Affable, il conçoit son cheminement public comme un sacerdoce. Il est nécessairement là où les rendez-vous importants de l'événementiel culturel sont donnés aux publics de notre pays. Surbooké, Fouad Souiba ? Plutôt surdoué, notre « foufou » national. Il s'apprête à investir le champ du long métrage après avoir démontré sa capacité à camper les contraintes du court. Interview. La Gazette du Maroc : Vous êtes un confrère reconnu pour la qualité de ses reportages à vocation culturelle et artistique. Mais vous êtes également un vrai mordu du cinéma puisque vous avez réalisé vous-même quelques courts métrages remarqués. Quelle est votre passion réelle ? Fouad Souiba : Ma passion réelle est la libre expression…Vous avez raison, je suis un mordu invétéré de l'image…Depuis toujours. J'ai toujours voulu faire soit une école de cinéma en Europe soit une école de journalisme…A l'époque, pour le cinéma, c'était l'IHDEC à Paris ou l'INSAS à Bruxelles, ou même ailleurs, mais la modestie des moyens ajoutée à la bureaucratie de notre administration au tout début des années quatre-vingt m'ont empêché d'exaucer ce vœu…qui est resté pieu…N'empêche: « les gens de la Mecque sont mieux au fait de ses intimes secrets », n'est-ce pas…Ce fut l'ISJ à Rabat pour une formation en journalisme de presse écrite et d'audiovisuel…l'ISJ, rebaptisée ISIC, est devenue aujourd'hui une très grande école de journalisme et de communication. Et bien l'ISJ était elle-même une espèce de club de cinéphiles ; le défunt Mohamed Reggab y enseignait. Quand j'y suis arrivé en 1982, il venait tout juste de quitter l'ISJ. Il mourut plus tard pour insuffisance pulmonaire après un incontournable "Coiffeur du quartier des pauvres". Mohamed Tazi B.A, était mon professeur d'expression visuelle, un cinéaste doublé d'un peintre, côté à l'époque à la bourse de New York. Abdellah Zerouali, autre cinéaste nous prodiguait des enseignements très pointus sur la photo. Idem pour Moulay Driss Jaïdi, qui a beaucoup plus de cordes à son arc qu'on puisse imaginer…Et puis une saison plus tard, le grand arrivage des grands maîtres du journalisme: des anciens de l'ISJ, égarés quelque temps en France et rentrés au bercail pour former: Ahmed Akhchichen, Jamal-Eddine Naji, Mohamed Belghouat, Mimoun Ibrahim, Mohamed Belghazi, Houcine Falaki, Abdelouahhab Errami, Azzeddine Mansouri, Latifa Akherbach et j'en passe. Dans cette belle pléiade, on reconnaît aujourd'hui de d'éminents chercheurs, de brillants scénaristes portés sur d'autres disciplines, des responsables de très grands organismes…Etc. Donc, comment éviter le cinéma quand on y est jusqu'au cou… LGM : Vous vous apprêtez à tourner deux courts métrages. De quoi s'agit-il ? F.S : C'est vrai que l'Internet, la presse écrite et la production télé m'ont un peu occupé ces trois dernières années, c'est-à-dire depuis la réalisation du court métrage "Dream Boy", mon premier pour le cinéma…mais, je m'étais donné un délai de trois années pour revenir au 35 mm…Cette semaine, ce rêve se réalise, surtout grâce à mon frère et ami Mohamed Miftah qui me finance en partie mes deux courts métrages:" Mia Derial" et "Il était une fois…". "Mia Derial" est une fiction qui raconte le quotidien d'un intellectuel qui passe un week-end sans un rond en dehors de 5 dirhams qu'il va dépenser pour voir un film au cinéma…Le reste c'est la faim, Marcel Khalifa et la poésie de Mahmoud Darwich…Ceci se passe en 1983, avant de rebondir sur le 14 août 2006… Le deuxième "Il était une fois…" est un documentaire/surprise… Personnellement, je trouve que le parent pauvre de la production audiovisuelle, au Maroc, de façon générale, est le documentaire…Tout le monde ou presque fait de la fiction… Il n'y a pas que ce genre…On a l'impression que celui qui n'en fait pas est considéré comme étant « moins cinéaste » que celui qui fait de la fiction…C'est faux, archi-faux…Nous avons un pays très riche, mais nous avons une mémoire visuelle trop pauvre pour prétendre mémoriser ne serait-ce qu'une infime partie de notre patrimoine socioculturel. Il y a cette donne, et il y a la nouvelle tangente prise par notre pays en cette ère nouvelle, où l'importance est pleinement accordée à la liberté d'expression…Je vais tenter de contribuer à l'illustration de ce tournant dans l'Histoire du Maroc en allant interroger les anciens détenus d'opinion sur leurs sensations d'être enfin libres, par rapport à leur statut d'anciens prisonniers politiques. LGM : Craignez-vous l'aventure du long métrage ? F.S : Tout nouveau palier de la création renferme son lot d'appréhension, de réflexion, de stress…Le souffle du long métrage est bien différent de celui du court métrage dont la difficulté réside essentiellement dans l'exercice consistant à livrer une idée originale dans un style particulièrement personnel…Le long métrage est censé raconter une histoire, mais en fonction d'autres ingrédients…Au fait, j'ai autant peur du court métrage que du long… LGM : Vous avez rejoint le ministère de la communication. En quoi le statut de fonctionnaire peut-il être passionnant sinon gratifiant pour le créatif que vous êtes ? F.S : Le fonctionnariat que j'exerce depuis une vingtaine d'années est d'abord un gagne-pain, ensuite c'est une école incontournable pour apprendre la gestion des dossiers et le management des gens…Le fait de pouvoir collaborer avec plusieurs responsables tout au long de ces années et de traiter autant de dossiers me donne aujourd'hui l'assurance d'être en avant-garde au niveau de l'organisation d'événements aussi importants que "La Nuit du Jamour", dont j'étais le délégué général, de contribuer à donner un esprit et une âme à des festivals de cinéma comme le Festival International du film des Femmes de Salé ou celui du cinéma maghrébin d'Oujda, de rechercher l'harmonie au sein des équipes auxquels j'ai appartenu dès leur création, sans parler de ma longue expérience dans des festivals qui ont disparu ou d'autres qui continuent d'exister et auxquels j'étais fier d'apporter ma contribution: Ciné-Jeunesse de Rabat, le Festival des Arts populaires de Marrakech…etc. L'expérience administrative me permet aussi de donner un coup de main à mes amis artistes pour monter leur propre structure de production qui nécessite de plus en plus de professionnalisme pour prétendre à l'efficience…Voilà, le fonctionnariat est plus une mission qu'une fonction…