Vendredi prochain, la session d'octobre du parlement entamera la dernière année de l'actuelle législature. Dans un contexte marqué par les errements du renouvellement du tiers de la deuxième chambre, l'enjeu de l'échéance des législatives de 2007 sera conditionné par la capacité à endiguer la corruption électorale et à conférer aux partis politiques plus de poids et de crédibilité démocratique. La session d'automne du parlement qui débutera vendredi prochain entamera le dernier exercice de l'actuelle législature. La vie politique va durant cette période être largement polarisée par l'échéance des élections législatives de septembre 2007. En dépit du scepticisme qui, depuis longtemps, accorde peu de crédit à cette consultation, il faut bien admettre toutefois que celle-ci est devenue un enjeu important dont les résultats ne sont plus, comme ce fut naguère le cas, prévus d'avance. Les supputations et pronostics sont des plus contradictoires et laissent une large marge de manœuvre aux acteurs politiques et de la place à de probables retournements de situation. Cette rentrée est dominée par l'ombre des affaires et en premier lieu celle des tractations ayant entaché l'élection du renouvellement du tiers de la deuxième chambre. Prenant l'allure d'un scandale, cette opération a entraîné la mise en examen de plusieurs conseillers et « grands » électeurs. Pour une fois c'est le ministère de l'intérieur qui sur la base de présomptions a engagé des poursuites. Ce qui a suscité nombre de commentaires sur ce « paradoxe » qui contraste vivement avec l'époque où ce furent les partis politiques d'opposition qui dénonçaient les falsifications électorales effectuées sous l'égide de ce ministère. Ce coup de semonce est de fait très gênant pour les partis politiques dont des candidats seraient compromis dans le marché aux voix. C'est ainsi que tant au sein de la Koutla que dans le Mouvement populaire et le RNI, des réactions ont cherché à minimiser le phénomène ou au contraire à suggérer qu'il était général et que de ce fait, il ne fallait pas opérer des poursuites sélectives. Certains ont même appelé à l'annulation pure et simple des résultats de cette consultation alors que le débat sur la deuxième chambre s'est amplifié en prenant un ton plus acerbe. Corruption électorale La mise à l'index des pratiques de corruption électorale a ainsi pris une tournure qui va sans doute marquer la prochaine consultation. Le pouvoir a ainsi voulu signifier une limite à la dégénérescence du jeu électoral qui risque de compromettre la validité du processus qu'il parraine. Il ne pouvait sur ce plan adopter une attitude moins exigeante que celle affichée en principe tant par les partis de la majorité que par le PJD et les mouvements de la gauche contestataire. Le danger de la corruption sans frein semble être pris assez au sérieux car il peut plus que jamais miner le champ politique au profit d'une tendance à l'abstention et aux surenchères des extrémistes, même si le PJD réalisait un grand score. Autant dire que sans une implication plus grande des partis politiques historiques et sans un minimum de mise à niveau des partis de notables (comme le Mouvement populaire et le RNI), le risque de voir l'isolement et la déficit de crédibilité de la classe politique s'aggraver n'est pas négligeable. Ceci d'autant plus que certains courants et une certaine presse au populisme primaire rivalisent de démagogie et d'invectives contre les partis, accusés d'être la cause de tous les maux du bon peuple et de n'abriter que des «profiteurs» et des «menteurs». Malgré leurs limites, les réformes entreprises et les mesures prises pour tenter d'assainir les rouages de l'Etat (où sévissent les réseaux de complicité avec les barons de la drogue), bousculent certains intérêts et situations acquises. Le risque d'une conjonction entre ces intérêts mis à mal et les divers conservatismes hostiles à la modernisation de la société et de l'Etat n'est pas à exclure. L'acharnement à vouloir non pas critiquer mais déconsidérer et saper les partis politiques prend ainsi des formes et des langages divers mais convergents. Il y a là un signe assez manifeste des résistances hostiles aux changements amorcés et qui ne saurait être sous-estimé du fait qu'il est couvert par les cris d'orfraie et les insultes d'une presse douteuse à l'adresse des partis et de leurs dirigeants. Comment concevoir une démocratie et une vie politique sans partis politiques ? Quelles que soient les insuffisances ou les erreurs de ces derniers, c'est là un postulat évident pour tous ceux qui sont attachés à une évolution démocratique du pays. Aussi l'un des facteurs essentiels de cette dernière est-il le renforcement de la substance, de l'impact et de la capacité de mobilisation de ces partis. Sans doute cela ne se décrète-t-il pas, sauf si l'on veut reconduire la logique qui, sous l'ancien règne, avait considéré les partis comme des relais servant à manipuler et à récupérer des élites et où l'autonomie politique était tenue pour suspecte et combattue. Plus d'autonomie L'actuelle législature a vu l'adoption de la loi sur les partis dont l'esprit vise, en principe, à rendre les partis plus crédibles, plus représentatifs et plus démocratiques, bref plus autonomes. Il est vrai que cette logique est restée en butte à des pesanteurs liées à la nature des partis, notamment ceux de notables, et à la laborieuse reconversion de l'USFP en parti de gouvernement. La nécessité pour celui-ci d'une gestion des compromis avec le pouvoir pour asseoir «la confiance» et cumuler un minimum d'acquis l'a, jusqu'ici, emporté. La phase qui s'ouvre avec cette dernière année de la législature va-t-elle conduire l'USFP et la Koutla à une attitude plus audacieuse, tant dans l'évaluation de l'expérience vécue depuis le premier gouvernement «d'alternance consensuelle» que dans la formulation du programme pour 2007 et des propositions solidement argumentées de révision de la constitution. Pour l'USFP une telle approche implique une réelle mutation interne que la campagne d'ouverture aux adhésions lancées actuellement pourrait amorcer ainsi que la suite qui serait donnée aux appels à plus de démocratie interne. Les autres partis de gauche sont aussi confrontés à ces mêmes questions. Quant au parti de l'Istiqlal il devra aussi veiller à limiter la sclérose de ses références et de son organisation ainsi qu'à étoffer et moderniser ses discours et propositions. L'enjeu des prochaines élections ne peut être réduit seulement à la poussée des islamistes du PJD (avec ou sans l'appui d'Al Adl Wal Ihsane). Plus importante est l'exigence d'une vivification des partis et du débat politiques qui leur conférerait plus de sens et d'impact auprès des différentes catégories sociales et socio-culturelles. C'est la coupure et le hiatus entre le vécu et les attentes de ces dernières et ces partis qui génèrent le vide où l'idéologie islamiste prospère ainsi que les divers nihilismes et les nostalgiques de l'autoritarisme. En cette fin de législature, beaucoup va se jouer sur la capacité à endiguer la corruption électorale et à conférer aux partis politiques plus de rigueur morale de ses membres, plus de substance et de maturité démocratiques. Autrement, la voie sera ouverte à tous les risques.