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L'Ambassadeur d'Angola : Luis Jose de Almeida : "Nous sommes très reconnaissants au Maroc pour sa précieuse aide"
Publié dans La Gazette du Maroc le 27 - 11 - 2006

Potentiellement l'un des plus riches pays d'Afrique, cette ancienne colonie portugaise, grande comme la France et la péninsule Ibérique réunies, traverse aujourd'hui une période très importante dans son histoire marquée par la volonté immense de se développer. L'Ambassadeur d'Angola au Maroc Luis José De Almeida nous explique dans cette interview les perspectives de développement de l'Angola dont il attend toujours une participation du Maroc dans les opportunités d'affaires que son pays offre actuellement.
LGM : Quelle est la situation actuelle de l'Angola ?
Luis José Almeida : L'Angola aujourd'hui est devenu un très vaste chantier, de grands projets y voient le jour continuellement, hier encore je discutais avec un directeur de cabinet d'études d'architecture, monsieur Berrada, qui est de Casablanca, et qui travaille pour le compte de plusieurs compagnies immobilières. Il compte construire de grands immeubles à Yaounda, ainsi qu'une maison de santé à la gloire de la première dame du pays, Mme Ana Paula Dos Santos. Il me disait donc «écoutez monsieur l'ambassadeur, votre pays me fascine vraiment, je n'ai jamais vu autant de projets prendre forme en si peu de temps».
Un très grand nombre d'investisseurs y sont représentés. Il y a d'abord les grandes compagnies pétrolières, leurs grands buildings et sièges fleurissent à volonté, il y a sociétés étrangères qui investissent dans l'immobilier, des partenariats qui se concrétisent avec nos amis brésiliens, chinois, et autres. L'habitation sociale traditionnelle du pays «la paiute» disparaît pour laisser place à des habitations plus salubres et modernes, villas et autres maisons individuelles. Le domaine de l'infrastructure stratégique n'est pas en reste. Nous avons dans ce sens signé un accord avec notre partenaire de la république populaire de chine pour la réhabilitation de nos réseaux routiers et ferroviaires. Le chemin de fer pourra relier toutes les grandes agglomérations du pays, il sera relié aux réseaux des pays frontaliers à partir de l'atlantique vers le Botswana, le Zimbabwe..
Les Etats-Unis sont à leur tour prêts à nous fournir tout le matériel nécessaire à la concrétisation de ces travaux entrepris par la Chine.
Sur le plan de la gestion démocratique de la chose publique, qu'est-ce qui différencie l'Angola des autres pays voisins?
Vous savez, si vous demandez à des gens qui vivent en Angola, ils vous diront que le pays souffre d'un excès de démocratie, dans le sens où il n'y a point de tabous, et que la liberté d'expression est à son comble. Certains journaux en sont même à insulter de hautes instances politiques du pays sans peur de représailles.
Mis à part ce fait, le pays doit abriter des élections législatives et présidentielles en septembre ou octobre 2007. Vous n'êtes pas sans savoir que la raison de l'ajournement de ces élections est dûe à la situation qui régnait antérieurement au pays, dont la destruction du réseau de télécommunication et des routes reliant les principales villes du pays.
Au sujet de la coopération, est-ce que l'Angola a une vision qui tend à renforcer et à consolider la coopération Sud- Sud ?
Nous privilégions en effet cette coopération sud-sud. La Chine nous a donné un crédit de deux milliards de dollars payable en 17 ans, et avec un taux d'intérêts de 1,5 %. Aucun pays occidental ne nous ferait une faveur pareille. Les gens du sud, vivent différemment, ils sont plus humains, tandis que dans le processus de collaboration avec les pays occidentaux, si vous ne payez pas dans les délais fixés vous êtes sanctionnés. Nous privilégions donc cette coopération sud-sud. D'abord parce que nous sommes des compagnons dans la misère comme dans le développement, et ensuite parce que ces pays du sud sont mieux à même de comprendre les difficultés et contraintes qui obstruent la réalisation de nombres de projets.
Dans ce même contexte monsieur l'ambassadeur, le Maroc est un pays africain et un allié de longue date de l'Angola. Que fait l'Angola pour renforcer ses liens de coopération avec le royaume dans le domaine économique et commercial ?
