Comme pour tout secteur d'activité, l'industrie bancaire est condamnée à évoluer aussi. La technologie financière, couramment appelée « Fintech », répond à ce besoin de faire progresser le secteur bancaire et le booster pour aller de l'avant, en y intégrant des techniques et moyens matériels et humains, dont l'objectif est de faciliter la transition vers le digital. Dans le cadre de son programme de conférences portant sur plusieurs questions de l'économie mondiale, l'Institut CDG a organisé, le 12 avril à Rabat, un débat concernant le domaine des Fintech. Celui-ci a été animé par des experts en relation avec ce domaine, notamment Cathie-Rosalie Joly, avocat associé au sein du cabinet Bird & Bird de Paris, Said Achchab, président fondateur de l'Institut Africain des Fintech, ainsi qu'Omar Cherkaoui, country manager à Finance Active. Selon les explications de Joly, le domaine des Fintech opère sur plusieurs niveaux, et concerne l'ensemble des acteurs économiques de la société. Du simple citoyen aux multinationales, la Fintech permet de réaliser des gains importants, que ce soit pour les coûts de gestion de l'argent physique, de la rapidité de la réalisation des transactions, de la sécurité des opérations effectuées, tout en offrant une certaine traçabilité à ce niveau. Cela dit, ce point reste assez mitigé, dans la mesure où il s'avère parfois difficile de remonter jusqu'aux sources de certaines opérations dont la finalité peut s'avérer illicite. Toutefois, les Fintech visent à apporter des solutions hors du circuit « traditionnel » de la finance, que ce soit pour les consommateurs, tout aussi bien que pour les entreprises. Le cas le plus présent est celui des entités dont l'objectif est de faciliter l'accès aux services bancaires pour les personnes dans les régions recluses. Le royaume est d'ailleurs bien lancé dans ce sens, du fait que les principales banques ont procédé au déploiement de plusieurs solutions mobiles à ce niveau. Bank Al-Maghrib (BAM) a mis le point sur l'importance de l'intégration des smartphones dans le processus de modernisation des services à plusieurs reprises, notamment à travers le lancement d'une solution de portefeuille digitale, baptisée « M-Wallet », en partenariat avec l'Agence Nationale de Réglementation des Télécommunications (ANRT). Avec des services du genre, il est possible d'effectuer différentes opérations financières via mobile au sein du royaume, notamment des paiements en ligne et des transferts d'argent, en plus de la gestion quasi intégrale de son compte bancaire, sans avoir à se présenter physiquement auprès d'un quelconque établissement. Mais on ne peut pas parler de Fintech et de finance 2.0 sans évoquer les cryptomonnaies. Le Bitcoin et ses compères ont été bannis en 2017 au sein du royaume par BAM, l'Office des changes et le Groupement des professionnels des banques du Maroc. Sauf que le royaume s'était classé 46e dans le monde pour ce qui est des transactions réalisées via Bitcoin en septembre dernier. Ce fait était contradictoire à la volonté des institutions financières du Maroc, quoique le Wali de BAM, Abdellatif Jouahri, semble changer petit à petit d'avis à ce niveau. En effet, le Wali de BAM avait évoqué un éventuel dénouement pour le blocus des cryptomonaies au Maroc, une fois qu'un cadre réglementaire aura été mis en place, afin de contenir les risques potentiels de leur utilisation. Le Maroc semble donc s'ouvrir de plus en plus sur la légalisation des monnaies virtuelles, à un moment où leur adoption divise les pays, mais séduit certaines institutions financières de renom, qui ont lancé leurs propres monnaies, notamment le cas de la banque américaine J.P Morgan avec son JPM Coin. Une transition qui dépend de plusieurs facteurs Les possibilités qu'offrent les Fintech sont bien intéressantes, mais comme pour n'importe quel changement, la pertinence de leur déploiement dépend de plusieurs facteurs. Pour mettre les choses au clair à ce niveau, on doit disposer d'un équilibre entre l'innovation technologique, le profil des utilisateurs, et l'état du cadre réglementaire en place. Un point sur lequel les intervenants sont unanimes. Dans le cas où cet équilibre est atteint à un pourcentage satisfaisant, cela devient rapidement visible à travers l'apparition, voir l'évolution des activités de certains acteurs économiques. On citera le cas de certains opérateurs télécoms qui proposent dorénavant des services bancaires, mais aussi des banques qui se lancent dans le secteur des assurances. Omar Cherkaoui. Crédits photo : Hespress FR. Said Achchab. Crédits photo : Hespress FR. Cathie-Rosalie Joly. Crédits photo : Hespress FR. Par ailleurs, le développement des Fintech passe par celui des startups, selon Cherkaoui. Ces jeunes « pousses » ont pour mission d'apporter des solutions à un besoin spécifique du marché, tout en essayant de trouver des investisseurs dans une course très compétitive. En effet, peu sont les startups qui arrivent à décrocher des opportunités de financement pour le développement de leurs activités. Cela est dû à un business plan et une idée qui n'est pas toujours adéquats au marché, chose qui fait que si elles n'arrivent pas à se réorienter, la course touche à sa fin. Qu'en est-il de la sécurité ? À la lumière de tout ce qui a été dit un peu plus haut, tout semble pousser à penser que les Fintech sont un fort impénétrable. Cela est bien le cas dans un sens, mais il ne faut pas oublier que l'on joue avec des données sensibles. La protection des données personnelles est donc une chose qu'il ne faut pas négliger lorsqu'on parle du développement d'un cadre propice à la finance du futur. Dans ce sens, il est à noter que le Maroc dispose d'un cadre législatif très avancé à ce niveau, notamment pour ce qui est la gestion et la protection des données à caractère personnel. Le législateur marocain a mis en place la loi 09-08, relative à la protection des données personnelles, qui stipule que les utilisateurs doivent être informés de la collecte de leurs données par les entreprises ou les fonctionnaires de l'Etat. Ces derniers peuvent aussi refuser de donner leurs informations et disposent du droit de savoir l'usage qui en sera fait. Il leur est possible de rectifier les informations les concernant si elles sont fausses et peuvent exiger le retrait de certaines informations qui pourraient nuire à leur réputation.