Scandale en France : un député alerte la justice sur des soupçons d'extorsion liés à la certification halal, l'Algérie ouvertement accusée    Marocanité du Sahara : Le rétropédalage d'un haut responsable palestinien    LdC : Liverpool et l'Atlético assurent, le Barca revient de loin    Une campagne désavouée !    Après El Guerguerate, le Maroc va ouvrir un nouveau passage avec la Mauritanie    Maroc-Espagne : Une alliance exemplaire portée par des échanges records et une vision partagée    La Bourse de Casablanca termine en baisse    Province d'Essaouira: Hausse de 8% des nuitées dans les EHTC en 2024    Conseil de gouvernement : L'organisation judiciaire au menu de la prochaine réunion    Le Président Joseph Aoun exige le retrait de Tsahal du sud du Liban    Donald Trump : Sera-t-il un grand président ?    Canada: Trudeau promet une riposte « robuste » si les Etats-Unis imposent des droits de douane    L'Algérie sur le point de devenir le premier acheteur africain du Su-57 russe, ce qui pourrait l'exposer à de possibles sanctions américaines    Le ministère de l'Education acte la seconde tranche d'augmentation pour les enseignants    Rallye Dakar 2025. Ford Performance sur le podium    Le Difaa Hassani d'El Jadida se sépare à l'amiable de Zakaria Aboub    Abandon scolaire : un défi territorial aux enjeux multiples    EU excludes Sahara in Morocco aviation agreement    United States : Morocco welcomes Trump's inauguration    Marco Rubio, a Morocco ally, takes command of US diplomacy    Zakia Driouich évoque pour la première fois les spéculations sur le prix de la sardine    Maroc : les pétroliers ne répercutent pas pleinement la baisse des coûts d'achat sur les prix de vente, accuse le Conseil de la concurrence    ENIM Bénévolat organise sa Caravane Humanitaire dans la Province d'Al Haouz    Inauguration à Agadir d'une annexe de l'Institut national des beaux-arts    Publication de dix enregistrements de marques déposées auprès de l'OMPIC    Le projet de loi vise à immuniser contre toute tentative d'usurpation    Les défis de la structuration du secteur artistique et l'accès aux droits économiques et sociaux fondamentaux    Kalam, le magazine des cultures du Maroc pour les enfants marocains du monde [Interview]    « Reflet » : Le tout premier spectacle de Meryem Benoua au Maroc, une comédie inédite signée Tendansia, à découvrir en février    Donald Trump. A peine investi, il sort de l'OMS et de l'accord de Paris    Le projet de loi relatif au code des juridictions financières approuvé    Hammouchi reçoit l'Inspecteur général par intérim de la police du Pakistan    Irrigation : Lancement d'un programme pour soutenir la transition vers l'énergie solaire    Les Verts annoncent la date de la démission du bureau directeur !    Info en images. Mobilisation globale contre la vague de froid    Quart de finale. CCAF/ Constantine-RSB, possible remake de l'affaire 'RSB-USMA' !    LDC: Ayoub El Khayati sur le podium des ''Meilleurs '' !    Tirage de la CAN Maroc 25 / J-6 : Les chapeaux ?    Arabie Saoudite : Yassine Bounou remporte le prix du meilleur arrêt    Hausse du prix de la sardine: le gouvernement appelle à lutter contre les spéculations    Gasoil et Essence : la capacité de stockage s'élève à 1,56 MT    Bensaid annonce la généralisation des services "Pass Jeunes" à l'échelle nationale (Vidéo)    ONU: Le Maroc appelle au respect du cessez-le-feu à Gaza, espère le lancement d'un vrai processus de paix au Moyen-Orient    Pourquoi Biden n'est-il pas revenu sur la reconnaissance par Trump de la souveraineté du Maroc sur le Sahara ?    Marco Rubio, bête noire de l'Algérie, confirmé par le Sénat américain au poste de Secrétaire d'Etat    Le premier vol Royal Air Maroc s'est envolé lundi pour Pékin    Mme Seghrouchni: 2.373 agents amazighophones déployés à fin 2025    À Agadir, la nouvelle usine du groupe de câblage automobile Leoni inaugurée, 230 millions de dirhams mobilisés    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Obscurantismes : Le syndrome du Tsunami
Publié dans La Gazette du Maroc le 29 - 05 - 2006

L'étrange écho qu'a eu au Maroc seulement la mystification du tsunami du 25 mai est révélateur d'un état d'esprit, toujours plus réceptif aux poussées d'obscurantismes.