Le Maroc est un vieil ami de l'Angola vous savez. De notre côté il n'y a aucun problème, nous avons tenu au Maroc au début de cette année 2006 un forum économique maroco-angolais à Casablanca. Nous avons fait venir des membres de notre gouvernement sur instigation de notre président, une dizaine de ministres sont venus, d'importants contacts ont été établis. Pendant des jours on a discuté des problèmes communs qui nous préoccupent et auxquels nous pensons que le Maroc peut remédier. Mais hélas, lorsque la politique s'immisce dans l'économie, c'est un mariage qui n'est pas bon et qui se solde par des scènes de ménage, il nous a été dit carrément qu'il n'y aurait pas de coopération possible tant que l'Angola ne changerait pas sa position sur la question du dossier du sahara. Personnellement je constate que ce n'est pas une bonne approche de la part du Maroc, et d'ailleurs cela a été ressenti comme une insulte à notre égard.
Vous voulez dire que la position de l'Angola vis-à-vis du Sahara Marocain peut observer une révision ou un changement stratégique si les relations économiques prennent une tournure positive ?
Vous savez, bien que le Maroc soit un vieil ami de l'Angola, d'autres pays peuvent nous apporter l'aide dont nous avons besoin dans tel ou tel domaine, et d'ailleurs nous sommes déjà en phase de coopération avec ces pays amis.Cependant, nous considérons avoir une dette envers le Maroc, et nous lui sommes redevables pour le soutien qu'il nous a apporté lors de notre combat pour l'indépendance. C'est donc une question sentimentale, le Maroc nous a apporté une aide précieuse et nous lui en sommes reconnaissants.. mais la roue doit tourner. Dîtes moi, comment expliquez vous qu'aucun ministre marocain des affaires étrangères ne se soit déplacé en Angola, sachant que l'invitation a été lancée depuis mon arrivée au royaume, en 1993.
Si le Maroc attend de l'Angola qu'il évolue sur le dossier du Sahara, quel autre meilleur moyen que d'en parler. Votre souverain devrait rencontrer notre président pour un partage de points de vue. Le rapport de l'ambassadeur n'est pas suffisant. Pourquoi aller au Mexique ou au Chili alors que l'Angola est beaucoup plus près que ces deux pays qui peuvent aussi avoir fait tort à votre pays auparavant et pourtant, la page est tournée.
L'Angola serait-il près à accueillir Sa Majesté le Roi Mohammed VI ?
Mais bien sûr, je vous ai expliqué que nous sommes très reconnaissants au Maroc pour sa précieuse aide. À l'époque ou aucun pays africain ne nous accordait de passeports, le Maroc lui nous fournissait tous les passeports dont nous avions besoin pour nos déplacements transfrontaliers. Ces passeports avaient alors une immense valeur car ils nous permettaient de voyager un peu partout dans le monde pour dénoncer le colonialisme portugais et solliciter une aide pour notre lutte.
Est-ce que l'Angola soutient une résolution du conflit du Sahara sous l'égide des Nations Unies ?
Nous soutenons fortement une solution politique, sous l'égide des Nations Unies qui ont été chargés d'œuvrer pour assurer une résolution pacifique à ce conflit.
Que pensez vous de l'initiative Royale pour la reconstitution du CORCAS ?
Ecoutez, je ne vais pas m'immiscer dans les affaires intérieures du Maroc, mais pour être franc, je pense qu'il doit y avoir un dialogue direct entre les parties concernées.
Prenez par exemple notre expérience à nous. Nous avions un problème avec une de nos provinces, et quand il a fallu y mettre un terme nous sommes allés directement à eux, pourtant, nous étions les plus forts. Cependant, au nom de la paix nous nous sommes assis à la même table que nos adversaires et après d'âpres discussions nous avons mis fin à une longue guerre, sans l'égide des Nations Unies.
Aujourd'hui nous sommes arrivés à pacifier le pays et à détruire tous les germes de discorde qui semaient la terreur et l'instabilité dans le pays, et je le répète, sans l'intermédiaire de qui que ce soit.
L'Angola, en tant qu'ami de toutes les parties concernées ne serait-il pas le mieux placé pour le lancement d'un processus de médiatisation, justement entre ces mêmes parties ?
Depuis mon arrivée au Maroc, je ne fais qu'œuvrer à la concrétisation de cette fin. Nous sommes plus que prêts à intervenir en tant que médiateur et le Maroc connaît notre position. Nous sommes prêts à l'aider à trouver une résolution durable. Nous sommes passés par une expérience similaire, et croyez moi, l'ONU par ci, l'ONU par là, médiateur par ci, médiateur par là, jamais on ne s'en sort. Cependant, si, comme l'on dit chez nous, vous prenez le taureau par les cornes, je suis convaincu que vous mettrez fin à ce conflit. D'ailleurs, tout conflit a une fin.


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