Une voiture circulait sur la rocade s'apprêtant à emprunter l'autoroute pour Mohammédia. Il était 17 H 55 lorsqu'un piéton franchit la barrière en béton pour traverser. Il se fait écraser. Les poursuites seront lourdes, non seulement contre le chauffeur, mais aussi contre le propriétaire du véhicule qui n'était que passager. Il était 17 H 55 lorsque la Toyota empruntait la rocade en provenance du centre de la ville de Casablanca. À bord, le chauffeur et son patron. Ils se dirigeaient vers Mohammédia. À quelques dizaines de mètres de la zone autoroutière, un jeune homme, quelque peu déboussolé saute par-dessus la barrière en béton et se fait écraser par la Toyota. Les éléments du service des accidents arrivent sur les lieux et procèdent aux constats d'usage. Le passager est resté à l'intérieur de la voiture et remplissait les grilles des mots fléchés, selon les procès-verbaux de la police. Le chauffeur et son patron seront conduits au commissariat de police. Voyant que son chauffeur allait droit vers les geôles, étant donné que la victime a succombé à ses blessures, le propriétaire, Mohiyeddine El Fechtali, a commencé à actionner son portable. Entre deux coups de fils, il plongeait dans sa grille de mots fléchés. Beaucoup de contacts téléphoniques ont été établis. Le dernier a eu lieu entre 21 heures et 22 heures. En effet, la dernière communication aura son effet. L'officier de police chargé de l'affaire ressortira de son bureau le visage presque pâle. Un renversement de situation se profilait. Les policiers devaient se préparer pour entendre le chauffeur et le propriétaire dans des procès-verbaux en bonne et due forme. On commence par le chauffeur, Younes Abach. L'ouverture du procès-verbal a eu lieu à 21 H 15 mn. Né en 1983 à Immouzer-Kandar, Younès déclarera à la police qu'il conduisait la Toyota sur la rocade en compagnie de son patron. Arrivé à hauteur de l'Office du thé et du sucre, il a été surpris par un passant qui a brusquement franchi la séparation en béton. Younès n'a pas eu le temps de freiner. Passant aux questions réponses, Younès dira qu'il conduisait à 80 km/h, qu'il n'était employé par El Fechtali que depuis un mois et que son patron déclarait à chaque contrôle qu'il travaillait au secrétariat particulier du Palais royal. El Fechtali, qui se faisait du mauvais sang pour son chauffeur tout en plongeant dans les mots fléchés, a été entendu à son tour. À sa grande surprise, il n'a pas été auditionné en tant que responsable civil, mais en tant qu'accusé pour usurpation de fonction. Il devait répondre aux accusations formulées par la police selon lesquelles il se targuait tantôt d'être général des Forces armées royales, tantôt de travailler au cabinet royal. Le procès-verbal a été dressé à 22 H et il mentionnait, entre autres, dans la série de l'affiliation, la fonction de l'accusé comme industriel. Né en 1944 à Taounat, El Fechtali, bien qu'il ait nié ces accusations, a été mis en garde-à-vue provisoire avec son chauffeur pour manque de garanties. C'est le substitut du procureur qui a ordonné cette décision, selon les procès-verbaux. Deux jours après, les deux mis en cause ont été déférés devant le tribunal et le procureur a maintenu les accusations avec mise en détention préventive. À l'ouverture du procès devant la chambre correctionnelle, l'avocat de la défense a sollicité la liberté provisoire en faveur des détenus, mais le tribunal a refusé la demande se basant sur le manque de garanties. Conduite en appel, cette décision a été annulée et M. El Fechtali a été jugé avec blocage des frontières et saisie des documents de voyage. Le tribunal de première instance de Casablanca a condamné les accusés à trois mois de prison avec sursis. Le jugement rendu dans cette affaire ne mentionne nulle part ni la présence ni le nom de l'avocat de la défense. Le dossier est actuellement en appel.