Traduction des angoisses d'une société aux prises avec sa difficile mutation, il rappelle la primauté de l'effort d'intégration sociale et de renouveau culturel si on ne veut pas se résigner à la fatalité de la régression...
Etrange coïncidence : alors que l'académie des sciences et des techniques venait d'être installée par le roi à Agadir, une rumeur n'a cessé de s'amplifier au cours de la semaine écoulée à propos d'un gigantesque tsunami qui devait submerger le littoral atlantique marocain jeudi 25 mai dernier.
Ce parallèle, même dû au hasard, ne manque pas d'être révélateur. La nécessité de promouvoir les sciences et les techniques, apparaît plus cruciale que jamais dans un contexte où l'accumulation des échecs et des déficits sociaux et culturels n'a cessé de favoriser la régression vers diverses formes de superstitions et d'obscurantisme.
Depuis quelques semaines, était apparue sur Internet une « prévision » d'un ex-aviateur français du nom d'Eric Julien qui s'était déjà signalé par des récits fumeux sur ses rencontres avec des extra-terrestres. Alors que personne n'avait accordé le moindre intérêt à ses élucubrations, c'est au Maroc que sa dernière trouvaille a provoqué un petit vent de panique. Un fragment de météore allait, selon lui, tomber dans l'océan atlantique et occasionner un tsunami qui allait raser les côtes, est-américaines et ouest-africaines.
Cette nouvelle apocalyptique fut répercutée par plusieurs internautes, avec des variantes plus détaillées indiquant les villes et régions du Maroc qui seraient englouties et même l'heure précise du cataclysme. La rumeur s'amplifiant, elle a été reprise par les journaux et jusque par la chaîne Al Jazeera le lundi 22 mai.
Le changement intervenu en début de semaine dans la météo a été aussitôt interprété comme un signe et un nombre grandissant de personnes ont commencé à scruter les mouvements de l'océan sinon à prendre leurs dispositions pour quitter le littoral avant le jeudi fatidique.
Ni les autorités ni les grands médias audio-visuels n'ont jugé nécessaire de démentir une fable aussi sinistre. Seul un communiqué des services météorologiques est venu indiquer que nulle prévision sortant de l'ordinaire n'était à signaler et que les centres les plus spécialisés comme la Nasa n'ont rien observé d'inquiétant dans la trajectoire de la comète.
Succès d'un canular
Pourquoi la prédiction farfelue d'Eric Julien a-t-elle pu susciter un écho, inespéré pour son auteur, seulement au Maroc? Un quotidien a même rapporté que les tracts auraient circulé affirmant que le tsunami de la fin du monde allait venir en punition des turpitudes de nos contemporains.
Il faut rappeler que déjà le tsunami, bien réel celui-là, qui avait frappé les rives asiatiques de l'océan indien en 2004 avait donné lieu à un délire d'interprétation, jusque dans le journal islamiste « Attajdid », selon lequel le cataclysme était une punition divine des débauches engendrées par le tourisme. Déjà à ce moment certains prédisaient un sort analogue au Maroc. Tout en tenant compte de l'effet amplificateur des médias modernes (télés satellitaires, Internet), on peut ici mesurer le degré de perméabilité de larges franges de la société marocaine aux diverses formes d'obscurantisme.
Ceci traduit une fragilité qui n'a cessé, au cours des dernières décennies, de marquer les perceptions et les imaginaires dans une société en proie à la perte de ses anciens repères et à la paupérisation alors que l'enseignement est en faillite déclarée.
Le « canular » du tsunami de jeudi dernier en est bien l'illustration. Que montre-t-il ?
Tout d'abord il y a le présupposé selon lequel les phénomènes naturels ne sont que l'expression d'une intention supérieure visant le plus souvent à punir les hommes pour leurs péchés. Tout est centré sur ces derniers sans que l'on puisse supposer que les séismes et autres phénomènes aient lieu même en l'absence des hommes (sur Terre comme sur les planètes inhabitées).
Ceci est centré sur une culpabilité généralisée dont l'aspect lié aux mœurs est le plus souligné. Cette culpabilité est, en fait, liée à la désagrégation des anciennes structures et modes traditionnels d'existence auxquels on ne peut plus être conforme. L'urbanisation accélérée n'ayant pas eu pour corollaire des structures nouvelles qui ne vouent pas à l'exclusion et à la précarité et une culture plus ouverte et plus propice à la créativité dans tous les domaines, c'est le désarroi de larges couches non ou mal intégrées qui est devenu prédominant.
Désarroi et culpabilité
C'est ce terreau qui a favorisé la tendance à l'obscurantisme. Celui-ci fournit des réponses simples aux angoisses liées aux nouvelles conditions d'existence. C'est ainsi qu'il a pu gagner du terrain, nourrissant l'idéologie ambiante et s'installant au cœur des écoles et des facultés.
