Sebta dans la tourmente. Une situation au bord de l'implosion où les Marocains sont les premiers à payer le lourd tribut à la politique populiste et sécuritaire de la ville occupée. Sans oublier les réseaux de trafic de drogue qui financent les terroristes et les trafics de tous genres. Le préside occupé vit dans le chaos. Retour sur un mois pas comme les autres. Après les dernières arrestations au sein de plusieurs groupuscules dits « terroristes », d'autres cartes sont mises sur la table et le gouvernement espagnol réfléchit à l'avenir de Sebta avec plus de sérieux et surtout sans cette négligence habituelle des autorités de Madrid. La police espagnole a interpellé entre le 11 et le 12 décembre courant onze islamistes présumés dans plusieurs opérations effectuées à l'aube dans l'enclave de Sebta, ces interpellations ayant lieu aux domiciles des suspects ou durant la prière à la mosquée. Parmi les personnes interpellées figure Hamed Abderrahman Ahmed, un ressortissant espagnol qui était détenu dans la prison de la base américaine de Guantanamo à Cuba depuis février 2004 et dont la Gazette du Maroc avait publié le parcours et la vie avant son acquittement par le juge Baltazar Garzon. Deux frères d'Ahmed ont été également interpellés. Mais la police avait refusé de confirmer cette information. Les forces dépêchées depuis le continent espagnol ont effectué ces opérations dans les secteurs de la ville située le long de la côte marocaine, a précisé un responsable de la police qui a aussi souligné que l'opération se préparait depuis plusieurs semaines. Pourquoi intervenir maintenant ? Certains lient cette opération à des informations venues de Grande Bretagne sur le déplacement de plusieurs recherchés vers Sebta, via Gibraltar. Déjà plus d'un mois auparavant, Sebta et Melilla avait fait l'objet d'un rapport de la police présenté à plusieurs magistrats. Les enclaves de Sebta et Melilla seraient devenues des objectifs du Jihad islamique, avait indiqué le 5 novembre le quotidien «El Pais», citant des sources des services de renseignement espagnols. Ces services, qui considèrent cette menace comme «la plus inquiétante pour l'Espagne depuis 2004», ont été alertés par un communiqué diffusé sur Internet par un groupe proche d'Al-Qaïda, appelant à «la guerre contre l'Etat infidèle espagnol et à la libération des villes occupées de Sebta et Melilla». Marocains de Sebta Pour comprendre ce qui se passe à Sebta, il faut aller chez les habitants dans les quartiers pauvres du préside occupé. C'est très simple. Sebta est une ville qui affiche de façon ostentatoire un double visage : la ville espagnole ou la ville des Espagnols et les quartiers marocains ou «barios de los moros». Ce n'est pas l'apartheid, mais nous n'en sommes pas loin. Ce n'est pas le ghetto, mais cela y ressemble. On arrive avec difficulté à s'expliquer cette dichotomie géographique. Ce jeu de cassure entre deux frontières au sein de la grande frontière. D'un côté «nous, les Moros» de l'autre côté, «eux, les fils du pays». On reprend ici, les paroles d'un jeune père de famille du quartier Principe Alfonso, à flanc de colline où l'on se croit à Hay Attakadoum à Rabat ou dans la banlieue dégueulasse de Salé ; là où les maisons s'amoncellent comme des paquets de thé, des boites de sardines collées les unes aux autres dans un paysage urbain qui fait tache dans cette ville résolument européenne. Le même père de famille nous dira plus loin dans son jargon à lui comment il en est réduit aujourd'hui à souhaiter rentrer au pays, élire domicile «même à Fnideq, juste là à la sortie de Tarajal pour ne plus supporter les mensonges de tous ces minables qui nous gouvernent ici. Ils oublient que c'est mon pays, que c'est ma terre Sebta. Ce sont eux les colons, les criminels». Et d'ajouter : « Ne croyez pas que parce que nous sommes de l'autre côté de la frontière, nous avons oublié qui nous sommes et d'où nous venons. Non, je suis Marocain, Sebta est marocaine et un jour on finira par péter tout ce fourbi du diable.» Ahmed fulmine et finit par claquer la porte en s'excusant. Il pleurait à chaudes larmes. Dans sa rue, plusieurs jeunes ont été arrêtés et surtout presque toutes les maisons ont été fouillées de fond en comble. Et c'est ce type d'infractions aux droits des Marocains de Sebta, qui fait monter la rage. «Le danger vient de Sebta et les Espagnols le savent» nous confie un magistrat de la ville qui a suivi plusieurs procès de Marocains accusés dans plusieurs affaires de criminalités. Et Ahmed n'est pas un cas isolé dans ce quartier paumé de la ville européenne du Maroc. Ils sont nombreux les jeunes et moins jeunes qui sont venus nous voir pour nous parler de ce qui ne va plus «à l'intérieur», car c'est comme cela qu'ils désignent l'autre bout de la frontière. Sebta, c'est le Maroc, et ce n'est pas le Maroc. Sebta, c'est déjà l'Europe, mais pas pour tous. Sebta est une ville au tissu social hybride qui mérite qu'on s'y arrête pour tenter de comprendre. Rien ne va plus Rien ne va plus depuis le 11 mars 2004 et les élections du 14 mars de la même année, jour des élections législatives en Espagne et à Sebta. Les choses semblent avoir pris une tournure effrénée. Le 11 mars et les attentats de Madrid sont venus élargir le fossé qui existait entre les Marocains et les Espagnols. A Sebta, la donne est tout autre. Au-delà des séparations claires, entre Marocains et Espagnols, nous en sommes aujourd'hui à un phénomène qui risque de devenir une réalité banale de tous les jours. Il s'agit des descentes de la police suite aux informations qui filtrent sur des projets terroristes. Dans le tas, plusieurs prévenus se sont avérés innocents, mais après avoir passé du temps dans les locaux de la police anti-terroriste espagnole. Cette stigmatisation systématique des Marocains vient s'ajouter à une série d'autres problèmes comme la négligence par les autorités des quartiers pauvres de la ville qui sont de plus en plus sales et surtout la proie à toutes les exactions et autres dérives criminelles.