrandir un peu la famille ! (rires du comédien). Mais, plus sérieusement encore, comme vous dites, sachez que mon prochain spectacle ne sera pas aussi “petit”. Il a pour titre “el mes'oulou elladi”. Rien que ça ! À propos, toutes vos oeuvres portent la griffe du réalisateur Abdellatif Dechraoui. Est-ce une préférence personnelle ou une question de compétence ? Ni l'une ni l'autre. Les oeuvres sont produites sous la coupole du Théâtre National Mohammed V et il se trouve que mon ami Dechraoui est le réalisateur attitré de cet établissement. Alors, il est logique qu'il s'occupe de la réalisation. D'ailleurs, dans le milieu théâtral, Dechraoui est connu pour sa compétence Dans le même contexte, est-ce par amitié que vous mettez vos oeuvres entre les mains Abdellatif Dechraoui ? Comme je l'ai dit, c'est surtout une question de compétence de ce grand monsieur. D'ailleurs, comme disent les Français : «on ne change pas un cheval qui gagne». Dechraoui a toujours contribué au succès de mes pièces, je ne vois donc pas pourquoi je le quitterai pour un autre ! Après vos passages fréquents dans une publicité à la télévision, on dit de vous que vous êtes devenu millionnaire. Est-ce vrai ? «Allah yahfadna men leflouss ou lahsed» ! J'ai gagné juste de quoi faire vivre paisiblement ma famille ! Quant aux millions, cela ne peut arriver qu'aux gagnants du Loto ou, dans une moindre mesure, du Tiercé ! A propos de jeu, pourquoi ne cherchez-vous pas à jouer au milieu d'autres comédiens, outre ceux affiliés à la Troupe nationale du Théâtre Mohammed V ? Est-ce un choix ou bien êtes-vous lié par un contrat, ou par... amitié ? Nous sommes liés par un contrat d'amitié et de respect mutuel. Nous sommes tous affiliés à l'administration du Théâtre Mohammed V, et c'est la raison pour laquelle nous jouons souvent ensemble, comme cela se passe dans tous les pays. Mais, quand on fait appel à moi ailleurs, et c'est bien rare, je réponds toujours présent. Gardez-vous un mauvais souvenir d'un titre de l'une de vos pièces ? Aucun titre ne m'a laissé un mauvais souvenir parce que je réfléchis longuement avant de le choisir. Car, si un titre accroche et attire l'attention, le public n'hésite pas à venir voir de quoi il est question. Prenez-vous toujours le bus aujourd'hui pour vos déplacements en ville ? Et pourquoi pas ? Je suis un citoyen comme tous les autres. Ce n'est pas parce que j'ai un peu plus d'argent, que je suis un peu plus célèbre (en toute modestie), que je ne vais pas utiliser ce moyen de transport ! Vous savez, en Europe ou en Amérique, même les milliardaires prennent le bus ou le métro ! Vos déplacements artistiques en Europe (je parle de vous et de votre troupe), sont devenus très rares ces dernières années. Est-ce qu'on ne vous invite plus ou bien y a-t-il une autre raison à cela ? Quand la communauté marocaine à l'étranger a besoin de nous voir, elle nous invite et nous répondons avec plaisir à son appel. Mais, on ne va pas tout de même se faire inviter chez elle sans son consentement ! Vos spectacles sont très souvent joués dans de grandes villes. Vous vous produisez rarement dans les petits villages et les zones éloignées. Pour quelles raisons ? Des raisons matérielles tout simplement! Plus la ville se trouve éloignée, plus les frais pour y arriver sont élevés. Il y a aussi une question d'infrastructures: salle, sonorisation, etc. Pour qu'un spectacle se passe dans de bonnes conditions, il faut bien évidemment que certaines conditions soient réunies. Certains vous appellent déjà le «Adil Imam marocain». Une telle comparaison vous honore, vous amuse, vous fait plaisir ou vous dérange ? Si on me compare à une aussi grande vedette arabe, cela ne peut que m'honorer. Cela va de soi. Enfin, chacun de nous a un style, une façon d'amuser, de convaincre et un public auquel il s'adresse. A une époque, vous aviez tenté une expérience réussie de «duo comique» avec Nezha Regragui. Pourquoi avoir arrêté en si bon chemin ? C'était une belle expérience. On a arrêté parce que tous les deux, on s'est fondus dans la «Troupe nationale» et le travail en groupe l'est aussi. Lorsque vous revoyez une de vos pièces sur le petit écran, votre façon d'interpréter votre rôle vous arrache-t-elle le sourire ou bien vous laisse-t-il de marbre ? Eh bien, je ris comme tout le monde. El Jem le comédien peut aussi devenir un bon téléspectateur !