A l'approche des Assises de la fiscalité, prévues les 3 et 4 mai prochain, le Centre marocain de conjoncture (CMC) a consacré sa dernière publication mensuelle à la question fiscale. Comparaison internationale, orientations et compétitivité fiscales, poids des prélèvements obligatoires sur les ménages, corrélation entre TVA et croissance… le rapport du CMC met aux prises la politique fiscale au Maroc et les réalités sociales, au demeurant « difficiles à évaluer » selon la publication mensuelle. Le dossier spécial du CMC s'appuie sur le rapport Paying taxes, qui s'est intéressé, dans son édition de 2018, à l'impact de la digitalisation sur les systèmes fiscaux. Et en la matière, le Maroc ferait figure de bon élève. « Le pays a encore amélioré son classement : il est au 25e rang sur un total de 190 pays », note le CMC qui relativise ce rang en rappelant que le FMI juge le système fiscal marocain, comme dans beaucoup de pays de la région MENA, « souffrant d'un déficit d'efficacité » et « peu équitable ». L'avalanche des réformes De la Loi organique relative à la Loi de finances aux finances locales appelées à connaître de plus amples bouleversements dans le cadre de la régionalisation avancée, le CMC décortique le processus de réforme fiscale au Maroc, volet important de la réforme, plus générale, des finances publiques. « C'est une entreprise de longue haleine dans l'effort gouvernemental visant à améliorer les équilibres macro-économiques » signale le document, se focalisant sur les actions escomptées en la matière, la volonté de modernisation de la gestion des finances publiques en renforçant les mécanismes de régulation des recettes et des dépenses est placée en premier lieu. « La finalité de l'ensemble de la démarche est d'aiguillonner le système fiscal vers une nouvelle dynamique, en adéquation avec les transformations économiques, sociales et politiques du Royaume », fait savoir la publication. Les ménages, au cœur de la tourmente Source de débats, la fiscalité des ménages revient au-devant de la scène, non pas à l'occasion de chaque loi de finances comme il est d'accoutumé, mais pour servir de point focal lors des prochaines Assises de la fiscalité. « De nombreuses réformes lui ont été apportées au cours du temps », souligne la publication. Une perspective est ainsi tracée: l'allègement de son poids sur les différents agents économiques. « En dépit de tous les efforts fournis dans ce sens, le Maroc est l'un des pays d'Afrique qui connait le taux de prélèvement obligatoire (prélèvements fiscaux et cotisations sociales) le plus élevé du continent » signale le CMC, indiquant qu'en 2017, ce taux était de 29%. Pour mesurer les conséquences d'une telle situation, la publication estime la pression fiscale à 22,9% et les cotisations fiscales à 6,7%. « L'évolution de ces indicateurs entre 2007 et 2017 appréciée à travers les données des comptes nationaux a été largement déterminée par celle de la conjoncture ayant prévalu au cours de cette période, esquisse le CMC, ce niveau est, néanmoins, beaucoup plus faible que celui observé dans les pays développés ». L'une des questions qui devraient être posées et analysées au cours des Assises serait donc de savoir si le niveau de prélèvement est socialement acceptable dans la durée ? Et dans l'affirmatif, pour quelle durée ? Le facteur travail, première victime de l'alourdissement de la fiscalité ? « La progression soutenue des prélèvements obligatoires au cours des dix dernières années a induit une forte pression fiscale sur les contribuables, entreprises et ménages ». Cette synthèse, basée notamment sur un taux des prélèvements obligatoires apparent se situant à 28,7 %, fait classer le Maroc parmi les pays en développement à forte pression fiscale. « La restructuration de l'impôt engagée depuis plus de trois décennies a induit par ailleurs un glissement sensible de la fiscalité de la consommation vers la fiscalité sur le capital et le travail » relève le CMC. Pour en mesurer l'évolution, le document reprend des estimations effectuées à ce sujet. Elles montrent que « le taux d'impôt implicite du facteur travail a gagné près de 10 points en l'espace d'une quinzaine d'années contre 3,2 points pour le facteur capital ». La recommandation du CMC consiste à privilégier « le soutien à la compétitivité des entreprises » à travers un redressement de cette tendance à travers le transfert d'une partie des charges fiscales attachées au facteur travail vers la consommation finale. La publication met facteur capital hors d'atteinte. Les 3ème Assises, cette fois-ci ou jamais « La réforme de la fiscalité est un chantier très vaste qui demande des analyses suffisamment approfondies avant d'aboutir à des conclusions définitives et de portée pratique » souligne le CMC. Ces mesures proposées en matière fiscale partent cependant d'un constat, présenté comme « largement partagé », et qui suggère que le niveau d'imposition aujourd'hui est assez pénalisant aussi bien pour les ménages que pour le monde de l'entreprise et des investisseurs. « Les prélèvements au titre de la fiscalité rapportés au PIB atteignent actuellement un niveau élevé comparativement à la moyenne de la région, soit 23 %, argumente-t-on, si l'on inclut les cotisations sociales et les autres contributions similaires, le montant total des prélèvements obligatoires dépasse 30 %du PIB et se compare pratiquement aux taux observés dans certains pays de l'UE ». TVA, croissance et trésor public Le CMC prête à l'économie marocaine en cette fin de décennie « une traversée de zone de turbulences conjoncturelles provoquées par des conditions climatiques pernicieuses et par un ralentissement de l'économie mondiale ». Avec un taux de croissance de 2,4% prévu au terme de 2019 et 3,5% en 2020, la publication tente de définir le différentiel significatif entre la production effective et la production potentielle, le chômage, l'important poids de la dette publique et l'exacerbation du déficit budgétaire. L'une des conclusion de la publication est que « les mesures et actions gouvernementales peinent à trouver le juste équilibre entre une fiscalité accommodante pour accompagner la croissance et inciter à l'investissement et à la prise de risque et un système d'imposition pour renflouer les ressources de l'Etat ». Une situation qui résulte, selon le CMC, du « tiraillement engendré par l'important besoin de financement du budget de l'état et la difficulté d'accéder à plus de ressources, la pression fiscale (compte non tenu des cotisations sociales) ayant atteint un niveau élevé 21% ».