La révision constitutionnelle est dans l'air ou c'est, du moins, ce que laisse présager l'évolution actuelle du débat et des choix politiques. Le Maroc serait-il à la veille d'une révision constitutionnelle ? La question a, du moins, le mérite de faire davantage de lumière sur les dernières évolutions qui ont marqué le débat, à ce propos, de déclaration en meeting, de communiqué en interview, la vie politique donne réellement l'impression qu'on est bel et bien dans un climat de changement. D'aucuns le prédisent déterminant. Etat d'esprit En moins d'un mois, deux partis de l'actuelle majorité, le parti de l'Istiqlal et l'Union Socialiste des Forces Populaires (USFP), en l'occurrence ont fait part de leur travail commun en vue de présenter un mémorandum sur la question. Un grand changement, en fait, dans l'agenda politique d'une partie de l'équipe aux commandes et pour cause : pour la même majorité, la révision constitutionnelle ne figurait pas, il y a moins quatre ans, à la tête de ses priorités. L'exercice de pouvoir a-t-il changé la donne ? Il y a fort à parier que oui, pour autant que l'on sache qu'aux cœur de ses doléances, il y a justement la question du statut, à maintes reprises mis en équation, du Premier ministre et des prérogatives de l'exécutif. Histoire : lundi dernier, au siège du Parlement, la rencontre, pour tous ceux qui sont friands de symbolique, n'en manquait pas. Le groupe socialiste, Driss Lachgar en tête, et le conseil consultatif des droits de l'homme, Driss Benzekri en premier lieu, se sont donnés rendez-vous pour débattre de l'avenir des recommandations du rapport de la défunte IER. Pour rappel, l'Instance Equité et Réconciliation, dont la mission sur les années dites de plomb ont pris fin en décembre dernier, a couronné son laborieux travail par un rapport qui a été soumis au Souverain et rendu public par la suite. Grande réflexion sur le système de gouvernement et les rouages de l'Etat, ces mêmes recommandations que même les plus virulents pour fendeur du Maroc ont salué l'audace, repense certaines structures -clé de l'Etat, entre autres, le système judiciaire, le contrôle des services et surtout la révision des dispositions de la loi suprême. Objectif à peine déclaré : son adéquation avec les textes universels. Pour déceler tous les tenants et aboutissants, il faut, justement, faire appel à un autre rapport, celui du cinquantenaire de l'indépendance, supervisé par le conseiller du Souverain, Meziane Belfkih. Le constat, on s'en souvient, a été sans complaisance. Tant il est vrai que toutes les composantes de la société ont salué son audace et son esprit scientifique. Résultat : le droit de l'inventaire doit mener le pays à nouer avec la normalité politique. Un concept qui a son pesant politique en réformes. C'est donc dans cet esprit-là que la rencontre entre un groupe parlementaire de la majorité et le CCDH a eu lieu. La portée de la rencontre a été aussi révélatrice que les sujets abordés ont tous ceci d'extraordinaire qu'ils participent de la réflexion doublement menée par la défunte et le CCDH, d'une part, et le groupe du rapport cinquantenaire et la classe politique, d'autre part. En fait, il survient au moment où les chefs des partis de la Koutla (PI, USFP, PPS) sont en train de finaliser un mémorandum commun sur la question constitutionnelle. Ni Mohamed Elyazghi, ni Abbas Fassi et moins encore Ismail Alaoui n'en font un secret, d'ailleurs. Le chef de fil DPI a même étalé ses grandes lignes dans une interview accordée a notre confrère Assahifa de la semaine dernière. On y trouve toutes les questions débattues au cours de la rencontre susmentionnée, mais aussi celles qui ont déjà fait lieu de déclaration de leurs congrès respectifs. Autre formation, autre mémorandum. Le Parti Socialiste Unifié, sorte de giron d'une gauche radicale participationniste est, lui-même, en voie de finaliser ses propositions. Au sein du PSU, on n'est pas aussi jaloux que la Koutla sur les termes de ce mémorandum, il n'en demeure pas moins que l'esprit reste presque le même. Du côté de l'opposition, on brille par son absence. Sauf, bien sûr, le PJD dans sa fameuse grande interview accordée a Jeune Afrique, Saâdeddine Othmani adopte les mêmes revendications, voire le même procédé en appelant à une entente avec le Roi. Il laisse entendre que le Souverain est lui-même pour cette révision. Un secret ? loin s'en faut, si l'on juge par les perspectives qui se présentent à un Maroc en voie de défendre une autonomie, comme la seule alternative au Sahara marocain. Une refonte de l'Etat et de son mode de travail ; voilà à ce que les hommes politiques et les observateurs s'attendent.