Le sit-in devant le QG de l'armée continue pour ces centaines de Soudanais qui campent sur les lieux en signe de contestation du régime. En coulisses, les leaders de la contestation préparent un gouvernement civil de transition. Les manifestants ont trouvé leur formule, ils s'organisent en tournante, quand un groupe s'en va pour se reposer, un autre prend la relève. Mais, une chose est certaine, la foule doit rester dense et compacte en attendant les ordres des meneurs de la contestation. Après des mois de manifestations qui ont commencé en décembre contre le prix du pain qui a été triplé par le gouvernement d'Omar El Béchir, les Soudanais ont obtenu leur première revendication, la chute de ce militaire devenu président. Gouvernant en seul maître depuis 30 ans, Omar El Béchir à l'origine d'un coup d'Etat militaire en 1989 s'est vu retirer le pouvoir, trois décennies plus tard par ses pairs, des militaires, à la demande du peuple. Il est actuellement détenu dans une prison de la capitale, Khartoum. Mais ces mêmes militaires qui ont repris le pouvoir, ne sont plus vus d'un bon œil chez la société soudanaise qui refuse de faire perdurer le règne militaire. Après l'annonce de la destitution d'Omar El Béchir le 11 avril, et la mise en place d'un Conseil militaire de transition qui devrait durer deux ans avant la tenue d'un scrutin, les manifestants ont rejeté ce nouveau coup d'Etat et réclamé un gouvernement civil. Même avec les promesses de l'armée, les troupes n'ont pas capitulé. Au contraire, le bras de fer engagé entre la rue et les instances dirigeantes, le Conseil militaire cette fois, a repris de plus belle forçant Awad Benawf, le chef du Conseil a annoncer sa démission. Plus tard, Salah Gosh, le chef des puissants services de renseignements soudanais NISS (qui a mené des répressions meurtrières parmi les manifestants depuis le début de la crise) s'est retiré également. Une transition voulue civile Malgré tout, les manifestants ont continué leur sit-in. Vendredi, les leaders de la révolte, l'Association des professionnels soudanais (SPA), ont annoncé leur intention de créer une autorité civile qui devrait, selon eux, remplacer le Conseil militaire de transition. Devant une organisation irréprochable, les militaires n'ont pas eu le choix que d'accepter les négociations. Une rencontre a ainsi eu lieu samedi entre les responsables militaires et les meneurs de la contestation, représentés par l'Alliance pour la liberté et le changement (ALC), un groupe de partis politiques et groupes de la société civile. « Nous avons clarifié notre demande principale, qui est le transfert du pouvoir à des autorités civiles », a déclaré à la télévision publique Siddiq Youssef, un responsable de l'ALC, à l'issue d'une rencontre avec le Conseil militaire de transition au pouvoir. Les manifestants exigent que l'armée propose un calendrier pour la transmission du pouvoir. La réunion était supposée être une amorce à l'annonce des militants prévue dimanche. Si leur demande de gouvernement strictement civil n'est pas entendue par les militaires, la SPA, mouvement en première ligne de la révolte populaire, promet d'annoncer un Conseil civil « souverain ». Mais, suite à l'annonce de la poursuite des discussions entre les deux belligérants samedi au soir, la proclamation du Conseil civil de l'association des professionnels soudanais reste incertaine. Les leaders de la contestation restent toutefois confiants que leurs exigences seront entendues. Forts de leur nombre, leur organisation et le soutien de la communauté internationale, ils estiment que le Conseil militaire capitulera dans les jours ou semaines à venir. Encore un engagement Dimanche après-midi, le général Abdel Fattah al-Burhane a réaffirmé l'engagement du Conseil militaire qu'il dirige au Soudan, à transférer le pouvoir au peuple, comme l'exigent des milliers de manifestants. « Le Conseil s'engage à transférer le pouvoir au peuple », a assuré Al-Burhane lors de sa première interview à la télévision depuis sa prise de fonction le 12 avril après la destitution du président déchu. Il a précisé que l'armée répondrait « dans la semaine » aux demandes des manifestants, qui réclament le transfert du pouvoir à une autorité civile.