Si le dernier discours prononcé par le chef de l'Etat syrien, Bachar al-Assad, comprenait pour les uns un «langage agressif», il a été considéré, en revanche, par d'autres comme un message selon lequel la Syrie est aujourd'hui, notamment après la victoire de son allié libanais, le Hezbollah, prête à négocier un accord avec Israël sur la base du principe de la «terre contre la paix», discuté lors de la Conférence de Madrid en 1991. L'Allemagne, la Grande-Bretagne, l'Espagne, le Qatar et la Turquie, sont apparemment les canaux d'intermédiation entre Damas et Tel-Aviv. Lors de sa visite à Paris la semaine dernière, le ministre israélien des Affaires étrangères, Tzipi Livni, a fait savoir à ses interlocuteurs français qu'il y a aujourd'hui une conviction au sein d'une grande partie de l'establishment israélien de relancer les négociations de paix avec la Syrie. C'est après que le chef de la diplomatie de l'Etat hébreu, devenue la bête noire du premier ministre, Ehud Olmert a découvert qu'un courant assez significatif situé à différents niveaux, appartenant à différentes tendances politiques, était pour cette reprise des négociations, qu'elle a pris l'initiative de nommer un spécialiste en la matière pour la mise en place des plans visant à relancer les négociations politiques avec Damas. Celui qui a été choisi pour cette mission, Yeeke Dayan, n'a pas trop tardé pour démarrer son travail. Effectivement, il rencontra le lendemain de sa nomination, le professeur, Eytman Rabinovitch, le président de l'équipe israélienne du temps de l'ancien premier ministre, Itzhac Rabin ; également, Ouri Sagui, qui occupait ce même poste à l'époque d'Ehud Barrak, où les négociations avec la Syrie avaient été arrêtées. «Toute guerre devra aboutir à un congrès qui discutera de la paix», disait le président syrien dans son discours prononcé devant les représentants des médias syriens. Même phrase ou presque a été répétée par le ministre israélien, Amir Péretz. Ce dernier déclara que : «toute guerre créera une occasion propice pour une nouvelle opération de paix dans la région». Dans ce contexte, rappelons qu' en pleine guerre ouverte au Liban, le ministre espagnol, Miguel Moratinos a visité Damas où il a rencontré Bachar al-Assad. Les médias espagnols avaient rapidement réagi en affirmant que le président syrien est «déterminé» à arriver à une paix juste et durable avec Israël. Le chef de la diplomatie espagnole n'a pas démenti cette information. Ses proches collaborateurs sont allés encore plus loin en indiquant qu'il était porteur d'un message de Péretz dans lequel il affirme que la Syrie devra savoir qu'elle a un «partenaire» dans les prochaines négociations. Cette partie de l'establishment israélien dont l'éventail s'élargit au fil des jours, plus particulièrement après la grogne grandissante de la population contre l'échec cuisant de l'actuel gouvernement et de la direction militaire auquel s'ajoutent les scandales des responsables qui ne cessent de monter à la surface, estime que le moment opportun pour relancer les négociations avec la Syrie est venu. Et, par là, il ne faut pas rater l'occasion comme cela a été le cas avec la frilosité à l'époque d'Ehud Barak. Les messages transmis par les intermédiaires qui avaient visité, discrètement et ouvertement, Damas, ces dernières semaines, laissent comprendre que la possibilité d'arriver à un accord avec Bachar al-Assad est désormais possible. Ceci, en dépit de la fermeté des propos affichés lors de son dernier discours. Dans ce contexte, beaucoup de responsables israéliens croient enfin que sans une solution avec la Syrie, il n'y aura jamais une paix avec le Liban ; d'autant que les doutes sur la capacité des forces de la FINUL et le refus de l'armée libanaise de confronter le Hezbollah au Sud Liban, rendent la Syrie incontournable dans tout ce qui concerne l'application de la résolution 1701. Le temps des anticipations Toutes les parties, arabe, israélienne, régionale et occidentale tentent d'investir les résultats de la guerre du Liban, chacun pour ses propres intérêts. Cela a été nettement remarqué avec les multiples initiatives prises par ces dernières. A cet égard, force est de souligner que le chef du gouvernement britannique, Tony Blair, a été le premier à anticiper sur ce sujet en dépéchant son conseiller, le lord Levy à Damas et à Tel-Aviv pour préparer le terrain à sa visite prévue dans les prochains jours à Riyad, au Caire, à Amman et bien entendu en Israël. Un des proches collaborateurs de Lord Levy, rencontré, vendredi dernier à Paris par le ministre qatari des Affaires étrangères, Hamad ben Jassem ben Jabr Al-Thani, a fait savoir que l'initiative britannique soutenue par les Etats-Unis porte sur deux principaux volets. D'une part la relance de la «Feuille de route», notamment après la mise en place d'un gouvernement palestinien d'union nationale et accoder quelques concessions à l'Autorité palestinienne telles que atténuer l'ampleur de la fermeture des points de passage, la reprise des aides des pays donateurs et la libération du soldat israélien enlevé contre celle des membres du gouvernement et des députés, en première phase. Opération qui sera suivie avant la fête d'Al-Fitr par une autre comprenant environ 200 prisonniers. Et, de l'autre, la tentative de réactiver le processus de négociation avec la Syrie en prouvant que l'Etat hébreu est prêt à rendre le plateau du Golan selon la majorité des conditions syriennes, y compris la présence dans le couloir du lac de Tabaraya, comme cela était avant l'occupation de 1967. La Grande-Bretagne et derrière elle Washington visent à travers l'initiative de Tony