Il y a là l'expression d'un désarroi plus diffus, source de peurs et de culpabilité et en même temps, le recours à des formes de protestations et de reconstruction de repères de compensation (sur des modèles mythiques) que l'idéologie islamiste fournit à satiété sous des formes plus ou moins « soft » ou dures. C'est ce qui a conduit plusieurs sociologues et politologues à considérer que, malgré ses archaïsmes et ses mythes, l'islamisme constitue un facteur de socialisation et de passage à une certaine modernité dans les sociétés arabo-musulmanes en mal de mutation.
Il en résulte, en tout cas, que l'un des enjeux vitaux de l'évolution actuelle du pays est celui de l'intégration sociale où la dimension culturelle est primordiale.
L'échec du système instauré depuis l'indépendance qui n'a pu favoriser cette intégration a conduit à la situation problématique actuelle où les risques de régression ne peuvent être ignorés.
C'est à un défi aussi redoutable que l'expérience de «transition démocratique» actuelle se trouve confrontée.
Ce qui implique que les choix et les actions devant impulser cette intégration se situent sur un double plan, social et culturel.
L'accent mis aujourd'hui sur les programmes de développement humain est le signe d'une prise de conscience. Une dynamique est amorcée dont le renforcement et l'efficacité seront mieux soutenus si, en parallèle, la gouvernance est rendue plus rigoureuse dans tous les domaines (services administratifs, finances publiques, justice, lutte contre la corruption, les privilèges et passe-droit, etc). Il s'agit à la fois d'améliorer les conditions favorables à l'investissement productif et de conférer plus de crédibilité à l'appareil de l'Etat pour susciter plus de confiance et moins de désespérance au sein des couches sociales vivant l'exclusion et la précarité.
Parallèlement il ne faut pas se résigner à l'emprise des idéologies les plus conservatrices et les plus régressives comme à une sorte de fatalité ou à un tsunami de l'irrationnel devant lequel on serait impuissant.
Sur ce plan, il est indispensable de mettre à contribution les grands médias tels que les radios et les chaînes de télévision ainsi que les supports de diffusion de masse (cassettes audio, DVD, brochures, etc) pour diffuser à grande échelle un savoir accessible sur les différentes écoles de pensée en Islam, y compris celles qui réfutent les discours islamistes. Cette relativisation des interprétations
de la Tradition islamique est, malgré les difficultés et les réticences qu'elle
peut comporter au départ, incontournable si on veut faire contrepoids à l'idéologisation et la politisation forcenées de « la référence » à la religion.
L'enjeu culturel
Même si cela semble encore être une gageure, il est essentiel que cette approche plus ouverte à la raison et au pluralisme contribue à établir des repères moins sommaires que ceux fournis par la vulgate devenue prédominante. Il faut faire entendre que personne n'est dépositaire de la vérité absolue en matière religieuse ou dans les autres domaines. A la pensée magique et mythique il s'agit de substituer les exigences des savoirs et des cultures vivants.
Il existe désormais une production très diversifiée des penseurs et des chercheurs musulmans novateurs qui devrait pouvoir être davantage diffusée et mise à la portée d'un large public resté jusqu'ici la proie des discours les plus fermés et souvent les plus obscurantistes.
L'effort en matière culturelle est censé aussi porter sur des connaissances de base que les médias audio-visuels et écrits devraient davantage diffuser.
Des chaînes thématiques (comme il en existe même en Egypte) devraient pouvoir relayer l'école et l'université défaillantes.
Quant à la question de l'enseignement, de sa réforme si difficile à mettre en œuvre et surtout de sa prise en charge effective, elle reste un sujet de préoccupation parmi les plus ardus.
Là aussi la résignation ou l'indifférence cynique ne feront qu'entériner la régression. Même si le problème est difficile à aborder, des choix plus nets et une politique plus énergique devraient aboutir à dépasser les demi-mesures et à mettre tout un chacun, à commencer par les enseignants, devant ses responsabilités.
Il est vrai que les phénomènes de régression idéologique et culturelle, dont l'obscurantisme est le symptôme le plus criant, ne peuvent être dissociés des problèmes et des conflictualités liés à l'exclusion et à l'intégration sociales.
Cependant il est évident que, pour ne pas s'y résigner, il faut se donner les moyens d'une action d'envergure sur les plans culturel et idéologique aussi.
Autrement on devrait s'attendre à ce que la menace du tsunami obscurantiste et irrationnel ne soit pas seulement imaginaire.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.