Le gouvernement israélien a clairement menacé de pousser l'actuel bras de fer avec les Palestiniens au bout du gouffre d'une crise régionale et internationale. Ceci, en visant la Syrie et le principal dirigeant du Hamas, Khaled Mechaâl, résident chez elle. Les rapports émanant de plusieurs sources israéliennes concordantes affirment que le chef d'état-major israélien a présenté au gouvernement d'Ehud Olmert un plan détaillé portant sur la mise en place d'une «guerre d'usure» contre les Palestiniens. Celle-ci pourrait durer plusieurs mois. Cela, mis à part les résultats des négociations pour libérer le soldat prisonnier. L'objectif demeurant ainsi, la destitution du Hamas. Ces mêmes rapports indiquent que le plan en question opte pour faire monter progressivement la tension. Ce qui aboutira à la création d'une nouvelle donne sécuritaire régionale. Le principal objectif d'un tel plan consiste à dissuader les organisations palestiniennes afin qu'elles s'abstiennent à oser d'autres enlèvements. Pour cette raison, les opérations militaires comprendront des invasions terrestres de la bande de Gaza, des arrestations, accompagnées de frappes aériennes, de bombardements des chars, et la poursuite des leaders du Hamas. Tous les messages que le gouvernement israélien a fait passer par les médiateurs étrangers, égyptien, jordanien, qatari, russe, turc et même norvégien, s'accordent à dire que si le soldat n'est pas rendu, cet acte coûtera au mouvement islamique un prix très cher qui lui fera perdre son autorité. Tel-Aviv attend maintenant avec impatience un faux pas «tragique» de la part de Hamas, comme, par exemple, tuer le soldat enlevé, pour procéder à un changement stratégique de la confrontation avec le gouvernement d'Ismael Haniyeh. Le ministre israélien des Affaires étrangères avait déjà dit à son homologue russe lors de leur rencontre la semaine dernière à Moscou, que l'Etat hébreu veut, non seulement récupérer le soldat et arrêter les missiles Al-Qassam, mais contrecarrer le gouvernement du Hamas. Car, il faut que les Palestiniens comprennent qu'ils doivent choisir une direction responsable prête à négocier. En tout état de cause, force est de souligner que le Premier minitre, Ehud Olmert et son ministre des Affaires étrangères, Amir Piretz, préparent d'ores et déjà l'opinion publique israélienne à une guerre d'usure contre les Palestiniens. Mais, en même temps, certains généraux de l'armée, ne cachent pas leurs craintes vis-à-vis des éventuelles attaques tentées par les brigades armées des différentes organisations palestiniennes contre des cibles stratégiques au sud et au centre d'Israël telles que les grandes centrales nucléaires du pays. Notamment, après le lancement d'un missile Al-Qassam dont la portée était de 20 km. Les militaires israéliens sont mieux Placés que les politiques pour savoir que les palestiniens ont réussi à améliorer leurs capacités de «dissuasion». Ce qui permettra de créer un déséquilibre minime certes au niveau des rapports de force. Mais, il imposera un nouveau style dans la gestion de la lutte, au moins pour un certain temps. En effet, le soldat prisonnier est devenu une ligne de démarcation empêchant l'armée israélienne de la franchir. De ce fait, malgré les bombardements et les 28 martyres jusqu'au soir du vendredi dernier, le degré de la peur des Palestiniens à Gaza a nettement diminué. De plus, on ne parle plus de l'inévitable confrontation entre le Fath et Hamas. Dans cette foulée, les menaces israéliennes se multiplient. Cependant, elles sont considérées comme étant des instruments d'une guerre psychologique menée par Olmert et son gouvernement. Tous les deux incapables d'aller plus loin dans l'exécution des plans militaires de terre brûlée pour récupérer le soldat enlevé que l'Etat hébreu a mis au niveau de