C'est avec brio que le réalisateur Mike Nichols transpose son drame «La Guerre selon Charlie Wilson», prétendant ainsi aux Oscars. «La Guerre selon Charlie Wilson», adapté du roman de George Grile portant le même titre, retrace la vie du député Charlie Wilson (Tom Hanks) ayant réussi, avec l'aide d'une milliardaire (Julia Roberts) et d'un agent de la CIA (Philip Seymour Hoffman) à aider les Moudjahidin d'Afghanistan à chasser l'Armée rouge de leur pays. Le film est une sorte de trait d'union entre réalité et fiction et une technique des plus professionnelles à diriger 750 figurants (réfugiés afghans), non anglophones. En fervent ironiste, Mike Nichols, débute son film, après un bref prologue fanfare, sur une scène dionysiaque. Au milieu d'un jacuzzi, Charlie Wilson, à qui on doit la mise en déroute de l'armée soviétique, qu'il a provoquée en convainquant le Congrès américain d'allouer des sommes faramineuses à l'armement des soldats afghans, afin que ces derniers puissent se défendre contre les hélicoptères russes, discute politique et nourrit des arguments à l'alcool et à la cocaïne, tout en pataugeant aux côtés de strip-teaseuses. La fusion entre fiction et réalité s'interrompe à cause du spectacle du présentateur Dan Rather, vêtu à l'afghane, interviewant des combattants qui se lamentent de ne pas disposer d'armes nécessaires pour barrer la route aux Soviétiques qui ont envahi leur pays. Avec ce film, Tom Hanks inscrit son entrée au monde du cinéma engagé. Dans sa salle de bains avec Charlie, Joann (Julia Roberts), après avoir fait l'amour, un moment clé du film où l'actrice séparant ses cils maquillés avec une épingle à nourrice, énumère les armes dont ont besoin les Moudjahidine d'Afghanistan. Charlie Wilson boit, fornique, jure, mais continue de gagner la sympatie de ses électeurs les plus religieux. Un énorme couteau enfoncé au cœur même de la politique américaine. Le scénario inspiré du livre de George Grile met en scène une formidable connaissance des mécanismes du pouvoir américain et de ses dangereuses failles; à ne retenir que ces graves conséquences à long terme de l'engagement américain en Afghanistan ; le surarmement dans la région, le poids accordé aux services secrets pakistanais et le désintérêt de Washington pour la reconstruction du pays. Là où plusieurs s'y sont cassé les dents, Mike Nichols arrive à interpeller le spectateur sur les problèmes actuels en livrant un film ironique, intelligemment drôle et toujours divertissant. La Guerre selon Charlie Wilson est une œuvre qui témoigne du talent incontestable de son réalisateur et prouve qu'il n'est pas nécessaire de se prendre trop au sérieux pour faire réagir. Lorsque le sort de toute la planète se joue au milieu d'un jacuzzi ou d'une baignoire, il faut absolument aller voir ! Au Mégarama depuis le 16 janvier 2008.