La récente décision de la CNOPS de conditionner, dès le 1er mai prochain, le paiement de césariennes à la production d'un rapport médical justifiant le recours à cet acte chirurgical, n'a pas été bien accueillie par certains représentants du corps médical national. Certains médecins, notamment des gynécologues, contactés par Al Bayane, dénoncent une «non-décision», une «fuite en avant» de la caisse de prévoyance ou encore une décision sans pertinence. La Caisse nationale des organismes de prévoyance sociale (CNOPS) refuse désormais de payer les accouchements par césariennes si celles-ci ne sont pas justifiées médicalement. Dans un communiqué publié mercredi 17 avril, la mutuelle d'assurance du secteur public déplore le nombre élevé de césariennes au Maroc. A en croire la caisse, celles-ci représentent 6 accouchements sur 10. La CNOPS indique ainsi que sur plus de 30 000 cas d'accouchements en 2017, 61% ont été réalisés par césarienne. Ce qui a augmenté de plus de 10% ses dépenses de césariennes de 2006 à 2017, passant ainsi de 13 MDH en 2006 à 130 MDH en 2017. Cette forte augmentation aurait causé des pertes à la caisse de l'ordre de 70 millions de dirhams, souligne-t-elle. D'après le communiqué de la caisse, tout acte de césarienne qui n'est pas justifié médicalement, sera désormais payé sur la base du forfait de l'accouchement par voie basse, prévient la CNOPS. Celle-ci enjoint par la même occasion les hôpitaux et cliniques à «joindre à leur dossier de facturation un compte-rendu précisant l'indication médicale du recours à la césarienne programmée ou d'urgence, en expliquant la raison motivant le recours à cet acte». Selon les chiffres avancés par la CNOPS, le secteur privé, qui s'accapare 90% du nombre des accouchements, enregistre un taux supérieur du recours à la césarienne, se situant à 66% contre seulement 25% dans le secteur public, explique le communiqué, notant que certaines structures privées d'hospitalisation à Casablanca, Rabat, Fès, Agadir, Kénitra et El Jadida, ont même franchi la barre de 80% en 2017 et que 72% des femmes césarisées en 2017 étaient âgées entre 20 et 35 ans. Contacté par Al Bayane, Touria Skalli, gynécologue, qualifie cette décision de non pertinente. «Dans toutes les prises en charge, nous, médecins, avons toujours une pièce confidentielle justifiant la raison de nos actes médicaux. Donc, ce n'est rien de nouveau. Ce qui est nouveau, c'est que la CNOPS veut contrôler», déclare-t-elle, estimant d'ailleurs que cela ne relève pas de ses fonctions. « Cela ne relève pas de son rôle, puisque c'est une caisse de prévoyance. Il n'est pas dans son rôle de juger de la validité ou pas d'un acte médical, notamment de la césarienne», souligne –t-elle. D'ailleurs, pour elle, dans cette affaire, ce sont les familles qui pâtiront, dans des tiraillements avec la CNOPS, les médecins… Si la caisse se base sur des statistiques pour justifier sa décision, la gynécologue et parlementaire juge que les statistiques avancées sont à côté de la plaque, puisqu'elles n'évoquent que les chiffres liés uniquement à la CNOPS. Et d'ajouter : «Je crois que c'est un pavé lancé. C'est un débat dont on n'a pas besoin et qui manque de pertinence». Même son de cloche chez le docteur Abdelilah Chenfouri, gynécologue, qui qualifie d'ailleurs la sortie de la CNOPS de «non-décision ayant été reçue comme un choc par la communauté médicale marocaine». «Nous fournissons un rapport médical dans le dossier de chaque malade. C'est quelque chose que nous faisions depuis, sauf que la CNOPS ne le demandait pas. Donc, ce n'est pas une nouveauté. Les autres caisses le demandaient depuis», a déclaré le gynécologue. D'ailleurs, il qualifie cette décision de la CNOPS d'une «fuite en avant», eu égard à la revalorisation de la tarification nationale de référence qui doit avoir lieu chaque 3 ans et dont les négociations sont en cours. En effet, la 1ère négociation a eu lieu en 2009, il y'a 10 ans et a été marquée par l'absence de la CNOPS et de la CNSS à la table des négociations. Actuellement, les négociations sont en cours et devraient impliquer les représentants des médecins, la CNSS et la CNOPS. «La CNSS est plus sérieuse. Elle a fait ses études et est prête à revaloriser. Quant à la CNOPS, elle bloque comme à chaque fois», souligne –t-il. Et de poursuivre: «Elle fait sortir une non note sur la césarienne et pourtant, la tendance mondiale d'augmentation de la césarienne est connue. C'est une non étude qui a été faite sur 30 000 accouchements, ce qui ne représente même pas 1% sur les 500 à 600 000 accouchements dans l'ensemble du Maroc. Comment comparer le taux d'une étude d'une caisse aux taux nationaux d'autres pays ?». Pour le gynécologue, «cette énième sortie de la CNOPS porte atteinte au secteur de la santé marocaine».