Entreprise emblématique dans la région de l'Oriental, la Sonasid implantée à Nador ne cesse de se moderniser pour répondre à une demande de plus en plus forte. Son adossement à un leader mondial de l'industrie sidérurgique (Arcelor) devrait en conséquence lui permettre de consolider sa position et son développement sur le marché marocain et d'étudier la possibilité de constituer une base pour de futurs développements dans la région. Entretien. La Gazette du Maroc : Dans la région de l'Oriental, il y a une rupture de matériaux de construction. Que fait la Sonasid pour satisfaire les besoins de la demande de plus en plus importants ? Abdelouahab Ben Sari : L'année 2006 connaît un boom dans le secteur de la construction. Cette euphorie n'a jamais été observée dans le passé. Jusqu'à fin juin, la progression des ventes de la Sonasid en fer à béton et fils à machine a été supérieure de 14 % par rapport à la même période de l'année dernière. Durant cette période, les cimentiers ont eux aussi connu une croissance de 11 %. Pour répondre à cette forte demande, nous avons entamé une grande opération de modernisation de notre outil industriel. Nous avons dû arrêter le laminoir de Nador durant trois semaines, ce qui nous avait conduit à arrêter la production. Cette opération de modernisation a été menée pendant le mois de février 2006. Mais à partir de mars, avril et mai, le marché a connu une explosion surprenante. Cette montée de la demande a pris tout le monde de court. Malgré les investissements massifs entrepris par les cimentiers et les sidérurgistes dans leur secteur respectif, nous avons été surpris par la flambée de la demande. Nous gérons cette situation difficilement depuis quelques mois. Ceci dit, dès que la situation se calmera notamment pendant la période du Ramadan relative au dernier trimestre de l'année 2006, nous allons tout faire pour se donner une marge de manœuvre pour atteindre le plein emploi de notre capacité de production. Dans l'absolu, nous n'avons pas un problème de fond sur la capacité à produire. Par contre, il va falloir mettre quelques actions pour pouvoir produire beaucoup plus. La situation que nous avons vécue cette année pourra durer quelques années encore. Quelle est la part consommée en acier par la région de l'Oriental dans la consommation nationale globale ? A.B.S : Les parts consommées en acier par les provinces d'Oujda, Guercif et Nador totalisent en moyenne annuellement 200.000 tonnes. Cela représente 20 % de la consommation nationale. Pensez-vous disposer de moyens nécessaires pour répondre à une demande de plus en plus forte ? A.B.S : Le laminoir de Nador produit aujourd'hui 600 000 tonnes. Il peut passer à un million de tonnes. Nous avons des marges considérables moyennant des investissements additionnels qui peuvent s'étaler sur deux ans. Dans l'immédiat, nous avons besoin de mieux nous structurer pour pouvoir, dès l'année prochaine, faire face à une augmentation de 15 ou 20 % de la demande du marché. Au niveau de Nador et de Jorf Lasfar, nous avons les moyens nécessaires pour lever le défi. C'est une obligation. Notre priorité aujourd'hui est d'anticiper par rapport à la demande. Nous sommes conscients de la responsabilité qui est la nôtre pour ne pas livrer le marché aux importateurs de tout acabit. La contrebande en provenance de l'Algérie s'accapare une bonne part de marché. Cette situation ne vous inquiète-t-elle pas ou bien, vu les besoins immenses de la région en acier, tout le monde peut avoir sa part du gâteau ? A.B.S : La contrebande a fait des ravages en 2004 dans notre secteur. Notre réaction à ce phénomène a été immédiate et forte. Nous avons aussi salué les actions menées en 2005 et 2006 par les autorités de la région de l'Oriental. Lesquelles actions ont permis de freiner la contrebande. Le fer de la contrebande est surveillé aujourd'hui de très près. Des faibles quantités continuent de rentrer au Maroc. Pouvez-vous quantifier le ravage que vous cause la contrebande ? A.B.S : En 2004, le manque à gagner, nous l'avons estimé à 60 000 tonnes ; ce qui est considérable. Cette quantité n'est pas consommée dans la seule région de l'Oriental, elle a pris d'autres destinations comme Tanger et Agadir. Le produit de la contrebande est un matériau de qualité incertaine. D'ailleurs, ce