La Tunisie fête ce jeudi 25 juillet le 62ème anniversaire de la république. Un anniversaire marqué par l'incertitude qui prévaut dans un pays considéré pourtant comme le porte-drapeau du printemps arabe démarré en 2011, mais qui vit aujourd'hui une grande incertitude à la faveur d'une économie en berne et d'une vie politique plus que chaotique. Ce flou artistique est accentué par une santé en déclin du chef de l'Etat, Béji Caïd Essebsi, transporté, pour la deuxième fois en moins d'un mois, à l'hôpital militaire dans un état critique. Une transition qui marque le pas Depuis la révolution du Jasmin, qui a fait tomber Zine El Abidine Ben Ali, les institutions tunisiennes ont du mal à jouer leur rôle, voire se mettre en place, pour assurer une transition telle que voulue par les Tunisiens qui ont payé un lourd tribut à la liberté et à la démocratie. La Cour constitutionnelle, qui devait être installée depuis le début de la législature, ne l'est toujours pas et le parlement, qui a pourtant enchaîné les plénières électives, demeure handicapé par les querelles politiciennes et partisanes et accumule les échecs et les conclaves infructueux. Le schéma actuel est donc celui d'une Tunisie, qui au terme d'une longue période d'apprentissage de la démocratie, donne l'impression d'une République est en péril, dont les deux principaux piliers, la présidence et l'Assemblée, sont en panne. Guéguerre Essebsi-Chahed Après les événements survenus ces derniers temps, Youssef Chahed, chef du gouvernement tunisien, peut être considéré par Essebsi, comme un « mauvais choix » opéré au départ. En effet, de par ses visées présidentielles, et récemment la création de sa formation politique, Tahya Tounes, Youssef Chahed joue, mais surtout grignote chaque jour un peu plus, sur le terrain du président. S'il a plus ou moins tergiversé sur la question un certain temps, Chahed ne cache plus ses ambitions, même s'il ne fait pas l'unanimité. Il a certes pour lui son jeune âge, sa « propreté », sa détermination et ses bonnes intentions, des critères émotionnels » mais qui comptent en politique, mais on lui reproche aussi d'être « toujours sous influence », celle de Béji Caid Essabsi, en premier lieu, mais qui a fini par le lâcher. Mais, en froid avec celui-ci et son camp, et surtout en mal de « béquilles » en l'absence d'un soutien réel de son parti, et pour asseoir son pouvoir, Chahed s'est un peu « trop appuyé » sur le syndicat majoritaire (UGTT) et le parti islamiste d'Ennahda. Un tourisme mis à mal par le terrorisme Ayant déjà eu du mal à se relever de la révolution et de ses suites (baisse de plus de 15% des arrivées entre 2010 et 2013), le tourisme tunisien a pris un sérieux coup après les attentats terroristes. En effet, le tourisme est un secteur stratégique ciblé par les terroristes, et les commerçants tunisien s'inquiètent sérieusement, non d'une baisse de fréquentation des visiteurs étrangers, mais du changement de leurs modes de consommation. Le gouvernement a toutefois tenté de rassurer et de minimiser sa portée, en affirmant que « les attentats, ça arrive dans tous les pays du monde ». Pour l'Etat et les professionnels du secteur, il est nécessaire de dépasser toutes ces contraintes, avec pour objectif affiché d'atteindre dans les années à venir entre 10 et 12 millions de touristes par an, e de faire de l'année 2019 celle du « grand démarrage », Processus électoral incertain La célébration de la fête nationale du pays intervient aussi alors que le processus des prochaine, et cruciales, élections présidentielle et législatives peine à se dessiner clairement. Le démarrage lundi dernier de l'opération de dépôt des candidatures pour les législatives tunisiennes prévues le 6 octobre prochain s'est opéré sur fond d'imbroglio électoral et d'un climat délétère où dominent suspicions, surenchères, échanges d'accusations et fortes dissensions au sommet du pouvoir. En premier lieu, l'instance provisoire chargée du contrôle de la constitutionnalité des projets de loi, a refusé l'avis de conformité à la Constitution, un refus qui a surpris avant de provoquer une vague de réactions hostiles et contradictoires des acteurs politiques, des représentants de la société civile et des experts en droit constitutionnel. Là où le bât blesse c'est les dispositions de la nouvelle loi électorale proposée par le gouvernement, hors délais, soit à quelques mois seulement du scrutin. Lesdites dispositions ont été considérées comme taillées sur mesure, visant des figures favorites des sondages qui se recrutent du monde associatif ou du régime déchu, à l'instar d'Abir Moussi, présidente du Parti Destourien Libre (PDL). De même, le Président Béji Caïd Essebsi traine le pas et ne « s'est pas encore décidé » à promulguer la nouvelle loi électorale, pourtant adoptée par l'Assemblée des Représentants du Peuple (parlement tunisien) à une majorité confortable. La décision présidentielle a été perçue par la majorité comme une « atteinte aux institutions » du pays, notamment le parlement censé être la source de tous les pouvoirs et une transgression de la loi fondamentale par ceux-là même qui sont censés être les gardiens de la Constitution de 2014. Il s'agit, pour certains, d'une « décision surprenante » qui semble étroitement liée au long conflit qui oppose frontalement les deux têtes du pouvoir et empoisonne la vie politique du pays, en l'occurrence le différend entre le Président de la République, Béji Caïd Essebsi et le Chef du gouvernement, Youssef Chahed qu'il a lui-même nommé en 2016 à ce poste et qui a fini par se rebeller contre son parti, Nidaa Tounes, en nouant de nouvelles alliances tout en se présentant comme un candidat potentiel à la présidentielle, dont le premier tour est fixé pour le 10 novembre prochain.