Annoncée comme l'une des plus grosses productions de l'année, le tournage du film de Mike Nichols mettant en vedette Tom Hanks et Julia Roberts, se poursuit à Marrakech où les premiers claps ont été donnés début octobre. Un budget de plusieurs dizaines de millions de dollars et une polémique déjà autour de l'utilisation de la Koutoubia comme décor pour tourner des scènes dans un bar sensé se trouver en Israël. Le film est prévu pour 2008. Certains se sentent obligés de brandir des slogans « très conservateurs » à chaque fois qu'il y a lieu de trouver à redire sur un tournage américain dans une ville musulmane. Le prétexte est simple dans le cas de la guerre de Charlie Wilson : les pierres de la mosquée la Koutoubia ont servi de décor pour un bar où quelques scènes ont été tournées. Avec le ramadan, il y a un pas pour faire de ce fait d'automne une sérieuse affaire de « guerre de civilisation ». Il ne s'agit en fait que de celle de Wilson qui doit générer à la fois du travail aux Marrakchis et autres Marocains sans oublier quelques belles retombées matérielles qui iront dans l'escarcelle du CCM et ce n'est que tant mieux. Jusque-là, il semble que la question soit simple : on laisse les gens filmer, et on se fait ses épinards au beurre (on ne peut pas dire non à des dizaines de millions de dollars tout de même !) ou on refuse les tournages et les grosses productions étrangères et on en fait ses choux gras en multipliant de fallacieux pieds de nez qui par ricochets, nous bottent dans le derrière. Les choses sont donc très simples : on choisit l'ouverture, la promotion du tourisme, la valorisation d'une image meilleure d'un Maroc moderne ; ou l'on se fait son argent de poche en tirant dans les pattes de celui qui paye. Bref, tout cela pour souligner une espèce d'hypocrisie bicéphale qui veut à la fois avoir des sous, servir des slogans et manifester le mécontentement. Il n'y a rien d'intellectuel ni de spirituel dans l'industrie du cinéma. Comme dirait Don Corleone, c'est le business. Alors, c'est quoi le problème ? En fait il n'y en a pas. Les Américains ont leurs autorisations délivrées par les instances de tutelles, des stars sont là telles que Tom Hanks, Julia Roberts et Philip Seymour Hoffman. Mike Nichols qui est une grosse pointure du cinéma outre-Atlantique a tout le loisir de filmer ce qu'il veut. D'abord il paye pour cela, ensuite il a des accords signés avec papiers en tête et tout le reste. Autrement dit, c'est une tempête bien froide dans un fond de verre vide, mais une question s'impose: si le bar en question construit sur les flancs de la Koutoubia ne se trouvait pas en Israël, cela aurait-il dérangé quelqu'un ? Pour ma part, la réponse est évidente. Mais qu'est-ce que cela change-t-il à la donne ? Absolument rien. C'est une symbolique tirée par les cheveux du fait même que nous sommes sur le terrain de prédilection de la fiction. Cela altère-t-il de quelque manière que se soit la place de la mosquée dans le paysage historique du pays ? Rien n'est moins sûr, non plus. Demeurent le zèle, la mauvaise foi, la volonté de surenchérir. Mais devant la force de l'argent, les accords de libre-échange, la place des USA dans le monde et surtout de ce côté-ci de la Méditerranée, nous sommes convaincus que tous les discours oiseux sur les pintes de bières et les verres de bourbon sifflés contre la muraille de la vieille mosquée ne changeront rien à l'affaire. La guerre de Charlie Wilson aura lieu, le film sera tourné, et il sera sur les écrans en 2008 pas loin de chez nous tous.