fer à béton ne venait pas seulement d'Algérie, contrairement à une certaine idée reçue. Il provenait aussi d'Ukraine et de Russie. C'est un matériau qui n'est pas garanti par la traçabilité. Quel est le poids économique de la Sonasid dans la région de l'Oriental ? A.B.S : Le poids de Sonasid a été considérable pendant très longtemps dans la région de l'Oriental. Durant les années 80, on était une des quatre ou cinq principales industries présentes dans cette partie du Maroc. Il y avait notamment la Centrale thermique de Jerrada et les mines de Jerada. Aujourd'hui, je pense que cette localité est entrée dans une phase de développement structurante. La ville de Nador est déjà dotée d'infrastructures importantes (port en eau profonde, nouvel aéroport…). Notre poids reste important mais de façon relative eu égard aux autres entreprises qui prennent de plus en plus d'avantage. Normal, dans la mesure où la région est en train de se développer. La pauvreté et la précarité font partie des lots quotidiens des habitants de l'Oriental. Que fait Sonasid en tant qu'entreprise citoyenne ? A.B.S : D'abord par rapport à notre personnel, nous essayons d'être exemplaires. Nous avons une politique sociale active pour aider nos employés au niveau de la scolarité de leurs enfants, de leurs vacances ou de notre soutien dans l'accès aux hautes études. Le deuxième niveau de responsabilité que nous respectons est le soutien au Hilal, l'équipe de football de Nador. Cette assistance n'est pas récente. Elle date depuis très longtemps avec les résultats intéressants que l'on connaît. Nous sommes aussi en discussion avec les autorités de Nador pour nous impliquer dans un projet important à caractère social. Il s'agit de créer un centre, Dar Chabab, pour jeunes afin de leur offrir des opportunités pour apprendre d'autres langues, mais aussi pour les intéresser à l'outil informatique entre autres. Nous sommes intervenus dans le cadre de l'INDH pour financer les opérations d'eau potable et l'amélioration de mobilisation des ressources dans les petits villages de la région d'Al Hoceïma. Nous disposons d'un budget de 3 millions de dirhams qui, à travers la Fondation ONA, soutient des projets. C'est ainsi que Sonasid a été félicitée récemment par sa Majesté Mohammed VI pour avoir contribué à un projet d'Al Hoceïma destiné à la promotion de la femme à travers des centres d'écoute. Par ailleurs, cette année, nous apportons également notre soutien au premier Carnaval de l'Eau de Saïdia, du 26 au 29 juillet 2006. La ville abrite le plus grand bassin du Maroc (bassin du Moulouya) et comporte une zone naturelle protégée (Zone de Ras El Ma). Les retombées du Carnaval sur la sensibilisation autour de la question de la préservation de l'eau sont importantes. Nous avons également profité de cette occasion pour faire participer les enfants des collaborateurs du Site Nador dans la conception de leurs costumes. Ils défileront lors du défilé de clôture. A combien évaluez-vous le nombre d'emplois créés directement et indirectement par Sonasid ? A.B.S : Directement, nous employons 450 personnes qui travaillent dans le laminoir. Indirectement, je pense qu'entre le transport, la distribution, la sous-traitance, on peut compter 60 % de plus à ce chiffre-là. Pourriez-vous nous parler du partenariat entre Sonasid et Arcelor à la lumière du dernier développement entre Mittal Steel et Arcelor ? A.B.S : Nous sommes d'abord heureux de constater que nous sommes adossés à un leader mondial incontestable qui pèse 120 millions de tonnes. C'est pour nous une source de fierté et de reconnaissance pour notre savoir-faire. C'est aussi l'occasion pour Sonasid de profiter d'une grande expertise dans tous les domaines, notamment sur le plan industriel pour augmenter notre capacité de manière plus vite et plus efficiente. Sur le plan stratégique, notre objectif est de consolider, développer la position de la Sonasid sur le marché marocain, et de faire bénéficier du savoir-faire technologique et des compétences d'Arcelor dans le secteur des aciers longs carbones. Sur le plan commercial, Arcelor et Nouvelles Sociétés Industrielles (NSI) ont convenu d'étudier la possibilté pour Sonasid de constituer une plate-forme pour de futurs développements dans la région du Maghreb et de l'Afrique de l'Ouest.