Un regard doucereux, une démarche langoureuse, un sourire “efféminé”, des gestes engageants, “les tics” des “hommes de trottoir” se font ressentir au-delà de 22h00 dans les coins des habitués à la chair masculine. Où végètent-ils? Comment racolent-ils? Qui sont leurs clients? “Ceux-là (...), ils sont de bas de gamme” nous confie un inspecteur de police en désignant les “hommes de joies” qui squattent le Jardin de la Ligue Arabe, se déhanchent aux alentours des boulevards Moulay Youssef et Rachidi. Les avenues Hassan IIet Mohammed V étant éclairées et fréquemment sillonnées, ils y rôdent en douce ou se calent dans les cafés du coin. Ils paradent dès le début de la soirée dans leurs coins familiers, affichant des sourires engageants. Généralement bien vêtus, ils s'organisent en groupe pour se protéger des malfrats et des clochards. Guettant dans l'ombre, le groupe offre aux passants le bel homme, un appât désigné surtout aux conducteurs qui ralentissent et emboîtent le pas au “prostitué” pour une petite partie à deux dans les alentours de la cathédrale ou sous les arbres du jardin. Vite fait, bien fait, “le coup” est expéditif et s'estime entre 30 à 100 DH. Entre temps, les autres membres du groupe s'emparent des affaires du client ou l'agressent. Quant aux clients prudents qui préfèrent un tour en voiture, ils s'offrent sodomie, fellation à bord de leur véhicule sur la côte, ou encore le luxe d'une surexcitation dans la cage d'escaliers de bâtiments délaissés ou isolés. Ces clients sont généralement bisexuels, qui ne peuvent pas assurer le gîte et optent pour un temps de liberté sans tracasseries. En effet, les habituels et les prudents évitent de “ramener” leur “compagne” à domicile ou dans leur garçonnière de peur d'être arnaqués, ou agressés, ou encore d'être victimes de chantages. Optant pour l'aventure, les clients retrouveront chaque soir un groupe différent de prostitués qui offrent non seulement virilité, mais les facettes les plus féminines “N'tiwa”, les travestis et les barbus. Tous les choix sont à la portée de toutes les bourses. Mais, les plus professionnels des “hommesde joie” constituent leurs carnets d'adresses, relancent leurs clients par téléphone ou se font “réservér” d'avance. Ils n'ont qu'à attendre dans un café ou rejoindre leurs clients à l'adresse habituelle. Ces prostitués visent haut et assurent ainsi leurs gains grâce au cellulaire. Outre ce moyen, le réseau se consolide par les “commissionnaires” à savoir les garçons de cafés, les barmans, les gérants des night-clubs. Que se soit au café de France, à l'Arizona, au P'tit Ramses ou encore au Village, les “Homosexuels prostitués” y trouvent leurs comptes. À partir de 19h30, des cafés se font la réputation de “carrefour de rencontre”. En étant “clean”, ils offrent une certaine sécurité au client “correct” à la recherche d'un “rut” : médiation et boissons en contrepartie, un généreux “Bakchich” et un large sourire de satisfaction. Le même “Topo” se fait dans les boîtes de nuit et restaurants classes, qui sont à l'écoute de vos moindres attentes tant que vous présentez vos billets. Quant aux hôtels, ils se font une joie de jouer aux aveugles. Qui va contester la présence de deux hommes dans la même chambre? D'ailleurs, les portiers,les concierges et les réceptionnistes reconnaissent les habituels touristes qui se démarquent par un court séjour en compagnie masculine. Le fil passe, “Bakchich” à l'appui et le touriste est servi. Il l'est surtout à Essaouira, Marrakech, Agadir et Fès. Quant à Casablanca, elle nourrit dans ses entrailles les fantasmes les plus fous, dans les rues à l'ombre des regards, ou sur un lit de fortune ou encore dans l'intimiste ambiance des Hammams. Tous les désirs sont permis à condition d'éviter “El wachema” (patrouille de sécurité) et les forces de l'ordre, surtout en plein acte... Témoignage Il a 23 ans, un teint mât, des cheveux noir ébène sillonnés de mèches blondes, de beaux traits et un regard doucereux. Bref, un bel homme. Rien de sa démarche ni de ses habits ne trahirait sa profession. Peut-être seriez-vous intrigués par des mains bien entretenues, une peau douce et quelques gestes de “familiarité féminine”, mais rien de susceptible. Son métier, il l'exerce dans l'ambiance intimiste des douches, où généralement les “hommes pudiques” s'y frottent et s'y masturbent à l'abri des regards, ou pour plus de tranquillité, massage et soins corporels compris..... De quoi envoyer aux “anges” les plus “frustrés”. Voici le récit d'un professionnel, commenté parfois par nos descriptions : “Tu veux savoir comment je procède ? Au bout de 7 ans dans le métier, on finit par se faire son propre réseau de clients. Ils ne sont généralement pas du quartier, mais ils sont néanmoins des habitués de deux Hammams (ceux que je fréquente).J'y vais trois à cinq fois par semaine, selon le client et selon les rendez-vous dénichés par le “Guelasse”. Ils sont généralement des hommes mariés qui préfèrent la sécurité assurée par le Hammam et en plus ils s'excitent avec la chaleur, le corps qui glisse, le petit massage-appéritif. Au fait la plupart veulent jouer à l'homme viril, qui prend l'initiative et te domine. Comme s'ils ont affaire à leurs femmes, sachant qu'une bonne majorité, mûre d'âge, n'aime pas le sexe féminin. Je connais les hommes, dans leurs petites têtes : sodomiser un homme et la même chose que sodomiser sa maîtresse, ou coucher avec sa femme (Il reprend un air ironique, tire une taffe, glisse sa langue sur ses lèvres....) Pédé ou «Zamel» dit-on, c'est un métier comme un autre. J'ai pris goût aux hommes quand j'étais à Aïn El Bourja, à la prison civile. On m'avait chopé pour consommation et vente de chite. J'ai écopé d'un an dans une cellule étroite et j'avais à l'époque 15 ans, un peu frais, rebelle, mais vite maté. J'ai connu des filles auparavant, mais bon. Certains prisonniers ont commencé par des attouchements “Tlmasse”, puis un soir ils m'ont dépucelé à trois. Non, je n'ai pas porté plainte (...) tu es au cachot, pas à Las Vegas. J'ai commencé à toucher de l'argent pour chaque “coup”. Des fois, j'étais payé en nature : nourriture, pull, cigarettes, un petit joint...Mais avant d'être libéré, j'avais mes petites économies et l'adresse d'un amoureux des hommes. Il faut dire que j'avais l'atout d'être frais et dispo à toutes les particularités et “Chawis” des clients. Un de mes clients avait proposé de me revoir dans une douche à “Sbatta”, où j'ai fait connaissance avec le “Guelasse”, très coopératif et qui ne refuse pas une partie masculine à deux. J'avais essayé un jour de me planter au jardin de la Ligue Arabe, le coin des habitués, mais j'étais seul et ça ne vaut pas la peine. Tu peux être repéré par “El wachema” (patrouille de police) et arrêté ou agressé par les clochards ou un groupe de dégénérés “Un coup” risqué pour 30 ou 50 balles !!! Il faut être vraiment en manque pour y aller. Moi, je me fais dans les 100 à 150 Dh et peinard. Je suis plus exclusif et plus nickel.”