Dès l'annonce de la décision du Conseil Constitutionnel, la classe politique a clairement réagi. En analysant les déclarations de chacun, il semblerait que la majorité est satisfaite de cette décision. En attendant une réaction officielle du gouvernement, les cadors des partis livrent leurs premiers sentiments. La boucle est bouclée. Le Conseil Constitutionnel vient de rejeter, le 25 janvier 2007, la loi électorale. Un cataclysme pour la majorité gouvernementale qui a misé sur cette loi pour bien se positionner lors des prochaines échéances législatives. Pourtant, tout a bien commencé. Après des mois de tractations, cette loi est finalement passée au conseil du gouvernement et celui des ministres avant d'être adoptée par les deux chambres. Une victoire pour les partis de la majorité qui ont cherché à «pénaliser» les partis nouvellement créés. Alors que tous les intervenants politiques pensaient que la validité de cette loi est incontournable, le Conseil Constitutionnel est intervenu pour rejeter certaines dispositions de cette loi. En fait, le Conseil a estimé que la barre des 3% (nombre de voix obtenues lors des élections de 2002) qui permet de se présenter sans conditions demeure anticonstitutionnelle. En effet, les partis qui ont eu moins de 3% en 2002 ainsi que ceux qui ont été créé après cette date devaient rassembler 250 signatures pour chaque candidat qui se présente. Cette disposition n'a pas été retenue puisque le Conseil Constitutionnel a considéré que cette approche ne correspond pas avec l'égalité des partis relevée par la constitution du royaume. «Toute loi organique doit être validée par le Conseil Constitutionnel. C'est le cas de la loi électorale. Cette démarche est nécessaire pour garantir la constitutionalité de chaque loi organique. Maintenant, le gouvernement peut retirer les dispositions anti-constitutionnelles et appliquer la loi», explique le professeur de droit constitutionnel Omar Bendourou. Cet événement oblige aujourd'hui le gouvernement de revoir sa copie. Néanmoins, il témoigne de l'indépendance des institutions. Une idée partagée par la plupart des partis de l'opposition et certains même de la majorité gouvernementale. Pour le secrétaire général du PPS, Moulay Ismail Alaoui, la décision du Conseil Constitutionnel est la preuve que le projet gouvernemental n'a pas pris en compte les dispositions de la Constitution. «Je suis vraiment heureux de cette décision. Elle conforte la démocratie dans notre pays et le fonctionnement de nos institutions. Il ne faut pas croire que cette décision est une victoire d'un camp sur un autre. C'est tout simplement les mécanismes démocratiques qui ont fonctionné. Au PPS nous étions contre cette barre des 3%, mais nous nous sommes exprimés au sein du gouvernement», rappelle le secrétaire général du PPS. Une attitude partagée par le secrétaire général du Parti Travailliste, Abdelkrim Benatiq. Ce dernier relève que «la décision du Conseil Constitutionnel est une décision sage. Cela démontre que nous vivons en démocratie et que les institutions fonctionnent. Mais la leçon à retenir est que les pratiques anciennes ont cessé d'exister et cela encouragera les jeunes à se politiser et à aller voter». En clair, Benatiq prône le renouvellement de la classe politique et espère un changement de génération à la tête des partis. Même si le membre du bureau politique de Parti Socialiste Unifié, Najib Akesbi, partage la même approche que Benatiq, il reste cependant très sceptique. «Il est clair que cette décision est une victoire du camp démocratique de ce pays. Mais, nous devons rester très prudents parce que nous avons encore beaucoup de chemin à faire» et d'ajouter «dans tous les cas, cette décision est une gifle à certains partis qui ont tout fait pour pénaliser les formations de gauche. Nous pouvons, aujourd'hui, dire que nous entamerons les prochaines élections législatives avec les mêmes chances». Rappelons que les formations de gauche avaient protesté contre la loi électorale et spécialement contre les propositions de l'USFP. Si la majorité de la classe politique pense que cette décision est un camouflet pour le parti d'El Yazghi, Aïssa Ouardighi, membre du bureau politique de l'USFP, relativise cet arrêt. «Nous avons essayé de faire passer une loi qui pénalise la balkanisation. Malheureusement, le Conseil Constitutionnel a rejeté ces dispositions. Mais, il faut se réjouir du bon fonctionnement de nos institutions. Nous espérons que les résultats des prochaines élections permettront l'émergence de pôles politiques forts pour éviter l'émiettement de la classe politique». Du côté de l'Istiqlal, c'est la black-out total. En off, les leaders du parti conservateur confirment « que cette barre des 3% a été souhaitée par l'USFP et que son retrait ne les dérange pas ». Pis, ils étaient contre cette proposition mais ils ont évité un nouvel affrontement avec les socialistes. Le même son de cloche au sein du Mouvement Populaire. Tout en refusant de commenter cette décision, le porte-parole du parti, Said Ameskane, explique : « j'attend que le bureau politique du parti se réunisse. En attendant je n'ai rien à dire ». Le Mouvement Populaire n'est pas vraiment touché par ce verdict, d'autant plus qu'il a défendu le scrutin uninominal. à l'opposé, le PJD crie victoire. Farouche opposant de cette loi, il a été pour l'instauration d'une barre de 7% à l'échelle nationale. Pour son numéro deux, Lahcen Daoudi, « le gouvernement a une nouvelle fois été sanctionné » et «les partis de la majorité ont toujours raisonné en termes de calculs politiques. Cette loi a été mise en avant pour les avantager en 2007. Mais heureusement, le Conseil Constitutionnel a remis les pendules à l'heure. Le PJD a voté contre cette loi et il se réjouit de cette décision». Dans tous les cas, cet arrêt du Conseil relance le débat sur les prochaines élections. Il met en avant les dispositions de chaque parti et nous renseigne sur les rapprochements possibles. Les partis de la nouvelle gauche, se présentent, aujourd'hui, comme une vraie alternative. Reste à savoir s'ils sont capables de mobiliser les masses. Les semaines à venir nous le dirons.