Les 3es assises de la fiscalité ont été l'occasion de discuter de ce qui ne va pas avec l'imposition nationale, mais aussi pour présenter des recommandations à différents niveaux. Le secteur de la Santé n'échappe pas à la règle, allant même jusqu'à susciter la polémique du côté du privé. Si les assises, qui se sont déroulées du 3 au 4 mai, ont été marquées par la présentation de plusieurs recommandations «utiles» pour la réforme du système fiscal national à l'horizon 2024, les propos de certains intervenants, officiels et non officiels, n'ont pas été du goût de tous. C'est le cas du secrétaire général du ministre de l'Economie et des Finances, Zouhair Chorfi, qui a reproché ouvertement aux professionnels du secteur privé de la Santé au Maroc de s'adonner à des pratiques immorales. Chorfi, qui semble «s'acharner» sur le secteur privé, dénonce que celui-ci ne déclare pas 90 % de ses recettes auprès des autorités. Le SG n'a pas lésiné sur ses mots, puisqu'il a déclaré que « le moment est venu pour voir les choses en face : il faut mettre un terme aux irrégularités. Il ne faut plus dire une chose et faire son contraire. Il faut faire preuve d'humilité et savoir s'autocritiquer quand il le faut ». Pour Chorfi, la question n'est pas d'apporter une réforme du système fiscal ou de présenter des recommandations, mais il faut changer la mentalité même des acteurs qu'il accuse de ces dépassements en tout genre. «Si je me dirige vers une clinique, qu'on me dit que les chèques ne sont pas acceptés comme moyen de paiement, qu'est-ce que cela veut dire ? Il faut mettre un terme à la corruption ! Le noir, ça suffit !», avait-il déclaré lors de l'évènement. L'ANCP dénonce la diffamation à l'encontre de la profession Normalement, les chèques de garanties sont interdits. Selon une source au ministère de la Santé, ayant requis l'anonymat, «si une personne arrive en situation de détresse dans une clinique, va-t-on lui demander un chèque, alors qu'elle n'a visiblement rien sur elle ?». Cela dit, la prise en charge dans un établissement privé a des coûts, et ces coûts sont généralement élevés. Que ce soit pour l'IRM, le scanner, une intervention, un alitement, la réanimation, etc., toutes les prestations ont un coût, et c'est le patient qui paye. Toutefois, selon notre interlocuteur, la question qui se pose est qu'«on ne sait pas le devenir de la maladie pour laquelle le patient est venu dans un premier lieu. Il faut effectuer des bilans pour poser un diagnostic et prendre des mesures appropriées par la suite dans ce sens, et tout cela a un coût». Si l'on n'arrête pas de dire que la santé n'a pas de prix, il semble pourtant que c'est le cas. «Ce n'est pas humain. Quand on a choisi de faire de la médecine sa vocation, c'est pour aider et sauver les gens, non pas à faire des bénéfices à travers les actes médicaux. C'est ça qui est le plus important dans ce secteur», nous indique notre source, en rajoutant que la médecine n'est pas un «business» comme les autres. Ce constat rejoint d'ailleurs celui du président l'Association nationale des cliniques privées (ANCP), Redouane Semlali. «Le secteur médical, et en particulier les cliniques, a participé étroitement aux assises. Je pense que nous avons été parmi les rares professions à présenter un cadrage effectué par un expert, dont le but est de mettre en place des mesures fiscales qui permettront d'améliorer l'investissement dans le domaine de l'hospitalisation privée et d'améliorer l'accès aux soins pour les patients». Au sujet des propos avancés par le SG du ministère de l'Economie et des Finances, le président de l'ANCP indique qu'il s'agit de déclarations «irresponsables» et «graves» venant d'un représentant officiel. «Il a accusé le secteur de faire 90 % de détournements fiscaux, chose qui n'est pas vraie. La direction de la fiscalité a vérifié nos comptes, et le seul redressement qui a été effectué n'a pas dépassé 1,5 %». Recours aux chèques certifiés Pour ce qui est de la question des chèques, le Pr Semlali nous a déclaré que 85 % des transactions sont effectués par ce moyen de paiement, «bien entendu, on est appelé des fois à refuser un chèque pour un problème de doute sur la solvabilité, comme pour toutes les entreprises. C'est d'ailleurs pour ça, comme pour les administrations marocaines, nous avons recours à des chèques certifiés». Ce qui dérange l'ANCP et le secteur privé de la Santé est surtout relatif aux accusations de Chorfi de «corruption» et de «noir». «Ce monsieur qui se dit économise, fait une grave confusion entre noir et cash. Nous encaissons du liquide, car le marocain n'est pas bancarisé à 100 %. Il n'y a aucune preuve que cet argent n'est pas déclaré au fisc. Par ailleurs, ce représentant officiel a commis la grave erreur, en tant que tel, de dire qu'il est prêt à autoriser jusqu'à 20 % de fraude fiscale», indique Semlali, qui dit que des propos de la sorte ne peuvent être que condamnés. Cela dit, le président de l'ANCP nous a indiqué qu'une plainte a été déposée à l'encontre de Chorfi pour «diffamation». «Nous avons saisi la justice et quelques partis politiques, en plus de communiquer avec le public. On peut aller jusqu'à organiser une action syndicale si rien n'est fait pour que ce genre de propos ne soit pris à la légère», nous a affirmé le Pr Semlali, tout en indiquant que l'intéressé est actuellement en voyage.