La confédération patronale marocaine a boudé le Forum des affaires maroco-turc prévu, hier le 3 juin 2013 à Rabat. « La CGEM a été sollicitée, en renfort, quelques jours seulement avant l'événement pour des rencontres BtoB, format que la confédération estime ne pas convenir à une approche stratégique vis-à-vis d'un pays avec lequel le Maroc enregistre un déficit commercial important », soulignent des sources proches du centre de décision de la confédération. Et d'ajouter : « Il est regrettable qu'un tel événement n'ait pas été préparé avec la rigueur et la concertation nécessaires en amont car, au regard des enjeux industriels et commerciaux, le Maroc aurait dû saisir cette occasion pour discuter, dans le fond, des problèmes économiques réels que pose l'accord de libre-échange, qui est entré en vigueur il y a 7 ans, et trouver des opportunités de développement conjoint et mieux équilibré entre les deux pays ». Le département de l'Industrie, du commerce et des nouvelles technologies, qui a préparé l'événement, se trouve donc dos au mur. La Turquie est-elle un bon partenaire pour le Maroc ? En tout cas le Maroc l'est pour la Turquie. Elle a vendu au Maroc pour 2,26 milliards de dirhams durant les trois premiers mois de 2013, mais n'a importé que 768 millions. Le déficit du Maroc est donc de 1,49 milliards de dirhams. On comprend bien pourquoi le premier ministre turc Edogan est venu nous rendre visite. Alors que c'est le chef du gouvernement marocain qui aurait dû se déplacer en Turquie avec une délégation d'hommes d'affaires. Quand on voit le nombre de businessmen qui ont accompagné Erdogan, on mesure le gap qui sépare un gouvernement idéologique d'un gouvernement pragmatique. D'ailleurs, le patronat marocain n'a pas voulu s'inscrire dans l'agenda de la visite du premier ministre turc. L'économie mondiale d'aujourd'hui fonctionne en s'appuyant sur trois piliers tous aussi importants les uns que les autres. L'innovation, l'esprit d'entreprise et l'Etat. Même les pays les plus libéraux ne peuvent se passer de la main (trop visible) de leurs gouvernements. La proportion des voyages pour raisons économiques est devenue de plus en plus importante, aux dépens des déplacements politiques. Ne pas comprendre cette réalité conduit au suicide économique et donc aussi politique. Les exportations mondiales ont totalisé 18.323 milliards de dollars en 2012. Ce qui veut dire que plus de 2 milliards de dollars s'échangent par heure. Le temps du monde est cher. Le Maroc a exporté 13 milliards de dollars en 2012. Soit 1,5 millions de dollars de l'heure. Ce chiffre ce ne sont pas les politiques qui l'ont réalisé mais les entrepreneurs. On se demande alors pourquoi on écoute plus des députés qui passent leur temps entre les salles de réunion et le restaurant du parlement que des entrepreneurs qui n'ont parfois même pas le temps de manger. Au moins que les politiques aient un peu d'humilité. Une heure économique rapporte 1,5 millions de dollars au Maroc, une heure politique coûterait peut-être plus autant. Ce coût ne peut être économiquement viable que si le travail politique aide le pays à gagner davantage. Le gâteau du commerce mondial est immense, les plus grandes parts vont aux plus intelligents. Il faut que les politiciens gagnent leur (train) de vie. La stratégie africaine du Maroc, initiée par le Roi Mohammed VI est une percée remarquable, qui rehausse l'image du Maroc en tant que pays d'origine des investissements directs étrangers. Le gouvernement doit favoriser cette expansion économique et chercher d'autres opportunités sur d'autres régions. Pour cela, il doit aider les entreprises marocaines. Or, on constate qu'au lieu de cela, il est en train de les casser, notamment en négligeant le patronat marocain réuni au sein de la CGEM, au profit d'une organisation patronale concurrente Al Amal, réputée proche du PJD. On comprend bien que le parti islamiste veut renvoyer l'ascenseur à ceux qui lui ont facilité la tache, sauf que le coût économique d'une telle initiative risque d'être exorbitant. www.lobservateurdumaroc.info