L'Algérie retient son souffle en ce vendredi 29 mars qui marque la première manifestation populaire post-déclaration du chef d'état-major de l'armée, le général Ahmed Gaïd Salah, demandant de déclarer le président Bouteflika, inapte à exercer le pouvoir en vertu de l'article 102 de la Constitution. Si la déclaration, pour le moins inattendue de Gaid Salah, a suscité quelque enthousiasme dans les premières heures l'ayant suivie, le réalisme a vite refait surface pour voir la rue et l'opposition repartir de plus belle dans leurs réclamations d'un départ de tout le système et pas uniquement le président. Ce faisant, un appel à manifestation massive à travers tout le pays a été lancé pour ce vendredi, qui lèvera le voile sur la réponse des Algériens à l'armée, accusée de putsch et de tentative de récupération en sacrifiant Bouteflika, âgé et affaibli par un AVC sévère, dans la foulée. La balle dans le camp du Conseil constitutionnel Ce sixième « vendredi » de manifestations populaire pacifique de suite intervient alors que tous les regards sont tournés vers le Conseil constitutionnel, qui ne s'est pas encore (depuis mardi) prononcé sur la procédure de destitution du président en vertu de l'article 102 invoqué par Gaid Salah. Ainsi, selon cet article, l'« état d'empêchement » doit être déclaré en cas de maladie grave et durable du chef de l'Etat. Sa mise en œuvre doit intervenir après l'approbation du Conseil constitutionnel par une majorité des deux tiers dans les deux chambres du Parlement. Le cas échéant, c'est le président du Conseil de la nation, en l'occurrence Abdelkader Bensalah, qui devra assurer l'intérim en attendant l'organisation d'élections présidentielles. Loin de faire l'unanimité Toutefois, Bensalah, président depuis 17 ans dudit conseil, est loin de faire l'unanimité parmi ses concitoyens, qui le considèrent comme un pur produit du régime qu'ils rejettent en bloc, et loin de l'image qu'ils se font de leurs futurs dirigeants. Des rumeurs avaient, d'ailleurs, circulé sur les réseaux sociaux concernant sa nationalité. En effet, beaucoup avaient soutenu, sur la base d'un décret du Journal officiel, que Bensalah est d'origine marocaine et n'a obtenu la nationalité algérienne qu'en 1965, ce qui le rend inéligible à assurer l'intérim de la présidence de la République dans le cas de l'application de l'article 102 de la Constitution. Des éclaircissements avaient par la suite été apportés, mais n'ont pas suffi pour faire changer les avis. Défections en masse L'actualité algérienne est également marquée, ces derniers jours, par des défections en masse d'alliés traditionnels du régime et du président sortant. Partis politiques, patronat, centrales syndicales, anciens ministres et personnalités très en vue de la scène politique du pays, ont à des degrés différents, appuyé la décision de l'Etat-major d'enclencher la procédure de destitution de Bouteflika sur la base de l'article 102 de la loi fondamentale. Conviction ou crainte ? on ne saurait le dire, car si certains sont partisans, de la première heure, de ce départ, d'autre le font par crainte de représailles à venir, le message de Gaid Salah ayant été très explicite à ce propos. «L'armée nationale populaire saura, en temps opportun, privilégier l'intérêt de la patrie sur tous les autres intérêts», avait-il dit, dans ce qui avait été perçu par certains comme un « avertissement face à l'entêtement du clan présidentiel ». Néanmoins, si les Algériens ont vu dans la déclaration de Gaid Salah une « porte de sortie » probable de la situation dans le pays, ils n'en demeurent pas moins sceptiques à l'égard de l'institution qu'ils refusent de voir prendre le pouvoir t opérer ce qu'ils affirment craindre, à savoir un hold-up politique. Pour la première fois depuis le 22 février 2019, on écoute des slogans hostiles à Ahmed Gaid Salah Chef d'Etat Major de l'armée algérienne #Alger 28/3/19 « Bouteflika tu vas partir, emmène avec toi Gaid Salah » pic.twitter.com/vzGMNvtMoE — Khaled Drareni (@khaleddrareni) March 28, 2019