S'il est une ville marocaine où la solidarité peut avoir un sens, c'est bien Marrakech. Invités à descendre de la montagne, les premiers habitants de la ville durent recourir à des trésors d'« attakaful » (entraide) pour bâtir et faire prospérer ce carrefour du commerce caravanier qu'était Marrakech. Ceux, Sahariens, Subsahariens, Andalous, Arabisés des plaines et du littoral, qui ont rejoint les berbères, ont vite compris que l'expansion territoriale et économique de la ville ocre passait par une entente organique entre tous les segments de la société marrakchie. Aujourd'hui, la cité almoravide peut s'enorgueillir de compter pas moins d'un millier d'associations de droit et de fait. C'est d'ailleurs la seule ville marocaine qui peut se targuer d'une parfaite organisation des professions artisanales et commerciales. Ici, l' «amine» d'une activité détient un véritable mandat de représentation de sa profession. De plus, la tradition des anciens élèves est encore vivace. D'une manière générale, le mouvement associatif qui s'est amplifié depuis quelques années, n'a eu aucun mal à camper l'ensemble des préoccupations sociales, économiques, culturelles, cultuelles et sportives. Un exemple édifiant nous est offert par l'association «Grand Atlas». Née à l'instigation de feu Hassan II, en même temps qu'une dizaine d'autres, sous le label du développement régional, cette association est toujours active, ce qui n'est plus le cas de ses semblables. Il est réjouissant de voir comment le tissu associatif a accompagné le décollage économique de la Ville en travaillant en amont du flux entrepreneurial et en concertation avec les autorités et les élus. La société civile marrakchie a intégré rapidement les nouvelles normes de bonne gouvernance édictées par le Souverain. Qui mieux que le président de l'Association des Œuvres Sociales des Fonctionnaires de la Préfecture de Marrakech (AOSFPM) peut édifier nos lecteurs sur la vivacité du tissu associatif marrakchi ? Cadre de la division économique et sociale de la wilaya et, à ce titre, placé aux premières loges du développement social de la Région, Abdelwahab Al Azadi nous livre une photographie contextuelle du dynamisme associatif de la sa bonne ville. De plus, il appartient à une famille marrakchie de souche qui compte un nombre impressionnant d'animateurs associatifs : une sœur (Rachida) qui préside une grande association de parents d'élèves (voir la Gazette du Maroc du 5/6/2006), un frère (Abdeljalil) qui préside l'antenne marrakchie de l'Union des Ecrivains du Maroc, un oncle comédien qui n'est autre que le fameux Mehdi El Azadi. Abdelwahab nous a accordé l'interview que voici. La Gazette du Maroc : L'observateur est étonné par la vivacité et la variété impressionnantes du tissu associatif dans la région de Marrakech. Quels sont les facteurs objectifs qui ont été à la base d'un tel déploiement de la société civile ? Abdelwahab El Azadi : Cette dynamique s'inscrit avant tout dans le contexte général de la gouvernance du Royaume. En effet, les défis de la mondialisation, la redéfinition en cours du rôle même de l'Etat et la libération des énergies concourent à la floraison du tissu associatif. Mais il y a également des facteurs endogènes qui ont commandé cette floraison. Les citoyens de la Région ont compris depuis belle lurette l'intérêt que représente l'action associative. Chacun sait, par exemple, que le tissu associatif a joué un rôle de premier plan dans la résurrection du tourisme, de l'artisanat et de la promotion immobilière après le «tunnel» des années 90 du siècle écoulé. Les exemples du «Grand Atlas» et de l'association Essaouira-Mogador offrent la preuve de la validité du volontarisme porté par les associations. Aujourd'hui, les associations ont investi des domaines aussi stratégiques que la démocratie, les droits de l'homme, la tranquillité publique, l'environnement, le développement durable…etc. Une indication peut nous renseigner sur l'extrême importance des structures intermédiaires que sont les associations : En 2005, notre pays est devenu l'un des trois premiers pourvoyeurs de micro-crédits dans le monde. Avec le développement de la copropriété, Marrakech connaît l'une des plus grandes concentrations d'associations de quartiers et autres amicales de lotissements. Je voudrais également vous signaler le fait que la restructuration et la redynamisation urbaines entreprises à Marrakech ne pouvaient se dérouler sans que les associations n'aient simultanément entrepris de combattre la grande pauvreté, l'analphabétisme, le commerce et la maltraitance des êtres humains et l'exclusion. Ce sont des dizaines d'associations qui s'occupent actuellement des enfants de la rue, des femmes abandonnées, des mères célibataires…etc. Sur un autre plan, il n'est guère inutile de constater la dynamisation extraordinaire du tissu associatif que procure l'Initiative Nationale de Développement humain initiée l'année dernière par notre Souverain. Les associations qui s'impliquent aujourd'hui dans le développement humain ne se comptent plus. A Marrakech, il s'en crée cinq à six par jour. C'est dire la primauté du rôle dévolue de nos jours aux associations quant au développement économique, social et culturel. Qu'est-ce qui vous a amené à vous investir vous-même dans le travail associatif ? En ma qualité de cadre officiant au sein d'une entité territoriale, j'ai longtemps constaté un certain décalage entre une administration qui, malgré quelques carences inhérentes à l'héritage, désire bien faire, mais manque souvent de flexibilité et d'adaptation aux aspirations pressantes de la population. Il était donc urgent de développer l'interfaçage entre elle et la réalité quotidienne des citoyens. Sa Majesté Mohamed VI nous a montré le chemin en procédant, alors qu'il était encore Prince héritier, à l'éclosion d'une panoplie d'outils associatifs à vocation tant caritative qu'insertionnelle, notamment par l'économique. Nous ne pouvions échapper à notre devoir de citoyenneté agissante. L'appel de la modernité s'apparente, pour nous, au militantisme authentique pour une société prospère et plus juste. L'association que je préside représente précisément l'atout central de tout développement régional, à savoir les ressources humaines. Nous oeuvrons chaque jour à la moralisation de l'administration sans jouer aux procureurs, par le biais du dialogue et de la persuasion. Car, pour nous, la bonne gouvernance ne peut être assimilée à une vue de l'esprit. Nous nous inscrivons donc dans la dynamique réformiste initiée et consolidée par Sa Majesté le Roi. En contrepartie de notre engagement, nous sommes écoutés par les autorités aux chapitres de la préservation de la dignité de nos retraités, des loisirs de nos enfants, de la primauté de la culture et du sport…etc. Quelles sont les mesures qui vous semblent nécessaires à une plus grande dynamisation du tissu associatif dans la Région ? Avant tout, la conscience générale du fait que l'Etat ne peut à lui seul porter le poids du développement économique et social. L'être humain n'accepte jamais qu'on le rende heureux malgré lui. L'ex-URSS en a payé de son existence même. La proximité est la clé de l'efficience. Sa Majesté en a fait un impératif désormais incontournable.