La nouvelle génération de médecins dentistes a du mal à démarrer sa carrière. Plusieurs contraintes les empêchent de se lancer dans leur propre affaire, de s'installer à leur compte, et même quand cela arrive, ils ont du mal à payer leurs traites, recruter du personnel, et régler les charges liées au cabinet. Il y a aussi le problème des « charlatans » et certains « prothésistes » qui, aujourd'hui, exercent « illégalement » la médecine en toute impunité, et en l'absence de toute réaction des autorités concernées, faisant plusieurs victimes dans leur chemin. Ils se cachent derrière le fait que c'est un métier qu'ils ont « hérité de père en fils » et considèrent que la pose d'une prothèse en bouche ou l'extraction d'une dent « est un acte facile à réaliser ». A cet égard, Hespress Fr a interrogé Dr. Mohamed Sdira, Président de l'Ordre national des médecins dentistes du Maroc (ONMD). Il se confie à nous à coeur ouvert évoquant par la même occasion les problèmes que connaissent les médecins dentistes du Maroc. Hespress FR publie cette interview en deux parties. Est-ce qu'on peut parler de corruption dans ce cas de figure ? Je ne peux pas parler de corruption, tout simplement parce que je n'ai jamais assisté directement à un tel acte. Mais, un individu qui n'a aucun diplôme pour travailler en bouche, à savoir que la loi au Maroc est claire. C'est les médecins dentistes qui peuvent toucher à la bouche du patient. Personne n'a cette autorisation quelle que soit sa formation. Le prothésiste, dans sa formation initiale, travaille sur le plâtre. Comment se fait-il qu'il ait été formé dans des modèles de plâtre et une fois diplômé on lui donne l'autorisation de toucher au corps du citoyen. Mais ce n'est pas normal ! Aujourd'hui les prothésistes demandent uniquement à avoir la possibilité de poser la prothèse en bouche et l'ajuster. Ils disent que ce n'est pas compliqué puisque ce sont eux qui conçoivent la prothèse. Qu'en pensez-vous ? Il y a un peu d'ignorance à ce sujet. Pour le médecin dentiste, qui est apte faire différentes chirurgies à savoir l'orthodontie, la prothèse, prise d'empreinte et la prévention. Tous ses actes ne sont pas indépendants l'une de l'autre. Elles sont liées. C'est-à-dire, que le médecin dentiste avant de prendre l'empreinte et poser la prothèse. Bien avant de réaliser ses deux actes, le médecin lors de son cursus universitaire à la fac, il a une formation rigoureuse sur l'anatomie humaine et buccale, les différentes maladies, l'état général du patient. Donc le dentiste réalise un diagnostic de l'état du patient avant de prendre l'empreinte et la mise en place de la prothèse à savoir est-ce qu'il est diabétique, est-ce qu'il a une hypertension ou bien il est cardiaque, est-ce qu'il a une maladie contagieuse, une infection buccale. Pour une personne qui n'a eu aucune formation dans ce sens, il va savoir gérer toutes ses problématiques et caractéristiques ? Supposant que ce prothésiste a réalisé l'empreinte en introduisant le produit dans sa bouche. Et si l'état du patient se complique ? Qu'il avale le produit par exemple et s'est étouffé comment il va gérer cela ? Les dentistes ont une formation médicale complète et il est formé pour gérer toutes complications de l'état du patient. Le dentiste avant de poser la prothèse, il prend en considération plusieurs endroits au niveau de la bouche où la prothèse ne peut pas être posée. Parce que si on pose la prothèse dans ses zones, ca va engendrer des ulcérations. Ses ulcérations se transforment par la suite en cancer. Et nous avons plusieurs patients qui ont appliqué la prothèse chez les prothésistes, et qui se sont retrouvés avec une tumeur, une infection dangereuse etc. La prise d'empreinte est acte médical. La pose de la prothèse en bouche, quelque soit la nature de la prothèse, c'est un acte médicale. Parce qu'il s'agit de la bouche d'un être humain et non pas d'un mannequin. Et cela nécessite une étude sur l'état de santé du patient et aussi sur son état buccal. Parce que chaque empreinte et chaque posage de prothèse à sa propre technique. A quel moment les prothésistes ont eu la fameuse idée de poser la prothèse en bouche et réaliser des actes médicaux alors que vous, médecins dentistes, vous collaborez avec la nouvelle génération des prothésistes pour l'élaboration de la prothèse? Il faut dire que parmi les prothésistes, il y a ceux qui sont sérieux et qui travaillent dans les normes suivant l'autorisation qui leur est attribuée. C'est des gens compétents avec qui nous travaillons et ils ont beaucoup développé leurs laboratoires. C'est un domaine très important. Il y a des prothésistes qui comptent à leur effectif dans leurs laboratoires, 30-40 employés. C'est un domaine qui rapporte de l'argent. Et je salue ces prothésistes-là parce qu'ils travaillent dans les normes, ils sont formés et ils ont un haut niveau et il y en a qui sont reconnus comme meilleurs prothésistes au monde. Ils reçoivent des commandes importantes de l'étranger pour plusieurs raisons, notamment leurs compétences. La loi 25-14 est venue pour réglementer une profession. Parce que parmi les points essentiels de notre stratégie de lutte contre l'exercice illégal de la médecine, c'est de pousser cette profession à la réglementation et lutter contre ses arrivistes. Même les prothésistes compétents souffrent et subissent les méfaits de ces prothésistes arrivistes. N'importe quel individu aujourd'hui qui n'a rien fait de sa vie, vient ouvrir un cabinet et commence à travailler parce qu'il a trouvé l'anarchie dans ce secteur. Il sévit sous le regard des autorités, et personne pour le sanctionner. Et donc il trouve un métier où il ne va faire aucun effort. Il va ouvrir la bouche des citoyens et il va commencer à casser et enlever des dents sans être inquiété, et cela c'est juste ici malheureusement, car dans des pays qui se respectent, il n'y a pas ce genre d'actes, et si même il a lieu, la personne est sévèrement sanctionnée.