A l'occasion de la journée internationale de la femme célébrée le 8 mars, Hespress FR rend hommage à ces femmes de poigne qui ont contribué, chacune à sa manière, à faire évoluer la situation féminine au Maroc à travers un combat quotidien. Coup de projecteur. Aicha Ech-Chenna On ne peut pas parler des droits de la femme sans parler de Aicha Ech-Chenna. Ambassadrice de la cause féminine au Maroc, Ech-Chenna mène le combat d'une vie. La cause des mères célibataires exclues par la société est celle de la militante marocaine, à travers son Association de la Solidarité Féministe (ASF), créée en 1985. Ech-Chenna veille à proposer des formation pour permettre à ces femmes d'être libres et de bénéficier d'une autonomie financière et sociale. Malgré une société très fermée au dialogue et le tabou concernant la question des enfants nés hors mariage, la féministe n'a jamais baissé les bras. Un travail acharné qui a porté ses fruits. Ech-Chenna, 77 ans, a reçu plusieurs distinctions au cours de son parcours hors du commun. En 1995, elle a reçu le Prix des droits de l'homme de la République française à Paris, avant de recevoir en 1999 le Grand Atlas des services culturels de l'ambassade de France à Rabat. Elle a également remporté le prix OPUS 2009, un prix humanitaire d'un million de dollars similaire au lauréat du prix Nobel de novembre 2009 à Minneapolis, aux Etats-Unis. En 2013, Ech-Chenna a été nommée Chevalier de la Légion d'honneur par la France pour les 51 années passées au service des mères célibataires marocaines. En 2015, la militante a remporté le prix du Partenariat mondial pour la responsabilité sociale (GPSA) de la Banque mondiale pour la région MENA. Le prix est décerné à des personnes pour leurs contributions exceptionnelles dans le domaine de la responsabilité sociale. L'année suivante, elle a été couronnée Femme de l'année à la cérémonie de la Femme de l'année à Monte-Carlo. Aicha Ech-Chenna est devenue, au fil des années, une sorte d'héroïne des temps moderne, un exemple de réussite et l'une des principales militantes des droits des femmes et des enfants dans le Royaume. Asma Lamrabet Aider les femmes musulmanes à s'émanciper, tel est le combat d'Asma Lamrabet. L'écrivaine marocaine a plus d'une corde à son arc. Militantisme, écriture et carrière en médecine, celle qui se dit féministe et musulmane est bien déterminée à faire entendre sa voix. Défenseur infatigable de l'égalité des sexes dans une société où les droits des femmes sont souvent bien inférieurs à ceux des hommes, Lamrabet a accumulé un corpus de travaux montrant que le féminisme et l'islam peuvent coexister malgré des siècles de dogme centré sur l'homme. A travers ses écrits, Lamrabet veut démontrer que l'inégalité entre les sexes est moins liée aux principes de l'Islam qu'à son interprétation dans les sociétés dominées par les hommes. En une quinzaine d'années, elle a publié plusieurs articles et livres sur le sujet, dont «Musulmane tout simplement» (2002), «Aïcha, épouse du Prophète ou l'Islam au féminin» (2004), «Le Coran et les femmes : une lecture de libération» (2007) et «Femmes et hommes dans le Coran : quelle égalité ?» (2012). Ses travaux de recherche sont, en effet, l'aboutissement d'un long combat mené par cette femme. Selon Lamrabet, le féminisme marocain est aujourd'hui un «féminisme décolonial», riche sur le plan spirituel, culturel et historique. Elle souhaite que ce genre de féminisme soit dépolitisé, de manière à pouvoir servir la majorité des femmes, "en particulier celles qui vivent dans la pauvreté", une question fondamentale des droits humaines selon cette dernière. Fatima Mernissi La vie de Fatima a été riche en réalisations: Elle était sociologue, féministe et une écrivaine d'une grâce extraordinaire. Une femme très instruite qui écrivait ses sujets aussi bien en arabe qu'en français et anglais. Décédée en décembre 2015, Mernissi a été la voix des femmes, en bousculant les idées sexistes à une époque dominée par les hommes. Son premier livre, « Au-delà du voile: La dynamique hommes-femmes dans la société musulmane moderne (1987) », basé sur sa thèse, a établi un parallèle entre les relations familiales et les relations politiques, et s'est concentré sur les tensions et les contradictions Etat marocain colonial créé à la fois en encourageant les femmes à s'éduquer et à intégrer le monde du travail et en s'attendant toujours à ce qu'elles se conforment aux rôles traditionnels. Dans ses travaux, la professeure Mernissi, qui préconise un islam modéré et inclusif, a souligné que son étude approfondie des textes religieux n'avait guère suscité le soutien de la longue subordination des femmes. Cette lecture, a-t-elle soutenu, est le résultat de siècles d'interprétation erronée de la part de dirigeants masculins soucieux de maintenir le statu quo sexuel. Najat Ikhich Najat Ikhich se bat depuis 2004 contre les violences faites aux femmes à travers sa Fondation Ytto, où elle mène des programmes de sensibilisation sur ce fléau et agit pour l'insertion économique des femmes. L'éradication du mariage des mineurs est aussi l'un des objectifs de la militante qui n'hésite pas à qualifier cette union de viol. Ce combat, c'est aussi le sien, vu qu'elle avait échappé à un mariage forcé avec son cousin quand elle n'était qu'adolescente. Pour y remédier, elle sillonne alors les routes du Maroc en direction des régions les plus pauvres du pays où le mariage des mineures est fréquent et les filles déjà mères à l'âge de 15 ans. La fondation Ytto, c'est la détermination de Ikhich de continuer à éveiller les consciences et contribuer activement à briser le cycle de mariage précoce, et à rompre l'isolement de beaucoup de communautés oubliées du Maroc. Ibtissam "Betty" Lachgar Ibtissam Lachagar, aussi surnommée « Betty », est devenue, en l'espace de quelques années une figure incontournable du paysage féministe marocain. A travers son association Mouvement Alternatif pour les Libertés Individuelles (M.A.L.I), créée avec la journaliste franco-marocaine Zineb El Rhazoui, la militante lutte pour le droit de liberté de chaque individu, y compris la femme marocaine, victime de discriminations multiples et d'oppression dans une culture conservatrice. Quitte à déranger, Betty n'hésite pas à se mouiller. En 2017, à l'occasion de la journée internationale de l'élimination des violences contre les femmes, à travers son association, Betty a mené une action en colorant des fontaines en rouge afin de sensibiliser l'opinion publique, que celle-ci prenne la mesure des violences du système masculiniste. Une action qui lui a valu notamment beaucoup de critiques, et une enquête de la part des autorités. Parmi nombreuses de ses actions pour une place plus importante de la femme, sa lutte pour le droit à l'Interruption Volontaire de Grossesse (IVG). « Pour nous, cette cause est primordiale. Il faut accorder aux femmes le droit de disposer de leurs corps », avait-elle déclaré.