Hôtel Marhaba Comment en est-on arrivé là ? Pourquoi la restauration d'un hôtel de cette ampleur, situé sur l'une des plus prestigieuses artères de la capitale économique, est toujours bloquée alors qu'il est en face du Sheraton Casablanca et à quelques pas du Royal Mansour ? La Gazette du Maroc a mené son enquête pour découvrir les dessous de ce blocage et tenter d'éclairer l'opinion publique sur une affaire qui a duré plusieurs années. Installé depuis des lustres sur la prestigieuse artère des affaires, l'avenue des FAR, l'hôtel “Marhaba” est le seul et imposant “building”, laissé pendant plusieurs années à l'abandon, qui choque par son état délabré alors qu'il se situe en face du Sheraton Casablanca et à quelques encablures du Royal Mansour, deux hôtels d'affaires les plus réputés de la capitale économique. L'image est désolante et laisse “consterné” plus d'un. Naturellement, l'éternel blocage qui frappe un hôtel de cette ampleur cache une affaire complexe qui a opposé, depuis plusieurs années, l'architecte Aâz Laârab Skalli dont le bureau est basé à Agadir et le propriétaire de l'hôtel, Abdelmajid Abouljadail, de nationalité saoudienne et puissant homme d'affaires qui détient plusieurs unités hôtelières en Europe et en Asie. De quoi s'agit-il au juste ? En résumé, d'un conflit porté devant la justice pour régler un différend lié à la résiliation par le propriétaire de l'hôtel, du contrat qui le liait à son architecte. S'estimant lésé, ce dernier a eu recours à la justice après plusieurs tentatives de réconciliation menées par plusieurs personnes intermédiaires, parmi elles, Driss Benhima, wali du Grand Casablanca, qui, à un moment donné, avait pris l'affaire en main. Selon Rachid El Andaloussi, de la wilaya du Grand Casablanca, “le Wali avait tenté à plusieurs reprises de rapprocher les deux parties autour d'un consensus, mais en vain”. “L'architecte n'avait pas accepté le montant des indemnités que le propriétaire était prêt à lui verser ”, explique-t-il. Ce que réfute Skalli qui avance n'avoir jamais refusé quoi que ce soit émanant du wali. Après plusieurs séances de travail, le tribunal de première instance de Casablanca a rendu son jugement qui donne le droit au plaignant de récupérer des indemnités de l'ordre de 1,420 million de dirhams. Mais, lui, en demandait plus : 16,115 millions de dirhams, selon un document que Najib Lhoucine, l'avocat du propriétaire, nous a révélé. Ce document retrace le détail d'une expertise commandée par l'architecte pour quantifier le niveau des indemnités qu'il estime “ mériter ” après plusieurs années de travail. Mais, sur la note d'honoraires qu'il avait élaborée et donnée par la suite au propriétaire après la conclusion du contrat, figure un montant bien inférieur à celui demandé au tribunal. Selon cette note, le montant de ses honoraires ne dépassait pas 3,636 millions de dirhams. “ Sur ces 3,6 millions, il avait reçu 2 millions de dirhams ”, avance l'avocat du propriétaire visiblement étonné par l'ampleur des indemnités revendiquées par l'architecte. Aujourd'hui, les deux parties ont fait appel. Skalli estime le montant défini par le tribunal bien en deçà de ce qu'il avait demandé et le propriétaire le trouve trop important. L'avocat de ce dernier avance en substance que les 2 millions de dirhams qu'il avait reçus par tranches fractionnées couvrent largement sa mission qu'il avait réalisée pour moitié (50 %), selon un document judiciaire révélé par le même avocat. Pis encore, ce dernier accuse l'architecte d'avoir retardé le projet touristique pendant presque 7 ans (de 1995 à 2002) alors qu'il devait bénéficier jusqu'à fin 1999 d'une panoplie d'avantages fiscaux et autres facilités administratives, selon une lettre adressée au propriétaire par Jawad Ziyat, du ministère du tourisme. Pour avoir causé ce retard et fait perdre au propriétaire d'importants avantages dont allait bénéficier son hôtel, l'avocat de ce dernier a décidé de faire appel pour pousser l'architecte à dédommager Abouljadail. Le démenti d'Arab Contractors En fait, ce bras de fer né d'un mécontentement manifeste du propriétaire de l'hôtel vis-à-vis du travail de l'architecte a débuté, il y a seulement quelques mois, quand le premier a estimé “inachevée” et “peu sérieuse” la mission du second qui a montré, selon Najib Lhoucine, une certaine “incompétence” pour pouvoir terminer dans les temps les plans directeurs qui devaient servir de base pour la rénovation de l'hôtel. Après l'achat en juin 1995 de l'hôtel pour la modique somme de 40 millions de dirhams à une société marocaine du nom de “chaîne hôtelière Marhaba” représentée par un certain Elie Ouarkatt, qui en était l'administrateur directeur général, l'investisseur saoudien avait confié l'architecture de ce projet à Aâz Laârab Skalli suite à une rencontre organisée par un haut fonctionnaire du Ministère de l'habitat dont le nom n'a pas été divulgué par l'avocat de Abouljadail. Contrairement, donc, à ce qui avait circulé dans les milieux d'affaires à savoir que l'investisseur saoudien avait acheté l'hôtel et son architecte avec, ce dernier n'avait été approché par Abouljadail qu'après avoir bouclé l'opération d'achat. Une relation de confiance s'est alors instaurée entre les deux parties jusqu'à ce que le propriétaire, selon son avocat, constate des retards prémédités dans la conception des plans de l'hôtel. “ À plusieurs reprises, l'architecte a été sommé par des délais fermes pour boucler ces plans, mais il ne les a pas respectés ” explique Najib Lhoucine. Selon lui, document à l'appui, une importante réunion tenue en 2001 au Caire dans les locaux de la célèbre société égyptienne de construction “ Arab Contractors ” avait pour objectif de donner un nouveau délai de 5 mois à l'architecte Skalli afin qu'il termine ses plans. Voulant avoir la version des faits de la société égyptienne, nous avons pris contact avec son bureau basé à Casablanca. L'un des responsables de ce bureau a catégoriquement démenti cette information et avancé, pour justifier l'arrêt de travaux, que les tâches n'étaient pas clairement définies entre les deux parties en l'occurrence le propriétaire et son architecte. En pleine crise relationnelle, le propriétaire s'est trouvé obligé de résilier son contrat avec son ancien architecte pour nommer un nouveau en la personne de Driss Benchérif qui a commencé son travail depuis peu. Cet architecte que nous avons contacté plusieurs fois sans jamais le trouver dans son bureau aurait la charge de terminer les plans de la rénovation d'ici quelques mois. L'objectif serait que l'hôtel soit livré au propriétaire au plus tard, en août 2004