Les médecins gynécologues du secteur privé ont décidé de ne plus accepter les prises en charge de la Caisse Nationale des Organismes de Prévoyance sociale CNOPS. Une décision qui intervient suite à l'annonce faite par la mutuelle, selon laquelle à partir du 1er mai « toute césarienne non médicalement justifiée sera payée sur la base du forfait de l'accouchement par voie basse ». La guerre est donc déclarée et le patient se retrouve au milieu de cette tornade, même si le ministre de tutelle a parlé « pourparlers avec les cliniques privées » afin de trouver une solution à ce sujet. Explications. Tout à commencé quand la CNOPS a annoncé, le 17 avril, qu'à partir du 1er mai « toute césarienne non médicalement justifiée sera payée sur la base du forfait de l'accouchement par voie basse ». Une décision qui intervient suite au taux anormalement élevé du recours à la césarienne dans le secteur privé qui, explique la CNOPS, s'accapare 90% du nombre d'accouchements et enregistre un taux supérieur du recours à la césarienne, se situant ainsi à 66% contre seulement 25% dans le secteur public. La mutuelle a pareillement déclaré avoir enregistré en 2017, 30.583 cas d'accouchement, dont 18.522 réalisés par césarienne, soit 61%, alors qu'en 2006 le taux était de 35%, puis il a bondi à 43% en 2009 juste après le relèvement du Tarif National de Référence de 6000 à 8000 Dh, pour atteindre 61% en 2017. Les gynécologues, qui n'ont guère apprécié cette nouvelle mesure prise par la CNOPS, la qualifiant de «contraire à la déontologie et à l'éthique », n'ont pas tardé à réagir. Pour riposter, ils ont annoncé de leur côté qu'à partir du 1er mai, et « pour des raisons indépendantes de leur volonté, les gynécologues sont contraints de ne plus accepter les prises en charge de la CNOPS ». Ils appellent dans ce sens leurs patientes « à régler les frais directement à la clinique et au médecin, et à réclamer le remboursement à la CNOPS par la suite ». Pour en savoir plus sur cette affaire qui a pris une grande ampleur et a suscité une polémique dans le milieu de la santé au Maroc, Hespress Fr a interrogé Dr Agoumi Saad, Gynécologue et Président fondateur du Collège syndical national des médecins spécialistes privés au Maroc (CSNMP), qui nous a expliqué la raison de cette décision. Hespress Fr : La CNOPS a décidé qu'à partir du 1er mai « toute césarienne non médicalement justifiée sera payée sur la base du forfait de l'accouchement par voie basse ». Vous avez « riposté » en décidant de ne plus accepter les prises en charge de la CNOPS. Pourquoi ? Dr. Agoumi Saad: M. Abdelaziz Adnane, Directeur général de la CNOPS, a envoyé un courrier aux cliniques pour nous diffamer et dans lequel il dit que nous faisons des césariennes de convenance. Et là, nous réclamons tout d'abord que M. Adnane, soit il prouve cela ou qu'il s'excuse. Il dit que c'est à l'occasion d'une épidémie de césarienne, il doit le prouver et il doit s'excuser. Mr Adnane veut s'immiscer dans l'indication de la césarienne en disant que si on envoie les dossiers et qu'il contrôle dans son administration que l'indication n'était pas correcte, il ne va pas rembourser la césarienne, il va rembourser que sur la base d'accouchement par voie basse. Mais les contrôles ne se font jamais sur l'indication de par le monde entiers. Parce que l'indication relève de la moralité du médecin, de son professionnalisme et de ses capacités, et encore moins une césarienne dont l'indication se pose en extrême urgence la plupart du temps à 2h ou 3h du matin. Qu'est-ce qu'il va changer comme indication, c'est du n'importe quoi ! Je le défie de changer les indications d'un seul gynécologue au Maroc qui fait les césariennes. S'il le fait, c'est par ce qu'il veut le faire pour améliorer ses statistiques. Mais médicalement il en est