symbole national. Ce, après que des voix se sont élevées pour rappeler le sort toujours inconnu du pilote, Ron Arad. Missiles contre prisonniers Nous remarquons qu'au fil des jours le gouvernement d'Olmert est dans l'incapacité d'envahir totalement la bande de Gaza. Il ne pourra supporter, au cas d'un échec, la mort de ce soldat franco-israélien. En même temps, il ne pourra plus reculer ni céder sur les pressions militaires et politiques qu'il avait déclenché depuis l'opération de Kerm Chalom. Le plus délicat dans tout cela, c'est qu'il serait difficile pour le Premier ministre israélien de prendre une position considérant que le soldat prisonnier est mort sur le terrain. Et, par là, mener une vaste attaque contre Gaza et la Cisjordanie. Toutefois, force est de souligner que toute agression israélienne en dehors de son territoire montre que l'Etat hébreu est devenu à son tour un otage. Ce qui libèrera les Palestiniens de l'intérieur comme de l'extérieur de beaucoup de leurs engagements. En dépit des pressions militaires et leurs conséquences, la bande de Gaza est relativement bien défendue jusqu'à présent. Ce, tant que le soldat prisonnier est entre de bonnes mains et toujours en vie. Et tant qu'Israel le considère comme étant un symbole de son honneur et de sa place régionale et internationale. Le vendredi dernier, le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a soudainement demandé d'arrêter le lancement des missiles. Les proches collaborateurs de ce dernier affirment que Tel-Aviv aurait proposé de libérer des groupes de prisonniers palestiniens ; et, se retirer des régions qui ont été occupées à nouveau au nord de Gaza. Ce, à condition que les différentes factions de résistance s'engagent à apaiser la situation. Jusqu'à cette date, la résistante n'a pas donné sa réponse. Elle continue, en revanche, à envoyer ses missiles. Tout simplement parce qu'elle n'a pas confiance, d'une part dans les offres israéliennes ; et, de l'autre, parce qu'elle voulait venger les 40 martyres de Beït Lahya. Les Palestiniens ne se font pas d'illusions. Ils reconnaissent que la confrontation militaire classique sur le terrain est inégale. Pis encore, ils sont conscients que les «frères» arabes ne feront rien pour les défendre contre la machine de guerre israélienne après qu'ils les avaient lâchés lorsque le gouvernement israélien a voulu les affamer. Ce qui perturbe Ehud Olmert maintenant c'est cette nouvelle détermination des résistants palestiniens, qui non seulement n'écoutent plus les politiques, mais ont changé de tactique qui ressemble à celle du Hezbollah au Liban. En réalité, le Premier ministre israélien et son ministre de la Défense sont actuellement pris au piège de la simple équation suivante : marquer des points face à Hamas. Ce qui implique d'exercer plus de pressions sur les habitants de Gaza. Ces derniers écoutent aujourd'hui le mouvement islamique alors que les pressions d'Israël finiront, malgré les tergiversations actuelles, par provoquer la communauté internationale ; et, par là, arracher tout alibi ou légitimité d'attaque de la part de Tsahal. L'armée israélienne se prépare pour une crise qui durera de longues semaines. Personne à Tel-Aviv ne sait jusqu'où pourra aller Hamas dans sa résistance ; moins encore son point fatal qui le contraindra à céder. Les politiques continueront à manœuvrer et l'armée à bombarder et tuer. Les dirigeants du Hamas, le pur et dur Khaled Mechaâl, en premier, mesurent très bien les répercussions négatives de l'enlèvement du soldat sur eux. Mais, ils estiment, parallèlement, qu'Israel n'a pas la patience de tenir très longtemps ; d'autant qu'il n'a pas la capacité de supporter une telle situation tendue et meurtrière. Notamment après que les missiles Al-Qassam commencent à toucher des points stratégiques. Hamas