Blair à anticiper sur tous les autres acteurs et intermédiairess éventuels. L'administration américaine ne supporte pas de voir se reproduire le scénario de la visite d'Anouar al-Sadate à Al-Qods, même dans le sens inverse où l'on verra, cette fois, le Premier ministre israélien descendre de son avion à l'aéroport de Damas. De ce fait, la proposition que portera Blair dans ses valises lors de sa tournée moyen-orientale, se concentrera, à part le cadeau du Golan, sur les modalités portant sur l'éloignement de la Syrie de l'Iran. Et, par là, la transformer en «zone tampon» entre ce dernier et le Hezbollah au Sud-Liban. Pour le courant israélien qui fait probablement pression avec le consentement des alliés occidentaux sur le gouvernement de Tel-Aviv afin d'ouvrir les négociations avec Damas, cette initiative est une sorte d'anticipation sur une fuite en avant que pourrait entreprendre la Syrie après la victoire de la thèse de guérilla menée par le Hezbollah. Les propos utilisés dans l'interview accordée, mercredi dernier, à la télévision de Dubaï par le président syrien concernant l'ouverture du front du Golan si Israël, continue à l'occuper et refuse toujours de mettre fin à son annexion, sont clairs. Une position prise trop au sérieux par un grand nombre de dirigeants israéliens malgré les déclarations de certains généraux de l'armée la considérant comme «gonflée, inconcevable et comme étant un message adressé aux pays arabes qui ont peur de voir la région s'enflammer». Ces derniers estiment en plus que la Syrie qui a eu des réalisations sans aucune perte tente aujourd'hui d'en tirer profit sur le plan politique. Ce que ne devra pas, disent-ils, empêcher de lui octroyer cette récompense en acceptant de négocier à nouveau avec lui ; et, par là, rompre son isolement non seulement occidental mais aussi arabe. Quoi qu'il en soit, on craint à Tel-Aviv que la Syrie attende les résultats émanant des pourparlers en cours entre Téhéran et les pays occidentaux concernant le dossier nucléaire avant de prendre ses décisions de paix comme de guerre. Contacté par La Gazette du Maroc, le ministre syrien des Affaires étrangères, Walid al-Mouallem, a indiqué que «la Syrie est dans ses droits de mener comme elle le considère utile la bataille de libération du plateau du Golan» ; et d'ajouter : «ne nous sommes pas censé prendre l'autorisation de quiconque pour libérer notre terre». Allusion faite aux Etats arabes, notamment, l'Arabie Saoudite, l'Egypte et la Jordanie, qui avaient critiqué le Hezbollah de s'être aventuré en enlevant les deux soldats israéliens. Raison d'après eux de menacer la stabilité de la région. Dans ce contexte, les responsables égyptiens qui proposent à leur tour la médiation de leur pays malgré la tension verbale prédominant depuis le dernier discours de Bachar al-Assad, craignent que la Syrie ne surprenne tout le monde en rallumant le front du Golan, mettant ainsi tout le monde arabe devant le fait accompli. Parallèlement, l'axe tripartite arabe formé de Riyad, le Caire et Amman, voit de mauvais œil, la médiation qatarie ; notamment après la visite de son émir, cheikh Hamad Al-Thani, d'abord à Damas et ensuite à Beyrouth, voulant montrer qu'il est le premier et seul chef d'Etat arabe qui s'est rendu dans ce pays meurtri. Les questions des journalistes libanais au chef de l'Etat du Qatar et ses réponses concernant une médiation entre Israël et la Syrie, n'étaient pas trop convaincantes. Ce qui a été retenu de ces réponses, c'est que le président Assad lui a indiqué qu'il était toujours ouvert à des négociations de paix juste et durable, basée sur la libération des territoires arabes occupées. Même constat remarquée après la visite du ministre turc des Affaires étrangères, Abdullah Gül, dans la capitale syrienne. Ankara qui est à la recherche d'un rôle perdu dans la région, trouve à travers l'intermédiation entre la Syrie et Israël une forte chance pour le récupérer. Les Syriens qui connaissent parfaitement l'importance de la Turquie par rapport aux Etats-Unis et Israël, estiment que ce grand pays voisin pourrait arranger le deal et servir à aider à la libération du Golan Le liban, carte indispensable Les analystes politiques s'accordent à constater que Damas n'agira, dans un sens ou dans un autre, sans voir plus clair dans les choses, notamment après le redéploiement des nouvelles forces de la FINUL. Plus particulièrement si une partie de ces dernières va stationner à ses frontières. Ce qui est considèré comme étant en contradiction avec les articles de la résolution 1701. En guise d'anticipation sur une telle éventualité que le gouvernement libanais exclut catégoriquement, Damas a fait savoir qu'elle fermera ses frontières avec le Liban au cas où cette disposition de redéploiement des forces onusiennes sera prise. Cela dit, le Liban fera, le cas échéant, partie des nouveaux tiraillements régionaux dont l'ouverture du front du Golan sera alors envisagée. De plus, Damas avait déjà annoncé que du fait de ce redéploiement injustifié et illégal, elle n'aura plus aucune responsabilité de voisinage dans le combat des terroristes islamistes dont certains appartiennent à l'organisation d'Al-Qaïda. Un message clair adressé aussi bien au gouvernement libanais qu'aux forces multinationales si celles-ci tenteraient de franchir les lignes rouges. La date butoir du 31 août qui pourra renvoyer le dossier nucléaire devant le Conseil de sécurité, sera un tournant pour les dirigeants syriens qui devraient se positionner définitivement, soit pour la paix, soit pour une guerre de guérilla au Golan. Une course contre la montre est d'ores et déjà déclenchée.