L'Allemagne produit des voitures parmi les plus puissantes et les plus luxueuses du monde, mais n'est-ce pas dépassé ? Durant le mois de février courant, les constructeurs automobiles allemands ont été surpris par les nouvelles normes de la Commission Européenne limitant les émissions de gaz. Il y a eu une vague de protestations, principalement du Chancelier Angela Merkel. Le plafond a été revu à la hausse à 130 grammes de CO2 par kilomètres (g CO2/km) à l'horizon 2012. Cela donne aux constructeurs de la plupart des plus prestigieuses voitures beaucoup de travail. Car, seuls six des modèles allemands circulant dans l'Union Européenne vérifient la norme, alors que 34 de ceux fabriqués par les concurrents y arrivent. Mieux, la plupart des voitures en vente en Allemagne et qui dégagent plus de 200 gCO2/km, sont allemandes. Les choses ne se présentent pas bien pour ce pays qui aime à être une référence en matière environnementale. Ce n'est pas non plus un bon présage, pour la plus grosse industrie en Allemagne qui emploie un ouvrier sur sept. Les constructeurs de voitures pourraient gagner à orienter les charges croissantes en recherche et développement vers l'augmentation du nombre de voitures. Mais, les tentatives visant à se lancer dans la production de masse ont échoué, avec la désastreuse prise de contrôle du Groupe Rover par BMW et du mariage de Daimler-Chrysler actuellement en instance de divorce. Pour l'heure, la vie est plutôt rose. Cette semaine, Volkswagen a annoncé une augmentation de 52% de ses résultats d'exploitation pour l'année 2006. Mercedes, la branche automobile de Daimler-Chrysler, est sortie de deux années de traversée du désert. Les ventes de Porsche et BMW semblent presque insensibles au cours du pétrole. La bourse allemande a à peine réagi aux nouvelles normes de CO2. Les constructeurs d'automobiles allemands sont moins bien placés que les autres européens, sans parler des Japonais. Les voitures allemandes pourraient bien continuer à s'accaparer de la meilleure part du marché du luxe, car après tout, elles sont bourrées de technologie de pointe. Mais le goût des acheteurs change et ils s'inquiètent de plus en plus à propos de l'environnement. Cette nouvelle donne a frappé les ventes de Chrysler aux Etats-Unis, parce qu'ils dépendent des voitures avides de carburant que sont les Sport-utility-vehicles (SUV) et les pickups. Et dans les marges d'exploitation, l'excès d'ingénierie, un vice bien allemand, devient de plus en plus cher. Il suffit de parler à un expert chez DaimlerChrysler ou à Continental, un fournisseur de l'industrie automobile, et il vous parlera fièrement de la sophistication sans cesse croissante de l'électronique : capteurs déterminant la surface de la route, contrôle de vitesse en fonction de la circulation, communication inter-automobile par internet, et plus encore. Les voitures de luxe sont pionnières en matière de technologie, dit-on. Des trois grands allemands, Mercedes et BMW ont toujours été des marques de luxe. Incitations fiscales Aujourd'hui, ils sont rejoints par Audi, une filiale de VW. Porsche est plus spécialisée sur le segment des voitures de sports. Tous les quatre prospèrent sur le marché allemand dans lequel, pratiquement une voiture sur trois est vendue dans le segment luxe. Cela dépasse de loin le marché américain où ce chiffre concerne une voiture sur dix. Les producteurs allemands espéraient que les autres marchés soient comme le leur, mais les chances que cela arrive sont de plus en plus minces, parce que la quête de l'excellence dans la technologie, plus de puissance, une meilleure sécurité et plus d'efficacité fait monter les coûts. Plus que n'importe qui, les Allemands sont obsédés par la voiture, car elle a été inventée chez eux. Peu de voiture peuvent rivaliser avec l'élégance des Horch, ancêtres des Audi, la prestance de la Maybach, une marque revigorée par Daimler, ou la nervosité d'une certaine Porsche 911. Il suffit de combiner l'histoire avec le flair pour avoir une fusion parfaite. Autant l'expertise allemande fait les voitures autant les voitures font la société allemande. Derrière le volant, le doux et gentil père de famille devient un fanatique tyrannique, avec une conduite peu soignée et une vitesse atteignant 200 km/h. Les autoroutes allemandes que rien d'ennuyeux n'encombrent, même pas la limitation de vitesse, sont un terrain providentiel pour tester des voitures de plus en plus puissantes et rapides. Alors Porsche et BMW peuvent-elles prospérer dans un pays où l'on ne peut dépasser 90 km/h. L'obsession nationaliste a permis à Ferdinand Piëch, petit fils de Ferdinand Porsche, fondateur de VW et Porsche, de bâtir un empire basé plus sur la passion que le bon sens. Durant les années 1990, en tant que président de VW, il a acheté le Britannique Bentley, constructeur d'automobiles de luxe de même que les Italiens Bugatti et Lamborghini, producteurs de voitures de course. Il a basé le développement de la Phaéton, une berline de luxe dans une tentative d'ennoblir la marque VW. Piëch, patron de VW depuis 2002, a même présenté la Veyron, un monstre de 1000 chevaux capable d'atteindre 400 km/h. Tout ceci a coûté très cher au groupe VW, le plus grand constructeur automobile européen avec 19% de part de marché. Mais Ferdinand Piëch, dont la famille, possède tous les droits de vote de Porsche grâce à leur relation et qui a récemment augmenté sa participation dans VW à 27,4%, est assez puissant pour concrétiser sa passion. Les autres patrons de l'automobile Allement, Dieter Zetsche de DaimlerChrysler, Wendelin Wiedeking, qui dirige Porsche, et Norbert Reithofer de BMW, se sont faits une place au soleil. Mais, aussi solides et sophistiqués que puissent être leurs produits, c'est l'émotion que produit la conduite de la marque qui prévaut dans le choix des voitures de luxe. Cette émotion peut-elle survivre dans un monde où les automobilistes font face à plus de restrictions et plus de préventions par rapport aux dégâts qu'ils peuvent causer à l'environnement ? Les constructeurs de luxe ont tendance à maintenir un certain niveau d'insensibilité par rapport aux prix parmi leurs clients. Mais, une nouvelle élasticité est en train de voir le jour. Cela pourrait venir des incitations fiscales conçues pour détourner les acheteurs des voitures à fortes émissions, des politiques gouvernementales et municipales et par le changement des mentalités des consommateurs. Londres vient juste d'étendre la territorialité de la taxe qui exonère les voitures écologiques. Richmond, une banlieue londonienne, projette de fixer les tarifs des parcmètres en fonction de la taille du moteur du véhicule. En Allemagne, le gouvernement fédéral propose une taxe basée sur le niveau d'émission de gaz. De telles initiatives visant à influencer le comportement du consommateur, semblent se multiplier. Traduction : Mar Bassine Ndiaye The Economist Newspaper Limited, London, 2007.