Ce qui se passe au Proche-Orient a inspiré à notre confrère Claude Moniquet, président de l'ESISC (European Strategic Intelligence and Security Center), cette analyse. En voici quelques extraits. On aurait tort de ne voir dans la guerre qui semble peu à peu s'installer au Proche-Orient qu'une simple «opération de police» de l'armée israélienne, ayant pour but de récupérer ses otages. Car il s'agit bel et bien d'un conflit régional, qui risque de dégénérer et de pousser le Proche-Orient vers une nouvelle guerre. Pour le plus grand bénéfice de l'Iran et de la Syrie: derrière le Hamas comme le Hezbollah, c'est en effet Damas et surtout Téhéran qui sont à la manœuvre. Certes, on ne niera pas qu'il y a, au moins pour le versant « Hamas » de la crise, une explication locale à l'escalade des derniers jours. Moins de six mois après les élections qui ont porté le Hamas au pouvoir – pour cause, rappelons-le, de corruption généralisée du Fatah –son expérience était en train d'échouer. Le gouvernement était isolé, au plan international, les fonctionnaires ne pouvaient être payés qu'au lance-pierres et des affrontements fratricides entre Fatah et Hamas amenaient les territoires sous Autorité palestinienne au bord de la guerre civile. Dans cette situation, le gouvernement Haniyeh avait entamé une très timide évolution qui aurait pu l'amener à reconnaître, au moins de fait, l'Etat hébreu – l'une des conditions posées par la communauté internationale pour accepter de dialoguer avec lui. Pour l'aile la plus dure du Hamas, celle qui suit aveuglément les ordres dispensés depuis la Syrie par Khaled Mechaâl, il était nécessaire de reprendre la main. Déclencher une opération qui ne pouvait aboutir qu'à une forte réaction israélienne était donc de bonne tactique. De là à penser que cette motivation locale était la seule, il y a un pas que nous ne franchirons pas : Mechaâl, précisément, est réfugié en Syrie et est étroitement dépendant du régime Assad comme il est proche des mollahs iraniens. Or, l'embrassement sert à la fois la Syrie et l'Iran. Dans le cas du Hezbollah, les choses sont encore plus claires. Seule la fiction politique qui règne en maîtresse à Beyrouth depuis la fin de la guerre dite «civile» (et qui n'eut rien d'une guerre «civile», puisqu'elle fut déclenchée et entretenue par le Fatah et par Damas) permet à cette organisation terroriste de se parer du titre de «Résistance nationale». C'est à ce titre que le Hezbollah fut la seule milice à être autorisée à garder ses armes et à participer à la vie politique après la fin de la guerre «civile» ; depuis septembre 2004, il défie l'ONU qui a exigé le désarmement de toutes les forces non étatiques au Liban. Le Hezbollah n'a rien à voir avec une quelconque «résistance nationale». Quelle que soit la réalité de son implantation locale dans le sud du pays et dans les banlieues pauvres de Beyrouth (une implantation qui s'explique en grande partie, comme toujours avec les islamistes, par les carences sociales de l'Etat), le Hezbollah n'a jamais été et ne demeure à ce jour qu'un simple instrument de la politique de Téhéran, et dans une moindre mesure, un outil de Damas destiné à maintenir le Liban sous pression. (…) Mais nul ne doit imaginer ne fut-ce même qu'une seconde qu'il en va de même lorsque cette organisation déclenche une opération d'intrusion en Israël, tue trois soldats et en enlève deux autres. Par son ampleur, cette action ne pouvait qu'entraîner une riposte décidée et massive d'Israël. Elle n'a pu être décidée qu'à Téhéran et à Damas. L'Iran, en effet, a tout intérêt à détourner l'attention du monde de la crise qui entoure son programme nucléaire. Quant à la Syrie, c'est peu dire que tout ce qui déstabilisera le Liban est bon à prendre pour elle, surtout depuis l'assassinat de Rafic Hariri. (…) • Par Claude Moniquet Président de l'ESISC