Tous ceux qui, à tort ou à raison, ont voulu cantonner la dimension exceptionnelle du héros Rifain, Mohamed Ben Abdelkrim El Khattabi, dans le rôle d'un résistant anticolonial à envergure régionale, le Rif en l'occurrence, falsifient honteusement l'histoire de la lutte anti-coloniale du Royaume. Même si le 44ème anniversaire de la mort en exil du patriote rifain, le 6 février dernier, a été passé sous silence, et par les pouvoirs publics et par la société civile, le Maroc en général et les Rifains en particulier, ont célébré, à leur manière, par une pensée profonde de respect, d'estime et de gratitude à l'adresse du « bourreau » des armées coloniales modernes qui se sont liguées, armes chimiques aidant, pour abattre celui qui a défié le double protectorat franco-espagnol. Le stratège de la bataille épique d'Anoual, le 21 juillet 1921, cela fait plus de 85 ans maintenant, a mis en déroute l'armée d'occupation espagnole en appliquant les méthodes de la guérilla populaire dont il fut le pionnier et le champion en Afrique du Nord et dont bien des mouvements de libération dans le monde s'en sont inspirés. Palestiniens, Algériens, Vietnamiens, Sud-Américains, et tant d'autres encore reconnaissaient en Mohamed ben Abdelkrim El Khettabi le leader incontesté des guerres contemporaines de libération et de lutte contre le colonialisme. Ce qui a considérablement étendu l'aura de l'Emir du Rif bien au-delà de nos frontières où il s'érigea en une référence révolutionnaire incontournable auprès des grandes figures emblématiques de la planète à l'instar de Ho Chi Minh qui voyait en El Khattabi le « précurseur de la guerre populaire moderne ». Des sources concordantes font même état de liens par correspondances interposées avec des grands noms de l'histoire comme Lénine. On a beau chercher à minimiser l'envergure du personnage en suscitant une sorte d'amnésie collective, et plus son rayonnement auprès des Marocains et de la diaspora rifaine à travers le globe devient plus intense, à telle enseigne, que Si Mohamed Ben Abdelkrim El Khettabi s'est définitivement mû en une authentique légende vivante. D'aucuns ont tenté de le faire condamner en embrigadant la conscience collective pour lui faire percevoir le héros d'Ajdir comme un «républicain indépendantiste», caressant l'ambition d'une partition du Royaume pour proclamer un nouvel Etat dans la région rifaine. Peine leur en prit car les historiens et politologues, à l'appui des témoignages soigneusement recueillis auprès des résistants et militants maghrébins, ont levé le black out pour faire triompher l'image d'un héros charismatique, un grand chef populaire, un nationaliste de la première heure, mais aussi et surtout un initiateur des mouvements de libération anticoloniale à l'échelle de l'ensemble nord-africain. Démentant, magistralement, tous ses détracteurs qui en faisaient un conquérant sectaire et sécessionniste, alors si Ben Abdelkrim nourrissait une stratégie anticoloniale englobant tous les Etats du Maghreb arabe sous le joug de l'occupation. D'ailleurs, sa première action, pendant son exil au Caire après s'être échappé de sa déportation dans l'Ile de la Réunion (où il passa une vingtaine d'années en détention de 1927 à 1947), fut de fonder le Comité de Libération du Maghreb Arabe (CLMA) à travers lequel il s'appliqua à former les nationalistes tunisiens, marocains et algériens et à contribuer dans l'affinement des méthodes de lutte contre l'occupant.