est presque certain qu'il finira par dicter ses conditions et libérer les prisonniers selon la liste qu'elle avait transmise par le biais des Egyptiens. Pour la première fois en Palestine, les dirigeants israéliens réalisent qu'ils ne pourront abuser de tout le temps et l'énergie des autres dans le monde pour sauver l'honneur de leur armée. Mechaâl s'impose Malgré les barrières placées depuis les dernières élections législatives par les ténors du Fath, Mahmoud Abbas, en tête, pour éloigner Khaled Mechaâl de la scène, ce dernier trouvait toujours les moyens de s'imposer. Dernier exemple en date, cette grande épreuve face à Israël et son armée. Le leader du Hamas résident à Damas a, dès la première heure qui avait suivi l'enlèvement du soldat, pris les choses en main. On apprend de source qatarie proche du dossier, que la majorité des propositions faites soit par le gouvernement Olmert, soit par les médiateurs arabes et étrangers, atterrissaient chez Mechaâl. La liste des prisonniers palestiniens à libérer est sortie des bureaux de ce dernier à Damas. C'est pour cette raison que les Israéliens et les Américains, par la voix de leur représentant au Conseil de sécurité, John Bolton, ont accusé la Syrie d'être derrière cette idée. Et lui ont demandé de chasser Mechaâl de son territoitre si elle veut que les choses s'améliorent. Damas a rejeté cette proposition. La réponse a été la visite de cheikh Hassan Nasrallah, jeudi dernier dans la capitale syrienne pour serrer la main à Mechaâl et lui apprendre qu'il ne sera pas seul dans ce défi qui devra humilier l'armée et le gouvernement israéliens. Ce qu'avait proposé le leader du Hamas, consiste essentiellement à revenir à la case départ : un cessez-le feu. Pour y arriver, il faut que chaque partie fasse des pas en avant selon un échéancier. Cela veut dire arrêter un accord entre deux Etats. Ce que Tel-Aviv a horreur d'entendre jusqu'ici. Quoi qu'il en soit, Israël ne pourra plus exploiter l'enlèvement de son soldat pour faire destituer le pouvoir du Hamas. Il est maintenant trop tard. Car au cas où l'armée israélienne entre à Gaza, commet de nouveaux massacres, les dirigeants du Fath quitteront le pays. Personne ne pourra cautionner la liquidation d'un gouvernement élu démocratiquement. D'autre part, l'arrestation des ministres et des députés du Hamas n'a fait que durcir les positions et mobiliser la population autour du mouvement islamique. A l'heure où ce papier est en train d'être rédigé, différents scénariis pour sortir de la crise sont discutés. Parmi eux, un marché de package portant sur la libération des prisonniers, et le déclenchement d'une guerre d'usure contre la population civile. Aussi, le scénario allant jusqu'à tuer Mechaâl à Damas. Tout cela alors que le secrétaire de La Ligue Arabe, Amr Moussa, se rend à Damas dimanche soir pour entamer des discussions aussi bien avec les responsables syriens qu'avec les dirigeants du Hamas pour trouver une «solution arabe» de la crise. Dans ce même ordre de rechercher une sortie de la crise qui sauvera la face d'Israël, on apprend que Ahmed Daoud Oglo, le plus important conseiller du Premier ministre turc, Reçep Taïeb Erdogan, s'est rendu la semaine dernière à Damas où il a rencontré le président Bachar al-Assad et son ministre des Affaires étrangères, Walid al-Mouallem. Ce dernier rencontrera prochainement le chef de l'Exécutif turc à Téhéran dans le cadre de la rencontre des pays voisins de l'Irak. Tel-Aviv n'a pas cette fois les mains trop libres. Pour preuve, sa demande de médiation de presque tout le monde y compris les Etats-Unis dont le secrétaire d'Etat, Condoleeza Rice aurait sollicité les Turcs. Elle est allée jusqu'à proposer à son interlocuteur Erdogan d'abriter Mechaâl chez lui pour l'éloigner de l'influence de Damas, dit-on.