C'est un weekend des plus mouvementés qu'ont connu les Algériens, à l'intérieur comme à l'extérieur du pays. Les manifestations contre le 5è mandat de Bouteflika ont pris une ampleur telle que les autorités ont semblé désemparées devant ce ras-le-bol populaire qu'elles n'ont pas vu venir. Entre le silence embarrassé des uns et les sorties maladroites des autres, le peuple n'est pas près de se calmer et promet une escalade. D'abord prises de court, puis dépassées, les autorités ont riposté de différentes manières, mais la palme d'or de la maladresse est à attribuer au président de l'Assemblée populaire nationale (APN), Mouad Bouchareb, l'un des hommes forts et une figure qui monte en puissance dans le système algérien. Auteur de l'une des rares sorties des responsables qui continuent, envers et contre tout, de défendre « la légitimité et la pertinence » du 5è mandat, Bochareb a, ni plus ni moins, comparé Bouteflika à un « Prophète » et brandi le spectre du chaos dans le pays. « Dieu a envoyé Bouteflika en 1999 pour réformer la Nation algérienne et lui rendre la place qui est la sienne », a déclaré Mouad Bouchareb, également patron +provisoire+ du vieux parti FLN, qui n'en est pas à sa première sortie du genre. Déjà en décembre dernier, il avait comparé le président au prophète Ibrahim. Toutefois, les mots de trop, qui ont indigné les Algériens, ont été de comparer leurs revendications à des rêves qui ne se réaliseront pas. « Vous savez bien que dans de nombreux pays, les gens sont sortis dans la rue par dizaines de milliers pour exprimer des revendications sociales et politiques et, lorsque d'autres parties se sont infiltrées, leur rêve s'est évaporé et leurs aspirations ne sont pas réalisées », a-t-il affirmé, soulignant que ceux qui veulent rééditer le scénario en Algérie échoueront. Si Bouchareb a joué son va-tout et choisi la provocation, d'autres se murent dans un silence embarrassé qui traduit le malaise des responsables face à une grogne qui semble gagner du terrain et trouver écho même hors des frontières. La manifestation du vendredi 22 févier a mobilisé tellement de monde de tous bords, que certains observateurs assurent même que dorénavant il y aura « un avant et d'un après 22 février ». Lire aussi: Algérie : Manifestation nationale le 22 février pour dire non au 5è mandat de Bouteflika Outre cette sortie maladroite, de laquelle le FLN s'est quelque peu dissocié en affirmant dans un communiqué que les propos de Bouchareb, notamment ceux faisant référence à des rêves irréalisables, « ont été mal compris », aucun communiqué officiel, ni intervention de quelque responsable à quelque niveau que ce soit, n'ont été enregistrés, du moins de manière officielle et claire. Car en parallèle, des « actions » semblent avoir été menées : L'agence officielle, les télévisions d'Etat, les radios publiques ainsi que beaucoup de télévisions privées ont passé sous silence ces manifestations. Tout se passe comme si la situation était ordinaire, et en dépit de cette « démonstration de force » du peuple algérien, les partisans du cinquième mandat continuent « de planter le décor » de la réélection de Bouteflika. Le directeur de campagne du président, l'ex-premier ministre, Abdelmalek Sellal a ainsi installé les directeurs de campagnes des wilayas, les invitant toutefois à « éviter les polémiques », mais aussi « à investir la toile pour contrecarrer les partisans du rejet du cinquième mandat ». Même les mosquées ont été mises à contribution en ce 22 février. Les imams ont ainsi « consacré » leur prêche du vendredi à la sensibilisation des fidèles aux « dérapages pouvant découler d'éventuelles manifestations ». Les autorités donnent réellement l'air de se mélanger les pinceaux face au « soulèvement » du peuple qu'on donnait résigné et incapable de se révolter « pour des raisons autres qu'économiques ». Le recours à la violence a également été une option qu'elles n'ont pas hésité à choisir. Des opposants et manifestants ont été malmenés par la police et arrêtés. L'ex-leader du FIS, Ali Belhadj a même dû être hospitalisé suite à une agression policière. Toutefois, le mot d'ordre des manifestations du weekend a bien montré que les Algériens réclament tout bonnement « un changement de régime ». Ils refusent de continuer à être gouvernés par un président qu'il n'ont plus entendu depuis plus de 7 ans et qu'ils ne voient, à de très rares occasions, que sur un fauteuil roulant, offrant l'image d'un « fantôme qui prête son visage et son nom à une mafia politico-financière qui n'en finit pas de saigner le pays ». Lire aussi: Algérie : le président en Suisse, le peuple dans la rue