L'étau se resserre de plus en plus sur le gouvernement irakien, à majorité chiite de Nouri Al-Maliki. Cela n'est pas dû cette fois aux pressions américaines ni à celles des pays arabes, notamment du voisinage. Mais il provient plutôt de la menace directe émanant du Front sunnite, «Al-Tawafoc», présent au gouvernement. Ce que les analystes politiques qualifient de «Intifada» des Sunnites irakiens. Quelques heures après que le front ait menacé, à la veille de la Conférence de Charm al-Cheikh sur l'Irak, de retirer ses ministres du gouvernement d'Al-Maliki, si ce dernier ne dissipait pas sérieusement les craintes des sunnites en répondant, une fois pour toute, à leurs revendications, son principal représentant, le vice-président de la République, Tarek al-hachimi, a donné au chef de l'Exécutif un délai qui prendra fin le 15 mai prochain pour, d'une part, mettre tout dans l'ordre et de l'autre, honorer ses engagements précédents. Sinon, le front d'Al-Wifaq retirera ses ministres et son bloc parlementaire, regroupant 44 députés, dont la présence est indispensable, non seulement pour éviter au gouvernement une chute brutale, mais aussi, afin que le processus politique ne tombe définitivement à l'eau. De toute manière, les plus avisés en Irak, sont parfaitement conscients, que, sans la participation des sunnites à ce processus politique, notamment lors des élections de janvier 2005, la situation interne aurait été pire. Ce que les Américains ont découvert sur le tard. Les revendications des sunnites ne sont pas nouvelles. Ces derniers veulent introduire les changements constitutionnels promis par Nouri Al-Maliki. Des modifications qui garantissent l'interdiction de l'établissement d'une fédération, qui divise le pays en trois départements, chiite au sud, sunnite au centre et Kurde au nord et par là, assure leur véritable participation au pouvoir ainsi que la répartition équitable des richesses pétrolières. Les Sunnites d'Irak veulent également qu'Al-Maliki tranche en démantelant les milices chiites, connues sous le nom d' «équipes de la mort» et ne plus se contenter de frapper, avec l'aide des forces américaines, les villes sunnites, telles que Fallouja ou Ramadi. Aujourd'hui, c'est la fin de la patience des sunnites, après les multiples promesses données à la fois par le premier ministre et les responsables américains, aux représentants des sunnites au pouvoir. La déclaration d'Al-Hachimi, il y a quelques jours, selon laquelle il disait« je veux voir mon pays récupérer son identité» a été un avertissement pris finalement au sérieux par tous les opérateurs sur la scène irakienne. Il est clair que la position d'Al-Hachimi est une riposte directe à Abdel Aziz al-Hakim, leader du «Haut conseil de la révolution islamique» en Irak. Celui-ci ne cesse de pousser, par tous les moyens, y compris les massacres confessionnels, à la création d'un canton chiite au sud. Une sorte de mini Etat formé d'un certain nombre de départements, à l'instar du canton kurde au nord. La réponse d'Al-Hachimi est encore une forte opposition à l'influence grandissante, qui, d'après lui, est en train de voler à l'Irak son identité arabe. Tout cela place le Premier ministre chiite et ses alliés, aussi bien Al-Hakim qu'Ayatolla Ali al-Sistani, dans une situation assez difficile. Le chef de l'Exécutif devra prouver rapidement, le sérieux de ses engagements vis-à-vis de ses véritables patrons, les Américains. Egalement, à tous les participants, arabes comme étrangers, à la Conférence de Charm al-Cheikh. Al- Maliki est contraint, plus que jamais, de prendre les mesures nécessaires, pour réaliser la réconciliation nationale promise. Celle-ci comprend la modification de la Constitution, le démantèlement des milices, et la réhabilitation du Parti Baas et son intégration dans le processus politique. Cette métamorphose ne sera pas une promenade de santé, ni pour Al-Maliki, ni pour ses alliés dans la «coalition chiite», actuellement majoritaire au pouvoir. Car ce dernier refuse toujours la participation du parti de Saddam Hussein et considère la résistance sunnite contre l'occupation, comme un foyer de terroristes. De plus, la situation qui se complique au fil des jours, notamment après l'échec des derniers plans de sécurité de Baghdad, rend la position du Front sunnite au pouvoir, Al-Tawafoq» de plus en plus proche de la nouvelle thèse américaine. Cette dernière, qui soutient, d'une part, la réconciliation nationale et de l'autre, les propositions des voisins arabes, visant à faire sortir l'Irak de l'impasse et mettre fin à sa crise. Washington cautionne à 100% les conditions posées par les Etats présents à la station balnéaire égyptienne. Le plus important maintenant, ce n'est pas l'épreuve de force entre sunnites et chiites irakiens, mais plutôt le bras de fer plus grand, qui est engagé autour de l'Irak entre les Etats-Unis d'Amérique et les Arabes d'un côté, et l'Iran, de l'autre. Nouri al Maliki a-t-il compris ce qui se passe, et, par là, réagira-t-il en conséquence, en absorbant le grave mécontentement des sunnites, qui pourra se transformer en «Intifada»? Dans une semaine, la situation va s'éclaircir.