Par Mehdi Moukni : Rédacteur de Jeune du Maroc Magazine Article extrait de : Le Matin Certains propriétaires d'auto-écoles ainsi que des moniteurs n'hésitent pas à demander des sommes d'argent supplémentaires pour garantir aux futurs conducteurs la réussite de l'examen de conduite et l'obtention du permis. « Le permis de conduite est de plus en plus cher. Pour l'avoir, j'ai dû payer quelque 2.500 DH entre les différents frais. Mais ce que j'ai trouvé inacceptable c'est qu'après avoir payé la totalité des frais de l'auto-école, le propriétaire m'a imposé une somme de 200 DH pour réussir l'examen. Afin d'éviter les problèmes, j'ai accepté », raconte Abderrahmane. Abderrahmane peut s'estimer heureux parce que certains moniteurs commencent leur « chantage » bien avant le moment de l'examen. En effet, ils exigent des « bakchichs » aux candidats pendant les séances d'apprentissage pour leur garantir une meilleure formation. Certaines personnes témoignent même qu'on leur a demandé une somme d'argent contre le certificat médical sans devoir aller passer l'examen médical ! Et malheur à celui qui refuse parce qu'il a de fortes chances d'être recalé. « Depuis le début des cours, j'ai senti que les candidats n'étaient pas traités sur le même pied d'égalité. Certains étaient plus gâtés que d'autres. Avec le temps, j'ai compris qu'il s'agissait des personnes qui donnent un « pourboire » aux moniteurs mais j'étais loin d'imaginer que c'était obligatoire pour assurer l'obtention du permis », raconte Fatima-Zahra amèrement. « J'ignore ce qui se passe dans les autres auto-écoles, mais concernant celle où j'ai passé mon permis, c'était le cas. Vers la fin de la formation, mon moniteur m'a demandé d'arrêter de faire « l'idiote » et de suivre l'exemple de mes camarades. Lorsque j'ai refusé de lui donner le moindre centime, l'examinateur, qui était son complice, m'a stressée lors de l'examen pratique et j'ai donc raté mon permis », poursuit-elle. D'autres candidats sont, contrairement à l'exemple de Fatime-Zahra, enchantés par ce genre de propositions. « Personnellement, j'ai préféré payer un peu plus d'argent pour être sure de réussir l'examen sans contrainte. J'ai bénéficié d'un meilleur encadrement et j'ai maintenant mon permis dans la poche », témoigne Majda. Avec des pratiques comme celles-là, les permis de conduite sont souvent remis à des personnes qui ne les méritent pas. On ne devrait donc plus être étonné de ces accidents de la circulation en augmentation qui endeuillent grand nombre de familles du fait de l'inconscience et de la non-maîtrise de certains conducteurs. En effet, à cause de ces pratiques frauduleuses, des milliers de personnes empruntent les routes tous les jours sans maîtriser pour autant la conduite. Avec leurs permis « de tuer » dans la poche, ils mettent ainsi en danger la sécurité des usagers de la route. Concernant les mesures prises pour lutter contre ce phénomène, le ministère de l'Equipement et des Transports garde espoir en le nouveau code de la route pour limiter ces pratiques frauduleuses. « Nous avons commencé par l'automatisation des épreuves théoriques. ette réforme a pour objectif de s'assurer de l'assimilation et de la compréhension du candidat de l'ensemble des règles de la circulation routière et de sa capacité à analyser rapidement les situations de danger éventuelles pendant la conduite, mais aussi de rendre l'examen du permis de conduire plus objectif et éviter tout moyen de triche », explique un responsable du ministère. Et d'ajouter : « Nous sommes en train d'étudier des réformes pour la partie pratique de l'examen afin de lutter contre les pratiques frauduleuses qui peuvent avoir lieu. Concernant le certificat médical, je ne comprends pas comment on peut tricher pour avoir ce document puisque la visite médicale est effectuée devant un comité de médecin agréé par le ministère ». Bons réflexes Certains candidats ne se laissent pas faire et décident de se révolter contre les pratiques frauduleuses qui entravent l'obtention du permis de conduire de façon légale. A l'exemple de Soufiane, un jeune étudiant de 23 ans qui a passé son permis de conduite en juillet dernier et s'est trouvé confronté à une situation difficile mais qui a su s'en sortir « brillamment ». « Au début, tout était normal. J'ai payé et j'assistais aux cours de formation comme prévu. Les problèmes ont commencé lorsque le proprio de l'auto-école m'a demandé de lui donner 150 DH contre le certificat médical. J'ai refusé et préféré aller passer le test honnêtement. Depuis, je n'ai plus eu droit à beaucoup de cours pratiques comme avant. Pire encore, j'étais privé de boitiers lors des simulations tandis que le reste de mes camarades les utilisaient. Deux jours avant l'examen, le proprio me demande 300 DH pour garantir ma réussite. Quand je lui ai dit que l'époque de la corruption est révolue, il s'est moqué de moi. Le jour de l'examen, l'examinateur m'a stressé et m'a dit « tu aurais dû écouter notre conseil et payer les 300 DH » et j'ai effectivement raté mon permis », raconte-t-il. Heureusement Soufiane était sur ses gardes et a enregistré les paroles de l'examinateur. « Face à cette injustice, j'ai décidé d'aller jusqu'au bout et envoyer un fax au ministère de l'Equipement et des Transports. Et je suis content du résultat. Des responsables au ministère m'ont convoqué et j'étais pris au sérieux. Après leur avoir raconté mon histoire et vu les preuves, ils m'ont demandé d'aller récupérer immédiatement mon permis de conduire. Chose dite, chose faite. J'étais même étonné par l'aimable façon dont le propriétaire de l'auto-école m'a traité », poursuit-il. Morale de l'histoire : il faut juste ne pas avoir froid aux yeux et oser mettre un terme aux pratiques frauduleuses.