Les schistes bitumineux suscitent de l'enthousiasme et pourraient un jour assurer au Maroc son indépendance énergétique. Mais il faudra attendre une « révolution technologique » avant de pouvoir passer à une véritable valorisation et une production industrielle. Car contrairement au gaz de schiste et au sable bitumineux, au niveau mondial il n'existe pas encore d'unités de valorisation des schistes bitumineux pour la production d'hydrocarbures à une échelle industrielle. « Le défi auquel nous devons faire face est celui de la valorisation. Au niveau international, il n'existe pas encore de procédés matures pour l'exploitation », souligne Amina Benkhadra, directrice générale de l'Office national des hydrocarbures et des mines (ONHYM). Le potentiel est là et il est évalué à plus de 50 milliards de barils dont plus de 37 milliards dans deux principaux gisements localisés à Timahdit et Tarfaya. Avec ce potentiel, le Maroc est classé au sixième rang après les Etats-Unis, la Russie, la République Démocratique du Congo, le Brésil et l'Italie. L'exploitation de cette ressource sur laquelle les énergéticiens parient est effectuée au moyen de procédés pilotes et semi-industriels. Depuis 2005, les compagnies pétrolières se positionnent sur les projets de recherche suite au renchérissement du cours du pétrole. Cette évolution des cours a même suscité un regain d'intérêt pour le développement des ressources non conventionnelles. Le Maroc s'est à son tour doté d'une stratégie de relance du développement de cette ressource. Les premiers travaux datent des années 1970. Ils ont été initiés suite aux chocs pétroliers de 1973 et 1979 avant d'être stoppés durant les années quatre-vingt en raison de l'effondrement du prix du pétrole. Aujourd'hui, l'Onhym a signé des accords avec des compagnies pétrolières pour tester les procédés à Timahdit et Tarfaya. San Leon Energy va y effectuer des tests. Taqa compte tester un procédé pilote à Timahdit également alors que le brésilien Petrobras a ralenti ses travaux sur ce site en raison de problèmes d'extension de la zone où elle opère car elle se chevauche avec un parc national. Selon la directrice de l'Onhym, Petrobras dispose d'un procédé qui permet de produire 5.000 barils par jour. Un niveau semi-industriel ne permettant pas de monter de projets. Autrement dit, la valorisation est possible mais elle reste limitée sur le plan technique. Il faut dire aussi que les projets de développement des schistes bitumineux sont très capitalistiques et nécessitent des investissements de quelques milliards de dollars. Ceci étant, la veille technologique se poursuit. Le Maroc compte aussi monter des projets pilotes dans la production d'électricité à base de schistes bitumineux. Ces derniers peuvent être utilisés comme du charbon dans une centrale thermique pour produire de l'électricité. Un domaine où des pays comme l'Estonie ont une longueur d'avance. En Estonie, 80% de l'énergie électrique sont basés sur cette ressource. Pour le moment, l'Office national de l'électricité et de l'eau (ONEE) envisage de monter une centrale de 150 MW à Tarfaya. Un appel d'offres a été lancé et des entreprises russes et estoniennes ont soumissionné proposant un site d'une capacité de 500 MW… Les négociations sont toujours en cours.