incapable. Jamais un administrateur n'a pris la place d'un médecin et encore moins d'un intervenant en urgence à 2h du matin. La CNOPS a justifié sa décision par des taux anormalement élevés de césariennes, enregistrés ces dernières années. Qu'est-ce que vous pensez de ces chiffres? Il justifie avec des statistiques qui n'ont aucune valeur. M. Adnane justifie ce qu'il veut. La CNOPS a l'argent des adhérents, elle a ramassé les cotisations des adhérents. Son rôle est de les gérer en mutualité et de rembourser les adhérents malades. Hors, la CNOPS, au lieu de répartir le cash-flow qui est de 9 milliards de DHS sur la santé des citoyens qui ont cotisé, elle veut augmenter encore plus son épargne au détriment de la qualité de la santé du citoyen et ce n'est pas possible. Les gynécologues quand ils veulent intervenir dans les césariennes, ils ne font pas cela de de gaieté de coeur. Les césariennes se font par indications scientifiques, médicales et techniques et par des compétences et des gynécologues chevronnés qui ont fait des études pour ça. Donc chacun a son rôle. Et le directeur de la CNOPS a joué un rôle qui ne lui appartient pas. D'abord il n'est pas médecin et il n'est pas régulateur de l'assurance maladie obligatoire. C'est l'Agence nationale de l'assurance maladie (ANAM) qui est régulatrice. S'il y a quelque chose à nous reprocher c'est l'ANAM qui doit le faire et M. Adnane doit se plaindre à l'ANAM, c'est-elle qui régule la CNOPS et la CNSS c'est elle qui donne le tempo et pas lui. Qu'en est-il du ministère de la Santé ? Le ministère de la Santé il est au-dessous de tout ce petit monde. Il confie le rôle à l'ANAM qui est la régulatrice. Si le directeur de la CNOPS a quelque chose à nous reprocher, il y a une commission qui se réunit au niveau de l'ANAM qui s'occupe de ça. Il n'a qu'à se plaindre à la commission, il n'a pas à duper le citoyen en sortant des chiffres qui n'ont aucun sens, parce que les chiffres sont basés uniquement sur les accouchements remboursés dans le cadre de la CNOPS, qui ne représentent que 30.000 par rapport aux 600.000 qui se font au Maroc. Les statistiques nationales c'est 21% de césarienne au Maroc. Donc, comparons ces 21% aux autres pays: c'est un chiffre qui date de fin 2016, même si on suppose que ce chiffre a pris 50% de plus, ce qui serait énorme et inconcevable, il serait arrivé à 30% et on serait encore largement dans les normes. Nous avons des gens qui ont des difficultés d'accès aux soins. Pourquoi y'a-t-il des césariennes ? Parce que les femmes arrivent à la dernière minute avec des grossesses non suivies, et elles amènent avec elles des tonnes de problèmes qui ne peuvent être gérés que par une césarienne, qui sauve la maman et l'enfant. Le gynécologue s'occupe de la vie de deux personnes, la maman et l'enfant, il ne faut jamais oublier cela. La maman doit rester en bonne santé et pour ne pas subir un accouchement par voie basse sur, par exemple un enfant en surpoids, alors qu'elle a un petit bassin ou autre cas urgent, elle va se retrouver déchirée de partout et handicapée à μvie, physiquement, socialement et dans sa vie de couple jusqu'à la fin de ses jours. Tout cela, pour que la CNOPS ait le plaisir d'améliorer ses statistiques, ça n'a pas de sens. Avez-vous notifié votre décision aux parties concernées ? On l'a envoyé à l'ANAM et au ministre de la Santé. L'annonce sera également affichée dans les cabinets des gynécologues, pour que petit à petit le patient soit au courant avant le 1er mai et les cliniques vont suivre parce que de toute façon c'est le médecin traitant qui signe la prise en charge, s'il ne signe pas il n'y a pas de prise en charge. Mais nous allons remettre à la famille qui paye à la sortie tous les papiers nécessaires pour qu'elle se fasse rembourser dans les règles de l'art.