La sortie de «Yak a jarhi» en 1977 coïncida avec l'hospitalisation de Naima Samih. La caméra indiscrète de Larbi Bentarka la surprend sur son lit d'hôpital. Le lien est vite fait entre le thème de la chanson et le malaise de son interprète. Le public adopte le refrain, s'y identifie et chacun y projette ses propres blessures.La sortie de «Yak a jarhi» en 1977 coïncida avec l'hospitalisation de Naima Samih. La caméra indiscrète de Larbi Bentarka la surprend sur son lit d'hôpital. Le lien est vite fait entre le thème de la chanson et le malaise de son interprète. Le public adopte le refrain, s'y identifie et chacun y projette ses propres blessures. "Ô ma blessure, je n'ai rien épargné pour te trouver remède J'ai réconforté, soigné et pansé Et j'ai supplié le seigneur pour te guérir…» Issue d'une famille nombreuse, douze frères et sœurs, Naima Samih est née à Casablanca dans le quartier Bouchentouf. Elle abandonne très tôt les bancs de l'école pour s'initier à la couture et à la coiffure. Mais la fille de Derb Sultan n'a qu'un rêve en tête : chanter. Elle profite d'une soirée artistique, en live de Casa sur TVM, pour reprendre «Wahyatak ya cheikh masoud» de Charifa Fadel. Auteurs et musiciens découvrirent alors l'une des plus belles, authentiques, inégalables, inimitables et uniques voix marocaines. Les propositions de paroliers et compositeurs affluent et Naima enchaîne les succès : Al Khatem, Bahhara, Nouara, Amri Lillah, Ala Ghafla, Jari ya jari. «Jrit ou jarit», plus connue par «Yak ajarhi», lui ouvre les cœurs et les portes du monde arabe. Jrit ou jarit : la chanson phénomène Au cours de sa tournée en Algérie en 1974, Abdelhadi Belkhiat invita ses deux complices, le compositeur Abdelkader Wahbi et le parolier Ali Haddani. Ces deux derniers travaillaient sur «Jrit oujarit» et n'arrivaient pas à se mettre d'accord sur la voix qui doit l'interpréter. Le premier proposait Abdelhadi à qui il a déjà composé, entre autres, Awwam, Assabr tkada, Bent ennas…et le deuxième suggérait une voix féminine. Assis à la terrasse de leur hôtel, la voix de Naima, en pleine répitition, leur parvenait. Elle chantait «Allah aliha ksara». C'est à ce moment là, sur les hauteurs d'Alger, qu'ils prirent la décision de lui confier «Jrit oujarit». Une fois à Rabat, le trio s'attaqua au morceau. Ils se retrouvaient chez le mélomane Benbouchta dont la maison est une sorte de salon réunissant l'intelligentsia rbattie de l'époque, les Kamal Zebdi, Mustapha Kasri, Saïd Seddiki, Mohamed Ziani, Larbi Skalli, Amr Tantaoui… Des intellectuels et musiciens qui assistaient au processus créatif du refrain et n'hésitaient pas à donner leurs avis. Une fois l'œuvre achevée, ils l'applaudirent et suggérèrent au ministre de l'Information de l'époque, Mohamed Larbi Khattabi, de la soutenir. Une réception fut organisée, à cette occasion au ministère. Enregistrée à la radio avec l'orchestre nationale, elle est sur toutes les lèvres dés sa première diffusion. On s'arrache le 45 tours, sorti chez Hassania à Paris. «Jrit oujari» est certes une chanson d'amour, mais comme une grande partie des textes de Ali Haddani, elle se prête à plusieurs lectures. On y a vu aussi l'expression d'une certaine tension qui régnait dans le pays en ces temps là. Elle dépassa sitôt les frontières pour traverser le Maghreb et débarquer dans les pays du Golf où elle est toujours fredonnée. Sa composition n'est-elle pas inspirée d'Akalla du sud marocain et de la danse du sabre de Zagora, même danse qu'on retrouve en Arabie Saoudite. La chanson est diffusée sur les radios et les TV des pays du Golf où Naima est devenue une star. Au cours d'une semaine artistique marocaine au Qatar, organisée par l'ambassadeur de ce pays au Maroc, le fetard et mélomane Abdallah El Jida, elle interpréta Jjrit oujarit» en compagnie des musiciens de la troupe d'Oum Keltoum, récupérée par la radio télévision qatarie après la disparition de la diva. Chanson phénomène, à l'émission Mawahib de Abdenbi Jirari, une majorité des candidates ne voulaient chanter qu'elle ! Elle inspira des tissus et des menus ! Reprise, entre autres, par Warda, Georges Wassouf et Cheb Khaled, «Yak a jarhi» reste un tube indémodable. Mohamed Ameskane * Le titre est emprunté à Serge Lama et Dalida qui entonnaient, «je suis malade, complètement malade» début des années soixante dix.